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« Caledoun », la Calédonie des Arabes et Berbères

Les Nouvelles Calédonienens, publié le lundi 28 novembre 2011 à 03H00

L’Institut du monde arabe à Paris accueille l’exposition Caledoun, Arabes et Berbères de Nouvelle-Calédonie hier et aujourd’hui. L’occasion de revenir sur l’histoire d’une communauté du Caillou issue du bagne.

Descendants de transportés ou de relégués renouent aujourd’hui avec leur histoire, notamment lors de voyages en Algérie. Sur le Caillou, le cimetière de Nessadiou reste un des symboles les plus forts de l’implantation arabe en Calédonie. Une histoire présentée pendant trois jours à l’Institut du monde arabe à Paris.

Une exposition pour casser un mythe et rétablir la vérité. Son nom ? « Caledoun ». C’est ainsi que les premiers bagnards venus d’Algérie prononçaient Calédonie. Elle se déroule à Paris du 29 novembre au 1er décembre à l’Institut du monde arabe, à l’initiative du gouvernement calédonien et dans le cadre de l’Année des outre-mer.
Elle raconte une histoire méconnue. Parfois taboue. Celle des Arabes et Berbères transportés, relégués et déportés sur le Caillou entre 1864 et 1897. Elle a concerné 2 000 Nord-Africains. Autour d’eux s’est créé un mythe. « Les descendants de bagnards français disaient que leur grand-père avait été condamné pour avoir volé du pain. Les descendants des Arabes, eux, disaient que c’était à cause de la révolte de 1871 en

Kabylie. C’est encore ce que l’on peut lire dans bon nombre de guides touristiques. Ce n’est pas le cas », précise Christophe Sand, commissaire de l’exposition, et lui-même descendant d’un bagnard algérien. En réalité, entre les morts, les évadés et ceux ayant bénéficié de la loi d’amnistie de 1895, quasiment aucun déporté politique n’est resté sur le territoire.
Révolte. Mais, il était plus facile d’assumer un ancêtre déporté pour avoir participé à une révolte liée à des revendications politiques que transporté pour vol, assassinat, association de malfaiteurs ou encore relégué pour avoir été multirécidivistes de vulgaires rapines. Sur les 2 000 bagnards d’Afrique du Nord, seuls quelque 130 ont participé à la grande révolte de Mokrani en Kabylie, deux jours avant le début de la Commune de Paris. Elle avait eu pour origine le remplacement de l’autorité militaire par des civils et l’obtention par les juifs algériens de la citoyenneté française.

Sauterelles. Condamner à l’exil avait deux intérêts pour la France. Elle permettait de vider l’Algérie de fauteurs de troubles et de coloniser un territoire du Pacifique. L’administration pénitentiaire, véritable Etat dans l’Etat, avait un parc de terres extrêmement important. Elle l’a divisé et a attribué des lots de plus de quatre hectares aux bagnards en fin de peine ou en cours de peine mais en voie de réhabilitation. « La vie était dure, entre les cyclones, la sécheresse, les invasions de sauterelles, sans compter qu’il y avait tout à faire en pleine Brousse », raconte Christophe Sand.

Correspondances. En 1969, l’Association des Arabes et amis des Arabes de Nouvelle-Calédonie vit le jour. Un premier pas pour assumer cette histoire commune. Une nouvelle étape fut franchie quand, en 1984, un historien algérien, Séddik Taouti découvrit ces Algériens du bout du monde. Deux ans plus tard il organisait le premier voyage de descendants calédoniens en Algérie. Ce n’était que le début. En 2000, la télévision algérienne arrivait en Nouvelle-Calédonie. Elle allait diffuser huit épisodes en prime time sur les Algériens du Caillou. Le peuple algérien se réappropriait une partie de son histoire, effacée volontairement par le Front de libération national (FLN). L’émission fit un carton. Les Algériens envoyèrent entre 5 000 et 6 000 lettres à leurs descendants du Pacifique. Avec Taïeb Aïfa et Abdelkader Boufenèche, Christophe Sand fit une tournée en guest stars sur la terre de ses ancêtres. Les Arabes et Berbères de
Nouvelle-Calédonie ont retrouvé leurs racines et, grâce à elles, assument complètement leur identité
calédonienne.

Des rencontres sous forme de… « speed dating »

L’administration pénitentiaire a « utilisé » les bagnards pour coloniser les terres. Elle voulait aussi leur assurer une descendance. Car tenir seul une exploitation était impossible. Sur les 30 000, entre 1 000 et 2 000 sont parvenus à prendre souche sur le territoire, parmi eux une centaine d’Arabes et Berbères. Si les premiers bagnards français ont eu le droit de venir accompagnés de leur famille, cela n’a pas été le cas pour les Arabes. L’administration a donc décidé de faire le tour des prisons de femmes en Métropole. En échange de réductions ou de levées de peines, il leur était proposé de partir en Nouvelle-Calédonie se marier avec des bagnards. « Elles étaient accueillies par les sœurs de Cluny, puis à Bourail dans un bagne pour femmes. Les hommes venaient les rencontrer dans un kiosque, derrière lequel, à l’écoute, se trouvait une bonne sœur. C’était les premiers speed dating », plaisante le commissaire d’exposition. Tous les mariages ont donné des métis, aucune femme arabe n’étant venue sur le territoire. La culture, la religion, la langue se perdirent pour partie. Les missionnaires, dont le père Bussy, qui laissera de nombreuses lettres et photos, se chargèrent de l’évangélisation. Bien plus tard, les descendants d’Arabes se marièrent entre eux pour préserver ce qu’ils pouvaient de la culture de leurs ancêtres.

Textes : David Martin (Agence de presse GHM) - Photos DR, collections particulières et Archives LNC.



27/11/2011
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