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Coaching

À l'université Paul-Cézanne, qui accueille 22 000 étudiants, cette réforme est centrale car le taux d'échec en première année est de 65 %. Crédits photo : Ian HANNING/REA

Valérie Pécresse juge les facs d'Aix exemplaires pour leur projet contre l'échec en première année.     

En ce mardi après-midi de la fin septembre, les rangs du grand amphi de la fac de lettres d'Aix-en-Provence sont bien clairsemés. Moins d'une centaine d'étudiants sur les 500 inscrits en première année de licence de langues étrangères appliquées sont présents pour rencontrer leur «professeur référent». Sous cette dénomination se cache l'une des clés du plan lancé par Valérie Pécresse pour lutter contre l'échec en première année de licence. Depuis cette rentrée, chaque étudiant aura un interlocuteur pour le conseiller et l'accompagner en cas de questions, de pépins ou de coup de blues. Au fond de l'amphi, Sandra concède que «cela peut être utile», mais que pour le moment, elle se sent «larguée» dans cette grande fac. La directrice du département, qui présente ce dispositif ne cache pas sa déception. Non loin de là, sur les marches du grand bâtiment défraîchi des années 1950, Claire et Stéphanie, plan à la main, s'avouent complètement perdues. «Les emplois du temps sur Internet, c'est bien, mais j'ai franchement galéré pour construire le mien», glisse Claire. Elle vient de rencontrer son prof référent, qui a validé ses choix de matières. «C'était sympa, on a parlé, elle m'a demandé si je travaillais à côté...». Dans un petit bureau du troisième étage, ce professeur d'espagnol reçoit depuis deux jours non-stop des étudiants de première année. «Nous consacrons beaucoup d'énergie à ce plan licence et la mise en place de professeur référent est positive, mais encore faut-il que les élèves répondent présents...», concède-t-elle. Pour elle, le problème est plus global. «En réalité, comme les formations courtes sont prises d'assaut par des bacheliers de série S, nous récupérons des élèves qui n'ont pas le niveau, en particulier des bacheliers pro et technologiques.»

«Casser les barrières»

Depuis la semaine dernière, avec les deux autres voisines aixoises Paul-Cézanne et l'Université de la Méditerranée, l'université de Provence-Aix-Marseille-I, qui regroupe près de 25 000 étudiants en langues, lettres ou encore sciences a été classée par Valérie Pécresse dans le palmarès des seize universités les plus vertueuses au regard du plan «réussite en licence».

Un meilleur encadrement en licence ? Sur le site de Montperrin, dans un bâtiment moderne, à taille humaine, dédié aux premières années de l'université Aix-Marseille-3, Jeanne et Lætitia, en licence de sciences, se sentent privilégiées. «Nous avons rencontré notre professeur référent. On pourra le contacter en cas de problème.» Même si le contact a été très court. «Quinze minutes chrono, on n'avait pas vraiment de questions...», sourit Jeanne. Mais pour d'autres sur le campus, la fac reste avant tout synonyme de liberté. «Si on m'encadre trop, je n'arrive pas à bosser», lance, fanfaron, Emmanuel. À côté, Charlotte lâche de manière assez définitive que «si on avait voulu être encadrés, on ne serait pas venus à la fac...». D'autres étudiants ne sont visiblement pas au courant, tout simplement… Pour Marc Pena, président de l'université Paul-Cézanne qui accueille 22 000 étudiants en droit, sciences et économies appliquée, cette réforme est centrale. Il espère que par ce biais, «l'université deviendra un vrai choix». Au côté des professeurs référents, une batterie d'outils va être mise en place : tuteurs étudiants pour leur donner des cours de soutien mais aussi une aide à la recherche de documentaires, plate-forme d'orientation et d'insertion professionnelle ou encore développement des supports numériques pour les cours.

Car ici, en droit, le taux d'échec en première année frise les 65 %… D'où l'urgence. Comme dans beaucoup d'universités françaises, les causes du mal sont connues : mauvaise orientation, passage brutal d'un lycée cadré à l'université qui en désoriente plus d'un. D'autant que, plus peut-être qu'hier, ces jeunes ont l'habitude d'être maternés. À la fac de sciences, Didier Vandamme avoue être surpris «du nombre de jeunes bacheliers qui viennent s'inscrire avec leurs parents !». Même son de cloche à l'Université de Provence.

En droit, avec un effectif pléthorique de 2 500 étudiants en première année et un corps professoral réduit à 160 enseignants, les remèdes sont complexes à mettre en place. D'autant que pour beaucoup d'enseignants, un emploi du temps largement rempli entre la recherche et l'enseignement ne laisse pas beaucoup de place à des heures supplémentaires. À l'issue d'un test de niveaux, des séances de travaux dirigés supplémentaires de soutien en petits groupes d'une douzaine d'étudiants vont être organisées sous la houlette d'étudiants de master. En économie et en sciences, des effectifs plus réduits laissent plus de latitude. En économie, une quarantaine d'enseignants référents sont mobilisés. Pour Chrystelle Claude, enseignante en science de la Terre, «il faut essayer de casser les barrières entre les étudiants et les enseignants». Même si elle reconnaît toutefois que «beaucoup ne prennent pas la peine de me contacter».

Du coup, pour donner plus de poids au plan licence, tant les tutorats de soutien que les rendez-vous réguliers avec les professeurs référents pourraient, à Paul-Cézanne et dans certaines composantes de l'Université de la Méditerranée, être obligatoires et intégrés dans le calcul de la note du contrôle continu. Une petite révolution. Chez les étudiants, les avis sont partagés. «Cela nous motiverait franchement à travailler, concède Sylvain, en première année. C'est vrai qu'on peut avoir tendance à se laisser aller.» À côté, Florent n'est pas d'accord. «On n'est plus au lycée ! Si on oblige ceux qui ont des difficultés à travailler, c'est totalement démotivant.» Face à ces remarques, Dominique Viriot-Barrial, vice-présidente de Paul-Cézanne en charge du conseil des études et de la vie étudiante explique que «c'est une année de transition. Il faut tester des choses, même si nous risquons peut-être d'être déçus». Enthousiasme et pragmatisme. En ce début d'année, même sous le soleil de Provence, il en faut.

Aude Sérès
26/09/2008 | Mise à jour : 09:36 | Le Figaro



04/10/2008
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