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Comité des signataires : tous contents mais dos à dos

Jeu 01 Juil 2010 |20:00, LNC

Le Rassemblement et Calédonie ensemble n’ont jamais été aussi près de la rupture de l’entente républicaine. Pourtant, chacun se dit satisfait du comité des signataires. Peut-être, mais les motifs de réjouissance divergent.

Pierre Frogier : « Une nouvelle étape »

Pierre Frogier considère le comité des signataires comme un succès personnel. Mieux, comme le début d’une nouvelle étape dans l’évolution calédonienne.

« Au cours des huit derniers mois, j’ai fait un certain nombre de propositions fortes sur l’avenir de la Calédonie, estime le patron du Rassemblement. Il a été difficile de faire accepter, y compris dans nos rangs, les deux drapeaux, la nécessité de démarrer très vite les discussions sur la sortie de l’accord, de chercher une solution aux confins de l’autonomie ou d’amener les industriels à coopérer entre eux. Je voulais que ce comité soit politique. Or il l’a été. Et je constate que mes propositions en ont constitué l’ossature. Avec les deux drapeaux, un tabou est levé. Nous avons d’une certaine façon renouvelé l’acte fondateur du pacte social de la Nouvelle-Calédonie, à savoir la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou en 1988. »
Nicolas Sarkozy a certes approuvé la proposition Frogier de faire flotter les drapeaux tricolore et indépendantiste côte à côte. Mais il a déclaré que ce n’était « qu’une étape dans un processus plus long qui devra aboutir au choix d’un drapeau unique. »
Pour Pierre Frogier, « il ne pouvait pas dire autre chose en tant que chef de l’État. Ce qu’il faut retenir, c’est sa proposition de faire flotter les deux drapeaux devant le haut-commissariat. Une fois que l’emblème FLNKS sera hissé sur les édifices publics, il n’en redescendra plus. Il aura pris sa place dans les têtes et dans les cœurs. »
Sur le front minier, l’État va accompagner l’élaboration d’un schéma industriel minier et métallurgique. Pour le député, c’est un point capital. « Ce qui m’inquiète, bien plus que l’indépendance, c’est la prise en main de la Calédonie par les grandes sociétés métallurgiques. J’ai dit à François Fillon qu’une petite communauté de 250 000 ou 300 000 personnes ne pourra pas résister à l’influence des grands groupes. Ça a déjà commencé avec des faits de corruption. Dans dix ans, nous produirons près de 200 000 tonnes par an. Pour moi, c’est plus qu’un sujet d’inquiétude, c’est une obsession. »

Les transferts sont importants, mais surtout pour les politiques.

L’ouverture de discussions sur l’après-2014 était l’une des questions les plus controversées. La position actée par le comité des signataires est d’une part de réaliser un bilan de l’accord, d’autre part de lancer « un travail de préparation qui n’est pas une négociation. » Un compromis qui satisfait pleinement Pierre Frogier, qui est en revanche moins enthousiaste au sujet des transferts de compétences : « Les transferts sont importants bien sûr. Mais surtout pour les politiques. Ce n’est pas ça qui parle aux gens de la rue ou des tribus. Ce qui leur parle, ce sont les symboles forts qui touchent les cœurs et les esprits. » En parlant de symbole, Pierre Frogier exclut l’idée de supprimer le nom de Nouvelle-Calédonie, « un héritage historique dans lequel tout le monde se reconnaît. Mais pourquoi ne pas engager une recherche toponymique pour choisir un nom kanak qui pourrait également désigner notre territoire ? »
Reste cet ostracisme envers Philippe Gomès : « Philippe Gomès, qui n’est pas signataire, était là en tant que président du gouvernement et devait s’exprimer en tant que tel. Lorsqu’il s’est lancé dans une longue dissertation sur les signes identitaires et l’emblème sud-africain, plusieurs d’entre nous ont considéré qu’il sortait de son rôle et sont donc sortis à leur tour. »

Calédonie Ensemble : « Nous tenons nos engagements »

Le parti de Philippe Gomès est peut-être isolé, mais « cela n’a pas d’importance, assure Philippe Michel. Ce qui est important, c’est de tenir les engagements pris vis-à-vis des Calédoniens ». Revue de détails.

Satisfaits. Parti avec « une contribution utile et responsable » sous le bras, Calédonie Ensemble, représentée par Philippe Gomès, affiche un large sourire. Transferts de compétences, mandat donné au haussaire pour signer la convention-cadre, échanges dès aujourd’hui et non négociations sur l’après-2014, reconduction d’une enveloppe identique à celle de la précédente génération de contrats de développement (46 milliards de francs)… « Les décisions de ce 8e comité des signataires de l’accord de Nouméa sont très satisfaisantes […], parce qu’elles correspondent aux positions que nous avons toujours défendues », souligne Philippe Michel.
Drapeau. Si l’hymne, la devise et le graphisme des billets de banque doivent être soumis au vote du Congrès avant le 31 août prochain, la problématique du drapeau reste entière. Fier de son projet réunissant les deux légitimités, Calédonie Ensemble applaudit le président de la République lorsqu’il rappelle que le long processus « devra aboutir au choix d’un drapeau unique, reconnu par tous ». Au Congrès, « nous ne voterons pas la proposition de hisser le drapeau du FLNKS aux côtés du drapeau français sur les édifices publics », souligne Philippe Michel.
Incident. Le 8e comité des signataires a mis en évidence la déchirure au sein de l’entente républicaine : Harold Martin, Éric Gay et Pierre Frogier sont sortis s’aérer dans la cour de Matignon pendant que Philippe Gomès prenait la parole. Calédonie Ensemble ne mâche pas ses mots, évoquant « un incident de séance parfaitement grossier et déplacé, […] une manifestation d’intolérance et de sectarisme totalement indigne du débat démocratique et des valeurs de la République ».
Isolement. À Paris comme à Nouméa, Philippe Gomès apparaît de plus en plus isolé. Cette situation n’inquiète pas tant que cela le parti. « Les positions politiques portées par Calédonie Ensemble, divergentes des positions du Rassemblement ou de l’Union calédonienne, ont été reconnues, et par le président de la République, et par le 8e comité des signataires ». Forts des 16 000 voix enregistrées aux dernières élections provinciales, « nous tenons nos engagements, contre vents et marées, quelles que soient l’adversité ou l’opposition des uns et des autres ». Jusqu’où ? Jusqu’à un changement de gouvernement ? Pour Philippe Michel, « si telle doit être la décision de la majorité, ce sera la décision de la majorité. Et nous nous y plierons ».

Philippe Frédière et Yann Mainguet




03/07/2010
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