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Dans le ventre du centre

 

Les réserves du centre Tjibaou recèlent quelque 2 600 pièces qui constituent le Facko, Fonds d’art contemporain kanak et océanien. Voyage dans les entrailles du centre avec Pétélo Tuilalo, responsable du département des arts plastiques et des expositions.

 

Sous les cases, les réserves. 2 600 pièces, peintures, sculptures, installations, vidéos, photographies… fruits d’une politique d’achat attentive de l’ADCK depuis 1995. Premier stop dans la petite réserve océanienne. C’est la fraîcheur qui nous accueille avec une température constante à 19 °C en moyenne, pour une bonne conservation des pièces. Pétélo tire des rails sur lesquels sont accrochés des tableaux sous verre : peintures acryliques, aquarelles, gravures… Un peu plus loin, des compactus (armoires d’archivesmobiles) accueillent d’autres oeuvres, venues de Nouvelle-Zélande, du Vanuatu ou encore de Papouasie. Travail sur la terre, sur les coraux…L’inspiration est infinie et chaque rail donne à découvrir toute une palette de couleurs et de matières.
Niveau -2. Une lourde porte de métal, un système de sécurité. On n’entre pas dans les réserves comme dans un moulin. La grande réserve est impressionnante. La lumière qui fuse fait apparaître des centaines de pièces entassées. D’immenses tableaux aux couleurs vives, des sculptures de bois et de métal à l’infinité de formes. Tout ici est démesuré. Certains tableaux sont cachés par du papier bulle. Ils reviennent de Taïwan et resteront dans leur emballage jusqu’au moment où viendra leur tour d’être exposés. « Chaque année, on présente entre 50 et 60oeuvres dans la salle Beretara [qui veut dire admirer, regarder en langue xârâcùù] consacrée à la collection du centre. Elle est renouvelée tous les ans », rappelle Pétélo. 2 600 pièces, une soixantaine exposée par an. Peu de chances de découvrir l’ensemble de la collection !

«On raconte la vie de l’objet, où il a été exposé, son prix d’achat.»

Passation. L’établissement va être transféré au territoire en janvier 2012. De grands chantiers sont donc en cours avant la passation. « Pour mon service, il s’agit de dresser un inventaire complet des objets que nous avons dans notre collection. On va vérifier que la liste que nous possédons sur nos ordinateurs correspond bien aux oeuvres que nous avons dans nos réserves et à celles qui sont en province Sud notamment dans la résidence du haut-commissaire. »
Car il est bien évident que chaque pièce acquise par le centre Tjibaou est inventoriée. Elle est même soumise à un « interrogatoire » très strict. Gants, mètre ruban et même loupe sont les outils indispensables de cette opération. « On mesure chaque oeuvre, la décrit, apporte des informations sur quand et où elle a été acquise », explique Laure Aubail, collaboratrice du responsable du département. « Tout est ensuite rentré dans le logiciel Micromusée, ajoute ce dernier. Chaque pièce a un numéro d’inventaire avec l’année d’entrée dans la collection. La fiche d’inventaire est assez complexe : Titre, auteur, nature de l’oeuvre, son état et ensuite les détails. On raconte la vie de l’objet, où il a été exposé, son prix d’achat. » Lesoeuvres sont véritablement passées à la loupe. « Il y a des inscriptions peu nettes qui peuvent porter à confusion, précise Laure. On cherche parfois la signature sur des sculptures. Ce n’est pas toujours évident. Il faut être vigilant. Il faut même aller derrière l’oeuvre pour trouver des informations complémentaires parfois. » Un véritable travail de détective.

Place. Vu le nombre de pièces que comprend le fonds, le vrai problème du centre, c’est la place pour le stockage. « Quand on manque d’espace, il faut trouver des solutions. Des pièces sont donc stockées dans la zone de préquarantaine, espace de transit qui accueille des oeuvres qui viennent de l’extérieur. Avant de les ouvrir, on les laisse deux jours dans cette pièce, le temps qu’elles prennent la température de la préquarantaine. On les sort ensuite. La même opération a lieu quand les objets doivent repartir. » Certaines peintures sur toiles sont non tendues. « Elles sont tendues sur châssis quand elles sont sélectionnées pour être exposées. On évite les manipulations et c’est un gain de place également. »
Ce problème de stockage ne va pas s’arranger puisque le centre poursuit ses acquisitions d’année en année. « On va voir les artistes que l’on connaît, on regarde leurs productions. On les invite également en résidence et on peut décider d’acheter des oeuvres en fonction de la qualité de la production ou de la thématique. » « Enfin, on achète aussi dans la région comme en 2009, où je suis allée en Papouasie- Nouvelle-Guinée acheter des peintures et des gravures », rappelle Pétélo. Selon le responsable, la création en Mélanésie est florissante et la Calédonie n’est pas en reste. Des artistes marqués par le contexte sociopolitique des dernières années. « Ils ne s’intéressent pas à faire que du beau. Ils sont touchés par les problématiques que la société calédonienne traverse », conclut Pétélo en refermant la porte de la réserve. Les tableaux perdent leurs couleurs. Le noir retombe sur les grandes sculptures. Quand reverront-ils le jour ? Difficile à dire. Une soixantaine d’entre eux sortira en avril pour la prochaine exposition en salle Beretara qui a pour thème Le corps en mouvement. Les autres devront attendre.

Patricia Calonne

 

 

Historique du centre

  • 1975 : Jean-Marie Tjibaou organise la première grande manifestation culturelle kanak : Mélanésia 2000. Plus de 2 000 participants partagent leur savoir, leurs danses et leurs chants auprès de 150 000 spectateurs.
  • 1988 : La loi référendaire, qui fixe les modalités des accords de Matignon- Oudinot, crée l’Agence de développement de la culture kanak (ADCK). Elle est chargée de valoriser le patrimoine kanak et d’encourager les formes d’expression contemporaines de cette culture.
  • 1990 : Sur la proposition du Premier ministre Michel Rocard à François Mitterrand, il est décidé de construire les locaux de l’ADCK dans le cadre des Grands Travaux de la République. Les études de programmation commencent.
  • 1991 : Le conseil municipal de Nouméa autorise la cession, à titre gratuit, de 8 hectares à Tina, destinés à la construction du centre. Le projet de Renzo Piano est choisi.
  • 1998 : Le 4 mai a lieu l’inauguration officielle du centre, accompagnée d’une cérémonie coutumière pour consacrer le don du nom Tjibaou au centre culturel. Le 15 juin, ouverture au public du centre.
 


31/01/2011
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