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Diplômés mais déclassés, les jeunes des pays de l'Europe du Sud cumulent les difficultés

Par Brigitte Perucca
LE MONDE | 12.12.08 | 14h56  •
   
"Milleuristes" espagnols, "generazione mille euro" à l'italienne, celle des 650 euros en Grèce, CPE en France... Les jeunes diplômés en pleine révolte en Grèce partagent, avec leurs voisins d'Europe du Sud, le triste record d'être payés au lance-pierre quand ils trouvent un emploi, précaire souvent. Diplômés mais déclassés, ils habitent chez papa et maman jusqu'à 30 ans et plus. Pour raisons financières, mais aussi, Méditerranée oblige, par attachement à la famille.

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"Certaines sociétés partagent le poids de la précarité entre les générations, là, toute la précarité se concentre sur les jeunes", résume le chercheur au CNRS Olivier Galland. Il en veut pour preuve le pourcentage en France de salariés en contrat à durée indéterminée parmi les 30-50 ans "qui n'a pas bougé depuis vingt ans".

Lanterne rouge en matière de taux de chômage des jeunes, avec 25,2 % des 15-24 ans sans emploi (Eurostat, 2006), la Grèce est suivie par la France (22,6 %) et l'Italie (21,6 %). En proie à un chômage redevenu massif, l'Espagne risque fort de faire subir à ses jeunes le même sort.

Entre études à rallonge et emplois au rabais, ces nouveaux déclassés sont les victimes d'une "promesse non tenue" quand ils se voient attribuer un emploi sans rapport avec leur investissement éducatif, résume la sociologue Cécile Van de Velde. La déception est d'autant plus forte que ces pays ont vécu en quelques années "un saut" important entre la génération des parents qui n'ont pas fait d'études et celle de leurs enfants surdiplômés. "Ces pays ont connu une augmentation forte et brutale des niveaux d'études pour rattraper leur retard", rappelle la chercheuse Marie Duru-Bellat. Un drame dans une Europe du Sud qui a en commun la religion du diplôme et une coupure entre universités et monde du travail, aux antipodes des pays anglo-saxon et scandinaves.

 

GÉNÉRATION KANGOUROU

 

Au Danemark, pays modèle en matière de politique de jeunesse, la proximité des entreprises et des jeunes est plus grande du fait des stages et de la présence des entreprises dans les universités. Mais dans ce pays, chaque jeune bénéficie à l'âge de 18 ans d'une bourse d'études distribuée sous forme de 72 bons mensuels (d'un montant total d'environ 1 000 euros) dont chacun dispose à sa guise et sans limite d'âge. Comme en Grande-Bretagne, le job étudiant y est la règle, et l'autonomie, la norme.

Rien de tout cela sous les latitudes plus méridionales. A l'image de la France, qui a toujours écarté l'idée d'une allocation d'études, l'Espagne, l'Italie ou la Grèce n'ont pas développé de politiques d'aides spécifiques d'accès à l'autonomie des jeunes. Ces pays misent, comme le disent les experts, sur "les transferts familiaux", autrement dit, ils préfèrent aider les familles qui, à leur tour, aideront les jeunes.

Pas étonnant que ces générations kangourous s'accrochent à leur famille tout en repoussant le moment d'en former une à leur tour. Le taux de natalité s'affiche à 1,32 enfant par femme en Italie, 1,39 en Grèce ou encore 1,38 en Espagne. Les bamboccioni ("fils à maman") quittent rarement la maison avant 30 ans. Les jeunes Grecs, Espagnols et Portugais s'incrustent aussi avec un âge médian de départ de la maison familiale de 27 ans. La France échappe malgré tout au phénomène, avec un âge médian de départ de 23 ans. En Espagne, où s'ajoute l'obsession de l'accès à la propriété, "il n'y a pas de transition entre la famille que l'on quitte et la famille que l'on forme", résume Olivier Ferrand, auteur, avec Alessandro Cavalli et Vincenzo Cicchelli, de Deux pays, deux jeunesses ? (Presses universitaires de Rennes).

Face à ce cumul de difficultés, ce qui surprend les observateurs, c'est que les jeunes ne se révoltent pas davantage. Mais quand ils se produisent, ces embrasements traduisent à coup sûr davantage, selon le sociologue italien, "non plus la lutte pour les lendemains qui chantent mais la peur de perdre ce que l'on a".




13/12/2008
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