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Ecole : un rapport confidentiel s'inquiète de la banalisation des discriminations

A l'école, il ne fait pas bon être trop différent. L'institution, dont la mission est de rassembler chacun dans la communauté républicaine, est minée par des discriminations face auxquelles elle paraît bien impuissante. Tel est le constat d'un rapport confidentiel qui sera officiellement remis au ministre de l'éducation nationale en septembre, et que Le Monde s'est procuré.

Ce texte d'une soixantaine de pages, annexes comprises, a été rédigé par un groupe de travail de dix personnes qui a mené d'octobre 2009 à mars 2010 une cinquantaine d'auditions. C'est dans le cadre de la lutte contre les discriminations, affichée comme une priorité par Luc Chatel, que ce groupe a été créé.

L'entourage de M.Chatel précisait d'ailleurs, mardi 17 août, que "l'action actuellement menée serait amplifiée par de nouvelles mesures". De fait, le constat dressé par le rapport est préoccupant, notamment pour les discriminations "le plus fréquemment observées" : le handicap, le sexisme, l'orientation sexuelle ou l'origine.

HANDICAP

En presque dix ans, le nombre d'enfants handicapés accueillis dans les établissements ordinaires a doublé, passant de 90 000 à 175000. Pourtant, "la peur" de l'élève différent fait encore des ravages alors que cette politique d'accueil visait précisément à faire tomber les préjugés.

Les parents "craignent que la présence d'un élève handicapé dans la classe n'induise une moindre performance scolaire de leur enfant", constate le rapport. De ce fait, "la discrimination est encore très présente", qui se traduit notamment par "l'exclusion de certaines activités, voire d'enseignements", déplorent les auteurs.

SEXISME

L'idée que les sexes ne se valent pas, que "les filles seraient, par nature, plus dociles, plus tournées vers la littérature et la communication, les garçons, par nature, plus dissipés, plus doués pour les sciences" reste répandue.

Et l'école, qui "n'est pas seule responsable du poids de ces stéréotypes, ne parvient pas à les combattre efficacement". Pire, le rapport note que les enseignants eux-mêmes les intègrent parfois. Cela a des conséquences sur la scolarité des filles : orientation biaisée et prévention à l'encontre des études scientifiques. Elles sont aussi les premières victimes de violences.

Lors des auditions, d'aucuns ont déploré que "les filles [soient] considérées comme 'inférieures' et très souvent insultées" par les garçons. Si "les violences sexistes et sexuelles ne renvoient en rien à telle ou telle culture", lit-on dans le rapport, "le refus de la mixité ou les violences à l'égard des filles se produisent parfois au nom de convictions culturelles ou politico-religieuses". Et, face à cela, l'institution reste désarmée.

L'Agence de développement des relations interculturelles pour la citoyenneté, citée dans le texte, évoque "les difficultés des acteurs du système éducatif à se positionner face au sexisme de certains jeunes par peur de glisser vers le racisme".

ORIENTATION SEXUELLE

Malgré "l'attention" portée à cette question par le ministère, les manifestations homophobes "ont tendance à se banaliser", dénoncent les auteurs. Face à ce phénomène, les réactions et les sanctions de l'école s'avèrent "insuffisantes", ce qui conduit à "légitimer des attitudes, des propos et des violences".

Pourtant, les conséquences sont graves pour les victimes, du décrochage scolaire à la tentative de suicide. Il y a là urgence à agir. "La première cause de mortalité chez les collégiens est le suicide, rappelle-t-on dans l'entourage de M.Chatel. Et la première raison en est l'orientation sexuelle."

RACISME, ANTISÉMITISME ET XÉNOPHOBIE

Sur cette question sensible, le groupe de travail constate "une prise de conscience progressive, mais une banalisation des injures et des actes". Ces discriminations se manifestent particulièrement dans "l'accès aux stages et dans l'orientation postbaccalauréat".

Mais il ressort également des auditions que l'assouplissement de la carte scolaire "a renforcé la ghettoïsation". De même, "un risque de discrimination sociale et ethnique a été pointé dans l'organisation interne de l'établissement par le biais de la composition des classes". Sans parler des Roms, confrontés à des "préjugés qui rendent difficile l'accueil durable sur un territoire", et donc la scolarisation.

Les enseignants peuvent également se sentir "désarmés" devant des accusations de "racisme" lorsqu'elles sont utilisées pour justifier une mauvaise note, par exemple.

Globalement, ce constat conduit les auteurs du rapport à souligner également "la détérioration du vivre ensemble", lequel peut pâtir de la quête identitaire d'adolescents en construction, surtout "lorsque les repères ne sont pas clairement donnés par les adultes".

D'autres références s'installent. Ainsi, "diverses formes de replis communautaires amènent des tensions. Certains élèves se disent étrangers à la communauté nationale, alors même qu'ils sont français. Ils manifestent ainsi leur révolte face à des discriminations subies en raison de leur nom ou de leur origine. Ils ont alors la tentation de se réfugier dans des identités parfois de nature religieuse, attitude qui engendre à son tour racisme et islamophobie."

Et, de ce point de vue, "le relativisme culturel de certains enseignants est dangereux", car il peut également nourrir ce type de repli. Le rapport met donc en garde contre la tentation de "survaloriser les différences". Le risque est d'enclencher une dynamique qui entraîne exclusion, stigmatisation, harcèlement et violences envers ceux qui sont différents.



17/08/2010
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