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Jeune diplômé cherche stage à tout prix

Libération.fr, le 25/08 à 12h04, Par MARIE PIQUEMAL

Septembre arrivant, pour les jeunes diplômés débarquant sur le marché du travail, c'est la course à la combine pour trouver une convention de stage, à défaut d'un CDD, sans même parler d'un CDI.

Il y a pile un an paraissait un décret interdisant les stages en entreprise «hors cursus», c'est-à-dire ne s'intégrant pas dans une formation. L'idée était ainsi d'éviter que les entreprises abusent de stagiaires déjà diplômés au lieu d'embaucher. Mais en pratique, la situation ne s'est pas vraiment arrangée. Pire, cette mesure se retourne contre ceux qu'elle est censée protéger...

Stéphanie raconte: «J'avais dégoté un super stage dans une marque de vêtement de luxe. Je venais de finir un MBA, je n'étais donc plus étudiante, impossible d'obtenir une convention de stage dans le cadre de mon cursus. La grosse galère. Si je ne trouvais pas un moyen d'avoir ce document dans la semaine, j'étais foutue.»

Une amie lui refile un filon: s'inscrire dans un organisme de formation privé. «J'ai appelé en expliquant ma situation. Ils m'ont dit d'envoyer un chèque de 500 euros. Et la semaine d'après, je recevais par la Poste la convention pré-signée. Je ne m'en suis pas si mal sortie comparé à d'autres. C'est beaucoup plus rapide qu'en passant par la fac.»

Jusqu'à ce fameux décret, obtenir une convention de stage n'était pas sorcier. Il suffisait d'une inscription fictive en licence de finnois par exemple pour faire un stage dans à peu près tous les domaines, de l'édition à la pub. Les universités n'étaient pas très regardantes, empochant allègrement les frais d'inscription. Rappelées à l'ordre, certaines facs rusent encore, via des diplômes un peu bidon, du type «DU d'insertion professionnelle». Mais la plupart ont fermé le robinet à conventions.

Payer 900 euros pour faire un stage

Les étudiants se tournent alors vers des boites privées. Gwenaëlle a ainsi aligné «quelque chose comme 900 euros» pour avoir sa convention. «La formation vendue avec, c'était un peu la blague. Des cours par correspondance avec des livrets à rendre si on voulait. Le formateur brillait surtout par son absence», raconte-t-elle, ajoutant, un peu gênée: «évidemment, ça m'énerve. Devoir payer pour faire un stage ce n'est pas normal. Mais en même temps, j'étais coincée, je n'avais pas vraiment d'autre choix.»

Bien sûr, collectivement, le bataillon des précaires a intérêt à refuser en bloc ces stages à rallonge qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à des emplois. Mais individuellement, c'est plus compliqué. Odile, 24 ans, un master 2 de marketing en poche, termine dans quelques jours son stage de fin d'études dans un cabinet de tendances parisien. Six mois, payés le strict minimum (417 euros par mois), et pas le moindre espoir d'être embauchée derrière. Seule récompense: la nouvelle ligne à ajouter à son CV, déjà bien rempli. Au compteur, quatre stages soit douze mois d'expérience cumulée. Pas mal, «mais pas suffisant pour trouver un emploi. Sur toutes les annonces, ils réclament au moins deux ans d'expérience. Parfois plus encore, genre cinq ans pour un poste de junior, en CDD. C'est assez dingue. Donc, là, j'ai le choix entre faire un nouveau stage ou rester chez moi à stresser en attendant de trouver enfin quelque chose. C'est vite vu.»

«Ce sont des arnaques, dénonce Laurent Wauquiez, le ministre de l'Enseignement supérieur, qui promet de «traquer» ces fausses formations.

De son côté, Julien Bayou, l'un des fondateurs du collectif Génération précaire, assène qu'«il n'y a qu'une solution: interdire aux entreprises de prendre des stagiaires diplômés. Il faut être clair: les stages sont une arme de destruction massive d'emploi, ils détruisent des postes de juniors».

En 2006, une première loi a tenté d'encadrer la pratique des stages. Depuis, s'empilent chaque année de nouveaux textes censés mettre fin aux abus. Dernier du genre, passé inaperçu cet été (on attend les décrets d'application): l'obligation faite aux entreprises de respecter un délai de carence entre deux stagiaires à un même poste afin d'éviter les emplois déguisés. «Une petite victoire» se réjouissent timidement l'Unef et Génération précaire.

Les prénoms ont été changés.



25/08/2011
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