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L'adoption par les couples gays divise les Français

Le Monde.fr | 07.11.2012 à 11h20 • Mis à jour le 07.11.2012 à 11h38

Par Gaëlle Dupont

 

Seuls 52 % des Français se disent favorables à l'adoption pour les couples homosexuels.

Le gouvernement a-t-il sous-estimé l'hostilité d'une partie de l'opinion à son projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels? Un sondage réalisé par l'IFOP pour Le Monde confirme la division du pays sur le droit à l'adoption, principale cible des opposants au projet. Ces derniers sont particulièrement actifs au moment de la présentation du projet de loi en conseil des ministres par la garde des sceaux, Christiane Taubira, mercredi 7 novembre.

Le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, a de nouveau demandé, lundi 5novembre, des "états généraux de la famille sur la question de la filiation, car le vrai sujet (...) est celui de l'adoption". Plusieurs responsables de l'opposition ont affirmé que la loi serait remise en cause si elle revenait au pouvoir.


Le 4 novembre, le cardinal André Vingt-Trois avait relancé la charge de l'Eglise contre le texte, au nom des "droits fondamentaux des enfants", en dénonçant "une supercherie qui ébranlerait un des fondements de notre société". Les associations homosexuelles ont riposté en demandant aux parlementaires de "résister aux instructions religieuses sur l'homosexualité" et en condamnant "l'ignorance et la violence" des propos du cardinal. Elles appellent à manifester mercredi. Le Conseil français du culte musulman a de son côté souligné, le 6 novembre, que même si le mariage homosexuel est "non conforme" à l'islam, "les règles d'une religion ne peuvent être mises en avant pour s'opposer aux règles de la République".

 

EVOLUTION SPECTACULAIRE

Dans ce contexte tendu, le sondage montre une stabilité des opinions favorables au mariage homosexuel (65 %). Autre enseignement, l'évolution spectaculaire, en moins de vingt ans, de la perception de l'homosexualité. Désormais, 87 % des personnes interrogées pensent qu'il s'agit "d'une manière comme une autre de vivre sa sexualité", contre 54 % en 1986. "Il y a peu de sujets sur lesquels la société a modifié aussi profondément son regard en si peu de temps", commente Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'institut.

La hausse avait commencé avant 1999, mais l'adoption du pacs a accéléré ce mouvement. N'y aurait-il pas là un effet du politiquement correct ? De nombreux homosexuels affirment rencontrer de l'homophobie autour d'eux. Ce résultat témoigne en tout cas, selon M. Fourquet, de l'intégration d'une "nouvelle norme". De même, 45 % des sondés considèrent que la société française n'est "pas assez tolérante" à l'égard des homosexuels.

 

 

Sur toutes les questions, plusieurs clivages apparaissent. Tout d'abord l'âge : plus les sondés sont jeunes, plus ils sont favorables à l'ouverture de nouveaux droits. Le clivage politique ensuite : les sympathisants de droite sont plus hostiles que ceux de gauche (45 % favorables au mariage, contre 83 % des sympathisants de gauche). Enfin, de façon moins attendue, un clivage hommes-femmes (57 % des femmes favorables à l'adoption contre 47 % des hommes). Les communes rurales se montrent davantage ouvertes aux réformes que l'agglomération parisienne (71 % contre 62 % sur le mariage, 56 % contre 47 % sur l'adoption). En revanche, l'avis des sondés ne varie pas en fonction des catégories socioprofessionnelles.

La question de l'adoption est celle qui divise le plus. Seuls 52 % y sont favorables. L'institut note une légère remontée par rapport à début octobre (48 %). "Il ne faut pas surinterpréter des hausses ou baisses de quelques points, commente M. Fourquet. Passer au-dessus ou au-dessous de la barre des 50 % est symboliquement important, mais nous sommes dans la marge d'erreur. L'opinion est partagée." Mais le taux de partisans atteignait 58 % en juin2011. Preuve que les sensibilités évoluent depuis que le débat est entré dans le concret.

 

Le gouvernement peut se rassurer en constatant qu'il a le soutien de ses électeurs : ce sont les sympathisants de droite qui font chuter les taux (21 % d'opinions favorables, contre 71 % à gauche). Le décrochage depuis un an montre pourtant que si l'union de deux adultes consentants devant le maire n'est plus un sujet de débat, la possibilité pour un enfant d'avoir deux pères ou deux mères peut heurter. D'autant plus quand il s'agit d'enfants victimes du traumatisme de l'abandon par leurs parents biologiques, susceptibles de souffrir davantage d'être accueillis dans une famille hors norme.

 

LA GAUCHE PRUDENTE SUR LA PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE

Cette hésitation sur l'adoption ne signifie pas que les Français dénient aux homosexuels la capacité d'élever des enfants. 66 % se disent favorables à ce qu'une femme puisse adopter l'enfant de sa conjointe (conçu dans une union homosexuelle antérieure ou par insémination). Paradoxalement, le recours à la procréation médicalement assistée par les couples de femmes recueille davantage d'opinions favorables que l'adoption, à 56 %. Le sujet est pourtant a priori plus clivant, car il fait entrer en jeu la médecine et permettrait de concevoir en France des enfants sans père, comme c'est déjà le cas en Belgique ou en Espagne.

 

La gauche s'est d'ailleurs montrée prudente sur le sujet en ne l'inscrivant pas dans le projet de loi, malgré les promesses de François Hollande. "Le chiffre peut s'expliquer par le fait que le sujet n'a pas encore été largement débattu en France, estime M. Fourquet. Il pourrait aussi être le signe d'une moindre difficulté à concevoir un couple de deux mères qu'un couple de deux pères." Dernière question posée, le jugement sur le remplacement des termes "père" et "mère" par "parent" dans le code civil, mis en avant par la droite. Les personnes interrogées y sont cependant favorables à 56 %.



07/11/2012
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