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La continuité bat de l’aile

Publié le jeudi 16 juin 2011 à 03H14, Les Nouvelles Calédoniennes.

 

Quatre fois moins de Calédoniens ont profité du nouveau dispositif d’aide à la continuité territoriale, résultat de conditions trop restrictives d’éligibilité. Un mauvais point contre la vie chère qui inquiète les voyagistes.
 

Depuis le début de l’année, l’Aide à la continuité territoriale (ACT) est appliquée dans sa nouvelle version. Dorénavant, elle est accordée sur la base des revenus du foyer fiscal déclarés l’année précédente. Le problème est que ces revenus sont plafonnés. Et que ce plafond s’avère très bas : pour une personne, les revenus annuels ne doivent pas dépasser 1 179 278 francs pour obtenir une aide d’un peu plus de 63 000 francs. Cette aide descend à 38 000 francs pour des revenus à 1 964 803 francs. Le calcul est vite fait : ce sont des personnes touchant entre 98 000 francs par mois et 163 000 francs qui sont donc éligibles. Les personnes dans cette fourchette de revenus n’ont bien souvent pas les moyens de s’offrir un billet pour la Métropole.

 

 

 

Insuffisant. Avec deux enfants, un mari au SMG et les quelques heures de ménage qu’elle assure par semaine, Myriam et sa famille entrent précisément dans la catégorie des bénéficiaires de l’aide à la continuité territoriale. Mais même une aide de 63 000 francs sur le prix d’un billet ne sera pas suffisante pour ce foyer. « Nous n’avons jamais quitté le territoire mes enfants, mon mari et moi. Même pas pour aller en Australie ou au Vanuatu, explique Myriam. Alors la France… On parvient à peine à boucler nos fins de mois. Autant vous dire qu’un voyage, ça ne fait pas partie de nos possibilités. Avec une aide financière ou pas. » Un exemple parmi tant d’autres qui se vérifie au quotidien dans les bureaux de l’Aviation civile, en charge de l’aide. « Le dispositif fonctionne mais le nombre de bénéficiaires a été divisé par quatre, confie Chantal Courtot, adjointe au chef de service et responsable de l’ACT. Nous sommes largement en dessous de ce qu’on faisait en 2010. Aujourd’hui, nous sommes sur une fréquentation moyenne d’une quinzaine de personnes par jour alors qu’on en avait entre cinquante et soixante auparavant. »


Critères. Le précédent dispositif avait été initié par l’État mais laissait aux collectivités le choix des critères. « Avant le système était rôdé mais le critère de 300 000 francs d’impôts payés n’était pas complètement connecté aux revenus des foyers. Il y a des niches fiscales et même en gagnant très bien sa vie, on peut réussir à payer moins de 300 000 francs d’impôts. Ce qui fait que certains bénéficiaires avaient de toute façon la possibilité de s’acheter un billet, explique Sébastien Chêne, adjoint au directeur de l’Aviation civile. Maintenant, l’État a unifié le système. Le texte est unique pour l’ensemble des collectivités. » Mais ce qui fonctionne apparemment bien pour les Antilles-Guyane ou la Réunion, où les billets pour la Métropole sont moins chers, ne s’applique pas à la Calédonie. « Ici, un billet coûte 200 000 francs. Une aide de 60 000 francs ne suffit pas pour déclencher un voyage, reconnaît Sébastien Chêne. Toutes les personnes qui voyagent cette année pouvaient déjà le faire l’année dernière. Mais toute une tranche de la population a été écartée. »


Évaluation. Le taux de consommation actuel montre que l’enveloppe de 429 millions de francs attribuée au dispositif ne sera pas utilisée. « On va en dépenser une centaine de millions. C’est le quart des prévisions », met en évidence Chantal Courtot.
Une évaluation du dispositif à mi-parcours a été demandée à l’Aviation civile, il y a quinze jours. « On va faire remonter ce que nous avons analysé depuis sa mise en place et on verra ce que l’État souhaite faire, précise Sébastien Chêne. Il est prévu qu’à partir de nos analyses, il puisse peut-être revoir le dispositif. »


 

Questions à... Christian Oberlé, délégué régional Air France
Les Nouvelles calédoniennes : Avez-vous constaté une baisse du nombre de voyageurs vers la Métropole depuis le nouveau système d’aide ?
L’Aviation civile avait prédit que ces nouveaux critères aboutiraient à une baisse de l’ordre de trois quarts. Nous, nous constatons une baisse de plus de 80 % de gens éligibles et une baisse de 90 % des subsides que nous recevons par la continuité territoriale. Les conséquences sont claires : il y a des Calédoniens qui abandonnent l’idée de rentrer voir la famille en Métropole, ce qu’ils faisaient auparavant. Le prix du billet est élevé, mais c’est comme ça. Il y a des kilomètres à faire…

N’y a-t-il pas d’autres explications à ce ralentissement ?
C’est vrai qu’avec le climat politique, il y a eu un ralentissement des voyages. On a eu le phénomène Japon également, qui a troublé un peu la visibilité qu’on avait sur le futur. Mais il y a une baisse sensible de l’activité qu’il faut complètement déconnecter du Japon. Nous avons assez rapidement attiré l’attention du haut-commissariat pour dire que beaucoup de Calédoniens ne peuvent plus bénéficier d’une aide qui faciliterait leurs déplacements.

Cette baisse vous inquiète-t-elle ?
Oui. On achète des blocs à Calédonie Internationale. Ces blocs sont moins utilisés et, de fait, on se pose des questions. On les paye un an à l’avance. On s’engage quelque part à remplir ces sièges. Ce ralentissement nous fait peur car on ne va pas pouvoir optimiser les capacités qu’on achète. C’est vrai qu’il avait été convenu qu’on ferait assez rapidement un état des lieux suite aux aménagements des critères d’éligibilité… Mais le temps que tout ça change, ça va être long et compliqué.
Le chiffre : 1 300
C’est le nombre d’aides émises depuis le début de l’année. L’an dernier à la même époque, 5 557 aides avaient été accordées. Sur l’ensemble de l’année, ce sont quasiment 12 000 aides qui ont été émises.
 
 
Repères
Impact. Tout comme Air France, les agences de voyage enregistrent une baisse des voyages vers la Métropole. Chiffres à l’appui, Henri-Frédérick Pujol, président du syndicat des agents de voyage de Nouvelle-Calédonie, assène : « Le nombre de bénéficiaires a chuté de plus de 80 % voire a complètement disparu dans certaines agences. Cela a des conséquences graves, tant pour le coût de la vie, dans un contexte de lutte contre la vie chère que pour la survie des agences de voyage. » En l’absence de statistiques fiables, le président propose tout de même quelques chiffres afin d’analyser la situation : « On estime à environ 60 000 le nombre de Calédoniens voyageant chaque année vers la métropole. 20 % de ces voyages étaient aidés. Si on considère que les frais facturés par les agences sur ces billets sont en moyenne entre 8 000 et 12 000 francs par billet, cela représente un impact de 70 à 100 millions sur les revenus nets des agences. »

Remboursement. Le nouveau dispositif prévoit que les personnes puissent se faire rembourser en ayant acheté leur billet sur Internet par exemple. Auparavant c’était l’agence de voyage ou la compagnie aérienne qui étaient remboursées. Maintenant, le passager qui justifie d’une carte d’embarquement et d’une facture peut se faire rembourser directement.

Simulation. L’Aviation civile a un site en ligne permettant de retrouver toutes les informations touchant à l’aide à la continuité territoriale et de faire des simulations en ligne : www.dac.nc

 

Patricia Calonne



16/06/2011
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