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La crise vue de Brousse


 
Lever des deux drapeaux, démissions à répétition du gouvernement, alliances surprenantes, meetings pour un retour aux urnes et un drapeau commun… Que pense la population de l’actualité politique ? Avis tranchés recueillis dans les rues de Koumac.

Ils préfèrent, pour beaucoup, conserver l’anonymat, vie de village oblige, mais la plupart des gens de la rue rencontrés à Koumac, mercredi, ne sont pas tendres avec la classe politique et le font volontiers savoir.
 Ainsi, Yasmine, jeune femme de 28 ans, a « l’impression que ce sont des enfants de maternelle qui se disputent la première place alors qu’ils doivent s’occuper du pays. Et au lieu d’avancer, le pays est en train de s’effriter. » Dans le même registre, Max, 48 ans, de vieille famille calédonienne et du camp loyaliste, n’est pas tendre à l’égard de Pierre Frogier : « On est beaucoup sur le territoire à être très déçus de ce qui se passe et en particulier du comportement de Pierre Frogier. En fait, il ne porte rien de l’héritage politique de Jacques Lafleur et c’est peut-être pour ça que Jacques ne lui a jamais donné de pouvoir. Les ennemis d’hier pactisent aujourd’hui. Ils prennent les gens pour des idiots et dupent leurs électeurs. Pierre Frogier est en perte de vitesse et sait bien que s’il y avait des élections aujourd’hui, il se retrouverait à poil. »

Dossiers. Jacques, 45 ans, installé depuis 20 ans à Koumac, estime que le lever des deux drapeaux « a permis aux différentes populations de discuter enfin de l’échéance 2014-2018 et que l’échéance importante est la décolonisation, pas l’indépendance ».
Rémy, 55 ans, installé de longue date à Koumac est aussi très critique : « C’est bien qu’il y ait des représentants politiques qui s’interrogent et fassent le nécessaire pour qu’on parle d’un avenir commun. Mais ils sont surtout préoccupés par leur poste et leur fonction et je les trouve coupés des réalités quotidiennes des gens. »
De son côté, un menuisier de la commune confie : « On dirait qu’ils sont en train d’imiter les Tahitiens ! Dans quelque temps, ils boiront le coup ensemble et auront oublié cette querelle en faisant d’autres accords politiques. Le problème c’est qu’on en paie tous les frais, Si on change tout le temps d’équipe, il n’y a pas de continuité dans le suivi des dossiers et ils n’avancent pas. Par contre les augmentations de prix, comme le carburant, par exemple, continuent. Elles n’ont pas besoin de gouvernement pour ça. »
De l’autre côté du village, un commerçant de la place « pense qu’il faut retourner aux urnes et de là on pourra repartir sur de nouvelles bases à partir de la parole du peuple. Trop de décisions actuelles sont prises dans le dos des électeurs. »

On dirait qu’ils sont en train d’imiter les Tahitiens !

Conséquences. Pour ce qui est des drapeaux, chacun a aussi une opinion. Yasmine estime que « les indépendantistes disent que c’est pour le destin commun, mais je pense que ça incite plutôt au racisme et à la révolte des jeunes Mélanésiens. Au lieu de pousser les gens à être unis, on a plutôt l’effet qu’on les dresse les uns contre les autres. » Max s’inquiète de la prochaine étape : « A terme, je pense que le fond de l’affaire consistera à descendre le drapeau tricolore pour ne laisser que le drapeau du FLNKS. Je n’ai rien contre ce drapeau mais il ne peut pas représenter tous les Calédoniens. »
Selon Henri, « L’histoire de drapeau, c’est bidon. Le drapeau tricolore représente une histoire et le drapeau indépendantiste est aussi une référence pour nous. C’est très bien les deux drapeaux, je ne vois pas pourquoi se disputer pour un nouveau drapeau commun. » Quant au menuisier, il déclare : « Je ne sais pas pourquoi ils ont pris cette décision, mais ça ne s’est pas fait de manière démocratique. Ici, on est habitué à travailler avec les Kanak indépendantistes qui portent ce drapeau sur leurs vêtements, dès l’école. Au début, je pense qu’ils n’avaient pas prévu la portée du lever de ces deux drapeaux. Mais maintenant que c’est là, il faut faire avec. Tu ne peux plus l’enlever, sinon attention aux conséquences. »
Quant à notre commerçant il invoque l’Accord de Nouméa : « Il est inscrit dans l’Accord de Nouméa qu’il faut un drapeau commun. Si les politiques veulent respecter l’accord à la lettre, ils doivent se mettre autour d’une table pour discuter des différents signes identitaires comme cela a été fait pour l’hymne et la devise. »

Métissage. « On prend rarement en compte le métissage alors qu’il est très fort en Brousse et dans les Iles, remarque Jacques. Je pense que c’est ce métissage qui sera le pays de demain. A Koumac, le métissage est déjà très présent et il n’y a pas de racisme par rapport à la couleur de peau. Il y a d’un côté ceux qui sont loyalistes et, de l’autre, ceux qui sont indépendantistes et souvent, ils ont la même couleur métissée. »
Au-delà des querelles des hommes politiques, Rémy en appelle à la prise de conscience de tous : « La construction du pays, c’est pour nos enfants […] L’avenir de ce pays ne dépend pas uniquement des politiciens quels qu’ils soient, mais de l’ensemble des Calédoniens. C’est ensemble au quotidien qu’on doit travailler dans ce sens. Aujourd’hui, en Nouvelle-Calédonie, comme partout, il y a des problèmes d’ordre environnemental, économique, social et culturel qui sont de réelles priorités. »

Xavier Heyraud avec Ivan Cotignola



07/04/2011
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