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La mer batterie

Libération.fr. Dimanche18 novembre 2012 à 19:07
L'océan
L'océan (AFP)

Courant, houle, marée, vent… L’océan est un nouvel eldorado énergétique. C’est aussi un formidable gisement de matières premières pour les innovations de demain.

Par GUILLAUME MAINCENT

 

La marinière est à la mode. Pour promouvoir le made in France, mais aussi pour explorer la mer. De nombreux secteurs industriels prennent désormais le large pour accéder à de nouvelles matières premières. Les assises organisées les 20 et 21 novembre à Bayonne parlent même «d’économie de la mer». «Elle offre de formidables opportunités de croissance, d’autant que nous avons des champions français dans chacun des secteurs de l’économie maritime», exposait Gil Sandillon, du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers, en ouverture de l’édition 2011 de ces assises, à Dunkerque. Pour ce consultant, le navire amiral de cette croissance reste l’énergie.

 

Curieux paradoxe : on en produira de plus en plus… là où il n’y a personne pour la consommer. Les mers recèlent en effet d’immenses gisements d’énergie : pétrole, gaz, vent, courants, houle, marées, différences de température, de salinité… C’est à la fois un inconvénient, puisqu’il faut ramener cette énergie à terre, mais aussi un avantage, puisqu’il n’y a personne pour se plaindre que la centrale ou l’éolienne du coin lui masque la vue.

 

Fossiles.

La France possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde, cet espace maritime sur lequel un Etat côtier est souverain pour explorer et exploiter des ressources. Onze millions de kilomètres carrés de mers et océans se trouvent sous juridiction française, surtout là où on ne s’y attend pas : au voisinage du Brésil et de l’Australie par exemple. De ces énergies «bleues», on a commencé par exploiter les «noires», c’est-à-dire celles fossiles et carbonées que sont le pétrole et le gaz. Aujourd’hui, la technologie permet même d’extraire du gaz naturel, de le purifier et de le liquéfier sur une plateforme offshore, avant de l’expédier par bateau ou par gazoduc sous-marin. C’est l’objectif des mégaprojets Bonaparte (avec GDF Suez) ou Ichthys (avec Total) au large de l’Australie.

L’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles le confirme : les dépenses d’exploration-production en mer s’envolent, après la pause de 2010 qui a suivi la marée noire de Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique. Parmi les zones les plus prometteuses : les fonds atlantiques présalifères du Brésil, les eaux mozambicaines, les poches de gaz naturel repérées au large de la Crète, les découvertes de Guyane - en attente de confirmation -, et bien sûr l’Arctique, au grand dam des écologistes. Ces hydrocarbures, plus difficiles d’accès, coûteront plus cher à extraire. Les gisements ne seront donc exploités qu’à la faveur d’un prix du baril élevé. Encore plus qu’aujourd’hui.

«Il y a encore cinq ans, les grands patrons du secteur à qui je parlais d’énergies marines renouvelables balayaient le sujet d’un revers de la main. Cette fois, on y est», exulte Jean-François Le Grand, président du conseil général de la Manche, dont le département va accueillir une usine de pales d’éoliennes (Alstom à Cherbourg). «La maturité n’est pas du tout la même d’une énergie à l’autre», prévient toutefois Frédéric Hendrick, vice-président «offshore» d’Alstom Wind, qui insiste aussi sur les coûts de maintenance.

En mer, le vent est l’énergie renouvelable la plus mûre. La France a lancé un premier appel d’offres pour 3 gigawatts (l’équivalent de deux réacteurs nucléaires de type EPR), et en prépare un second. L’association européenne des professionnels de l’éolien (l’EWEA) pronostique un parc installé en 2020 de 40 GW, contre 3 GW en 2010. Mais si on sait brasser du vent, on peut aussi le faire avec des courants marins. Et les éoliennes sous-marines existent : elles s’appellent hydroliennes.

Entre les deux, il y a la surface : c’est le terrain de jeu des centrales houlomotrices. Les plus connues sont ces gros boudins flottants, sortes de boas des mers, qui actionnent des pistons en se déformant au gré des vagues. A observer au large du Portugal ou des îles Orcades, au nord de l’Ecosse. Dans les eaux françaises, l’utilisation de la houle pour fabriquer de l’électricité représenterait 40 TWh par an, soit un dixième de ce que produit le parc nucléaire hexagonal.

Signe que ces drôles d’énergies ne sont pas une lubie de bricoleurs, ce sont les pointures du pétrole, des turbines et de la construction navale, les Technip, Alstom, DCNS, etc., qui prospectent le secteur.

Les industriels en marinière vont aussi devoir apprivoiser un nouveau mot : l’adjectif algal. Algocarburants, produits algosourcés… Les algues postulent à de multiples usages. A commencer par l’énergie, puisqu’elles sont sources d’huile et d’hydrogène (lire pages VI et VII). Mais l’algue, c’est aussi un nouveau maïs ou une nouvelle vitamine pour l’alimentation, la nutrition animale, la santé, la chimie, les cosmétiques…

 

Bioraffinerie.

L’entreprise bretonne Olmix, convaincue que les algues sont le nouvel or vert, a lancé cet été le groupement Ulvans, avec cinq PME de sa région, pour monter une sorte de bioraffinerie dédiée aux végétaux marins. «La perspective d’activité est de 150 millions d’euros d’ici à 2020, avec un objectif de 80% à l’exportation vers les marchés à fort potentiel comme la Chine et l’Asie du Sud-Est.» Souhaitons-lui de ne pas faire plouf.



19/11/2012
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