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La révolution des "villes lentes" gagne la France


Le soleil se couche sur les vignes de Charentes, la vendangeuse rentre au garage chez Bernard et Monique Moreau. Une fin de journée ordinaire au pays du cognac... jusqu'à l'arrivée des amis et voisins, les bras chargés de plats maison, de raisin frais pressé, de légumes du jardin. Voilà le hameau de Deuville réuni pour un apéritif "slow food". L'occasion rêvée pour le maire, Véronique Marendat (Nouveau Centre), d'expliquer à ses administrés pourquoi leur commune de Segonzac vient de devenir la capitale française... de la lenteur.

La municipalité est la première de France à adhérer à Cittaslow, le réseau international des "villes lentes". Inspiré du slow food, le mouvement est né en Italie en 1999 et promeut une gestion municipale centrée sur la qualité de vie, l'économie de proximité, le respect des paysages..., en réaction aux zones commerciales et industrielles, à l'étalement pavillonnaire et au tout-voiture devenus l'ordinaire d'un urbanisme débridé.

Cette révolution tranquille compte de plus en plus de partisans. Cent quarante villes de 21 pays ont déjà adhéré à cette charte de 70 obligations. On trouve des villes lentes dans toute l'Europe, mais aussi en Australie, en Corée du Sud, en Turquie, au Canada...

"Fil conducteur"

Que diable va chercher dans cette aventure une commune de 2 300 âmes, que ne guette aucun risque de mégapolisation ? "Les petites communes sont les moins armées face aux pièges d'un développement anarchique. Ce qui nous intéresse, c'est moins le label que la démarche. Nous avons des choix importants à faire. Cittaslow va donner un fil conducteur à notre politique d'aménagement", explique la jeune femme, élue atypique dans cet univers de viticulteurs.

Ouverture d'un parc public, rénovation de bâtiments viticoles en bureaux, retour du petit commerce, réhabilitation d'un réseau de ruelles piétonnes et cyclables, structuration d'un marché de producteurs locaux, investissement dans la petite enfance et la maison de retraite, création de jardins partagés, transformation de la station d'épuration en bassins filtrants naturels... les chantiers ne manquent pas.

La commune ne part pourtant pas de zéro. Tels des Monsieur Jourdain de l'aménagement du territoire, les Ségonzacais faisaient du "slow" sans le savoir. Et pas seulement parce que les Charentais arborent pour emblème un escargot - la cagouille -, qui est aussi le logo de Cittaslow. "Le cognac nous a donné une culture de la lenteur : la vigne, le vieillissement en fûts, cela apprend un rapport au temps particulier", pense Colette Laurichesse, l'adjointe au maire, qui a ficelé le dossier Cittaslow.

Le cognac est aussi l'occasion de mettre en valeur compétences et productions locales : plus petite cité universitaire de France, Segonzac héberge l'Université internationale des eaux-de-vie et boissons spiritueuses et le Centre international des eaux-de-vie, sans oublier l'Institut français de la vigne et du vin. Surtout, la municipalité a voté, dès 2006, un plan local d'urbanisme qui encadre strictement les constructions, interdisant l'étalement des hameaux, empêchant le mitage du territoire. "On ne construira de logements que sur des terrains proches du centre et sous forme d'écoquartiers", assure Mme Marendat. Une ambition rare pour une commune de cette taille.

Pas question pour autant, pour cette professeure d'économie et de gestion, de passer pour une adepte de la décroissance, dont se revendiquent certains apôtres du "slow". "Ce que nous voulons, c'est une croissance raisonnée, sortir de la consommation abrutie des zones commerciales. Mais pour garder notre population, nous devons lui donner accès à des services et des emplois, donc créer des zones d'activité."

Paradoxalement, pour la petite commune, l'adhésion à Cittaslow a entraîné... une formidable accélération du temps. Des journalistes comme s'il en pleuvait, des appels incessants d'urbanistes, de municipalités... Nourri par les écrits du philosophe allemand Hartmut Rosa, auteur de l'essai Accélération (La Découverte, 474 p., 27,50 euros), ou du journaliste canadien Carl Honoré, auteur en 2004 du best-seller Eloge de la lenteur, le monde occidental se prend de passion pour la lenteur, slogan et paradigme d'un mode de vie alternatif où figure en bonne place le souci de l'écologie.

Epicentre du phénomène dans l'Hexagone, Segonzac travaille aujourd'hui avec la direction de Cittaslow pour enrôler d'autres communes et constituer un réseau français de villes lentes. La municipalité animera à la Foire de Paris, en avril 2011, un espace Cittaslow qui servira de vitrine à la constellation de la lenteur.

Grégoire Allix

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03/10/2010
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