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L’alcool s’échange sous le manteau

Dopée par les restrictions, la vente d’alcool au marché noir tend à se développer, notamment dans le Grand Nouméa, ainsi qu’à l’île des Pins. Lundi, les gendarmes ont mis au jour un petit commerce aussi illicite que florissant dans un squat de Dumbéa.

 

 Situé à l’entrée du squat de Kawati, près du centre Kenu-In, le commerce était devenu très célèbre. Trop peut-être. On y venait du squat, mais aussi de Nouméa pour s’approvisionner en bières fraîches et en bouteilles de whisky. Des bancs et des tables avaient même été disposés sous une bâche pour recevoir ceux qui voulaient consommer sur place. Le week-end, mais aussi les soirs de semaine, cette épicerie parallèle « dépannait » de nombreux clients qui n’hésitaient pas à payer le prix fort : 250 francs la canette de bière, 6 000 francs le pack de vingt-quatre, 5 000 francs le flacon de whisky. Des tarifs au moins deux fois plus élevés que dans les magasins.

Congélateur. Lundi matin, après deux mois de surveillance par la brigade de Dumbéa, une quinzaine de gendarmes y ont effectué une perquisition. Le tenancier, un jeune homme de 25 ans, a reconnu exercer cette activité depuis le mois de mai dernier. Il achetait tout simplement son alcool à l’hypermarché voisin du squat. Chez lui, les militaires ont saisi près de quatre cents canettes destinées à la vente, certaines rafraîchies dans un frigo et un congélateur. Une caisse de 300 000 francs en liquide a également été découverte. Chaque mois, la recette dépassait les 250 000 francs, pour un bénéfice moyen de 160 000 francs. Si les canettes seront prochainement détruites, le jeune homme a été convoqué devant le tribunal correctionnel le 6 mai. Il risque gros, mais cela suffira-t-il à calmer ses ardeurs ?
En novembre 2009, son propre père avait écopé, pour les mêmes faits, d’un mois de prison et de diverses amendes, après déjà deux condamnations antérieures. Mille canettes avaient été retrouvées à l’époque par les gendarmes. Un passif qui n’a pas empêché le fils de reprendre la boutique familiale.

Après chaque intervention, ces marchés noirs ont tendance à refleurir aussitôt.

Car la vente sauvage d’alcool représente un marché juteux dans l’agglomération, surtout depuis le début des arrêtés anti-alcool, fin 2008. A Nouméa, les précédents ne manquent pas. En février 2009, 645 canettes avaient été découvertes par la police dans le congélateur d’un nakamal de Tindu. Deux autres passages des forces de l’ordre n’ont pas suffi à décourager le tenancier, qui avait même fini par enterrer son congélateur pour passer inaperçu. En novembre 2009, un gros commerce familial situé à l’entrée du squat Coca-Cola avait été démasqué, fort d’un stock de 2 200 boîtes de bière.
Après chaque intervention, ces marchés noirs ont tendance à refleurir aussitôt. Ailleurs, parfois, mais en fait souvent au même endroit. A croire que la manne amassée couvre largement le montant des amendes.

Voitures. Des congélateurs hors d’usage et quelques pains de glace suffisent à ouvrir la boutique. Le client assoiffé est vite renseigné.
D’autant que ces commerces ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Ici et là, à l’arrière d’une voiture ou d’un nakamal clandestin, les petits échanges sous le manteau foisonnent, mais sont difficiles à appréhender par les forces de l’ordre.
Certains vendeurs autoproclamés font même la tournée des nakamals avec leur pick-up, la remorque chargée de glacières.
Même dans certaines épiceries de quartier avec pignon sur rue, l’alcool sort en grosse quantité des arrière-boutiques. Les longues files d’attente du vendredi soir en attestent. Le marché noir emprunte de multiples voies.

Sylvain Amiotte et Karine Payen

 

 

De lourdes amendes

Le tenancier de Kawati devra répondre de plusieurs infractions à la loi : travail dissimulé, ouverture d’un débit de boissons en méconnaissance de la réglementation, vente d’alcool en dehors des périodes autorisées. Trois délits punis chacun d’une amende de 450 000 francs. Le travail dissimulé est également puni d’un an d’emprisonnement. Pour la vente d’alcool réfrigéré, l’intéressé risque encore une contravention de 180 000 francs. Sans compter des ennuis avec les impôts pour ses revenus illicites. « Au-delà de l’enrichissement illicite, ce marché noir entraîne des troubles à l’ordre public, en contournant les restrictions de vente d’alcool », estime Sébastien Lemoine, commandant de la gendarmerie de Nouméa.

 

 

 

Business florissant à Kunié

À Kunié, le marché noir s’est développé depuis la fermeture du dernier point de vente d’alcool, en 2009. Cinq infractions ont été relevées par les gendarmes en 2010. Quatre d’entre elles ont valu à leurs auteurs de lourdes amendes. Fin décembre, un grossiste a été appréhendé baie de la Corbeille. En six mois, son trafic lui avait rapporté pas moins d’1,2 million. Il devrait être convoqué prochainement devant le tribunal correctionnel.
Les points de vente illicites pousseraient comme des champignons, à en croire cette maman : « Il y a un ou plusieurs points de vente par tribu. Tout le monde sait qui vend. Le bouche-à-oreille fait vite le tour de l’île. »
Une recrudescence serait observée lors des fêtes : « Certains font le plein à Nouméa en vue des mariages ou des fêtes. En ce moment, on n’a jamais autant vu d’alcool, notamment à Vao », raconte une autre femme. « Certains vendent dans les voitures et n’hésitent pas à vendre aux mineurs », regrette une vieille. Les mamans se sentent impuissantes : « Ceux qui achètent sont nos jeunes. Ils vont dépenser leur argent au marché noir. Quand ils viennent acheter des légumes au marché, ils disent que c’est trop cher. »
Pour éviter ce marché noir, de nombreux Kunié proposent la réouverture de points de vente avec des périodes d’interdiction bien définies.

 

 

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07/01/2011
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