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Les JO de la jeunesse oscillent entre innovation, éducation et promotion

Pas question de leur parler de "faux JO", même s'ils reconnaissent que les compétitions n'enthousiasment pas encore les foules. Quelque 61 athlètes français, qui ont la particularité d'avoir entre 14 et 18 ans, sont pourtant à Singapour pour disputer les premiers Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ), le nouveau produit créé par le CIO, le premier depuis les Jeux paralympiques en 1960. Ils ont débuté ce week-end, et se cloront le 26 août. "On est vraiment dans une expérience olympique, et c'est de toute façon une échéance internationale avec un niveau très élevé", avance Ganesh Pedurand, un nageur de 18 ans. "Ça nous sert aussi à acquérir de l'expérience, prendre des marques, pour dans deux ou six ans, réaliser le rêve d'aller à Londres [2012] ou à Rio [2016]."

Si pour l'instant les JOJ peinent à convaincre la scène internationale, le comité organisateur de Singapour et le CIO ont en tous cas tout fait pour que leur première édition ait l'air de vrais jeux : sous les palmiers, la signalétique en anglais et français (langues officielles des jeux), les voies réservées aux véhicules olympiques jusque même entre les gratte-ciel du sacro-saint quartier des affaires de la Cité-Etat, la flamme qui a fait escale sur les cinq continents avant d'arriver à Singapour la semaine dernière pour son dernier relais… pas de doute, on est aux JO !

D'ailleurs, l'idée a fait son chemin : alors qu'il n'annonçait que 3 500 athlètes, 5 000 sportifs de 205 comités nationaux olympiques ont finalement répondu présents. La cérémonie d'ouverture a été impressionnante de professionnalisme : mélange réussi entre un style Miley Cyrus (l'idole adolescente par excellence) et du grandiose pékinois, bourrée de technologie et de multimédia, elle s'est dignement inscrite dans la lignée des grands spectacles d'ouverture. Niché dans une zone universitaire rénovée pour l'occasion, le village olympique est, lui, comme d'habitude, sous haute surveillance. Mais les athlètes racontent tout sourire qu'on y trouve une salle de billard, de jeux vidéo et même une discothèque, comme dans un village "de grands".

DES JEUX DEMANDÉS PAR LES SPONSORS

Scrutés avec perplexité par les observateurs sportifs, les JOJ entretiennent encore pour l'instant avec leurs aînés des relations ambiguës. Ersatz, JO point zéro, comment considérer ces nouveaux jeux ? Et avec une inconnue de taille : quelle est la valeur réelle des résultats obtenus aux compétitions ? Ce serait, d'un autre côté, pour remédier au manque d'intérêt porté par les jeunes aux JO que la version junior aurait vu le jour. Argument balayé par un Jacques Rogge pas très convaincant : "Les chiffres montrent un bon retour chez les 12-24 ans aux Jeux de Pékin et de Vancouver", affirme le président du CIO. Mais lui-même reconnaît que depuis ces éditions, justement, des sports très prisés par les ados, comme le BMX ou le snowboard, ont intégré les disciplines olympiques. La genèse des JOJ remonte de toute façon à plus loin. Dès son arrivée à la tête du CIO, en 2001, Rogge affirmait vouloir mettre pareille compétition sur pied.

On peut légitimement penser qu'il s'agit d'une exigence des sponsors officiels. Depuis des années, l'audience des jeunes était en baisse, et il fallait enrayer le phénomène. "N'importe quel détenteur de droits se doit de surveiller la composition démographique de l'audience, car les sponsors cherchent avant tout à cibler les jeunes, et le programme doit rester pertinent pour ce segment", explique Marcus John, le directeur de IMG à Singapour, qui a conseillé à l'origine le comité organisateur des JOJ. "Je ne sais pas qui a poussé le plus dans ce sens, je pense à des entreprises comme Coca Cola, McDonald et Samsung, qui travaille beaucoup sur les téléphones et les nouveaux médias… toutes les marques qui ciblent les jeunes sont naturellement intéressées par les atteindre. Cela faisait sens que le CIO réponde à leurs attentes avec un produit créé pour les jeunes."

REMETTRE LES VALEURS OLYMPIQUES À L'HONNEUR

Jacques Rogge avance officiellement, bien entendu, des motivations beaucoup plus idéalistes pour ces JOJ. Lutte contre l'obésité pour des téléspectateurs qui pourraient plus facilement s'identifier à des sportifs de leur âge… et du côté des athlètes, une remise à l'honneur des valeurs olympiques – comme si les scandales de dopage et de tricheries leur avaient porté un coup dur. Ici, pas de performance à tout prix.

Les valeurs d'effort, d'amitié et de courage sont déclinées à toutes les sauces à Singapour, et à toutes les méthodes : pour éviter des manifestations trop nationalistes, les hymnes nationaux ne seront pas chantés sur les podiums des JOJ. Et pour la première fois, les JOJ proposent aussi des épreuves par équipes continentales (escrime et judo) ou par équipes mixtes. Le président du CIO reconnaît également que plus on commence tôt, plus on a de chance d'implanter les valeurs olympiques dans les esprits et les comportements. "Ils sont à un âge très réceptif. Si vous commencez à leur apprendre cela lorsqu'ils ont 26, 27 ou 28 ans, vous n'aurez pas forcément de grands résultats !"

Force est de constater qu'à Singapour, le discours officiel a pris. La "fraîcheur" des athlètes y est pour beaucoup. Décontractés dans le jardin de l'ambassadeur de France, qui les a reçus à quelques heures du coup d'envoi, ils n'ont pas le comportement parfois blasé de leurs aînés, affichent une certaine clairvoyance et un aplomb qu'on n'attend plus des sportifs déconnectés de la réalité. Ils gardent leur compétition en tête, mais ont déjà zyeuté les loisirs proposés par le programme éducatif et culturel, l'autre grand volet de ces JOJ. Ils comptent bien s'amuser.

PRÉPARER LE SPORT AUX ATHLÈTES DE DEMAIN

"Tout est fait pour qu'il y ait beaucoup d'échanges avec les sportifs d'autres nationalités", raconte Mathilde Cini, 16 ans, nageuse. "On peut passer une journée d'épreuves sur une île, en équipes mélangées. Ça promet d'être sympa !" Le CIO désire également profiter de ces JOJ pour aiguiller les sportifs sur leur avenir, comme pour vouloir enrayer les problèmes d'athlètes en mal de reconversion. "On va investir dans l'éducation des jeunes, c'est quelque chose de nouveau dans le mouvement olympique !" explique Jacques Rogge. Rencontre avec les champions, prévention contre le dopage ou les blessures, gestion de carrière… Le tout effectué avec une certaine justesse, il faut le reconnaître, alors qu'aborder des adolescents n'est pas toujours chose facile, que ce soit pour les entraîneurs ou les pros du marketing des sponsors.

Les JOJ sont aussi un bon terrain d'expérience pour le CIO. A Singapour, on fait des essais exclusifs dans l'histoire du sport : le tir se pratique au laser ; le basket dans sa version urbaine du "trois contre trois" ; une compétition cycliste mixe BMX et VTT et, en natation, on a pu assister ce lundi matin à un relais mixte – remporté par la Chine. "Pourquoi ne pas ensuite intégrer ces innovations aux JO classiques ? C'est une possibilité", confie Jacques Rogge. "Pour ces gamins, c'est une chance inouïe", s'enthousiasme en tous cas Marie-José Perec, marraine du comité olympique français et du voyage elle aussi. "Les athlètes seniors reconnaissent qu'à leurs premiers jeux, ils sont tellement impressionnés qu'ils passent parfois à côté de leur compétition. Là, ils en auront profité… et ils arriveront aux prochains jeux plus sereins."



17/08/2010
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