Après Blog Service

Après Blog Service

Les ultramarins, si loin, si proches de la métropole

 

LE MONDE |24.04.2012 à 11h06 • Mis à jour le24.04.2012 à 11h07

Par Gaëlle Dupont

 

Les comparaisons entre la démographie et le mode de vie en France métropolitaine et dans quatre départements d'outre-mer (DOM) ne sont pas légion. C'est tout l'intérêt des données publiées par l'Institut national d'études démographiques (INED), mardi 24 avril. Elles dépeignent une fraction à part de la population française : on y fait plus d'enfants, plus tôt, on y vit moins longtemps, et on émigre beaucoup plus facilement.

 

Mais, et c'est l'un des enseignements principaux de ces travaux, la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane ressemblent de plus en plus à certains départements français, dont ils sont beaucoup plus proches que des pays en voie de développement qui les entourent. "Ce sont des départements pauvres, parmi les plus pauvres de France et d'Europe, explique Franck Temporal, chercheur à l'INED et coauteur de ces travaux. Mais on peut trouver des ressemblances avec les départements du nord de la France par exemple."

 

Ces quatre départements ultramarins sont peuplés de 1,9 million d'habitants, soit 2,9 % de la population française (les données n'incluent pas Mayotte, devenue le cinquième DOM en mars 2011). La nouveauté des deux études publiées dans la revue Population - l'une porte sur la démographie, l'autre sur l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins - tient aussi à leurs sources: recensement 2007, enquête "Trajectoires et origines" sur les conditions de vie des migrants, et enquête "Migrations, famille et vieillissement" menée spécifiquement dans les DOM. De quoi pallier le traditionnel déficit de statistiques sur l'outre-mer.

 

UN TAUX DE NATALITÉ PLUS ÉLEVÉ

Premier enseignement : avec 2,4 enfants par femme, contre 2,1 en métropole, le taux de natalité ultramarin est plus élevé. Les femmes y ont aussi des enfants beaucoup plus tôt, fréquemment avant 20ans pour le premier. La moyenne masque cependant des disparités importantes. La Guadeloupe et la Martinique ont des taux proches de la métropole (2,2 et 2,1 enfants par femme), contre 2,5 à la Réunion et 3,6 en Guyane. Ces spécificités ne doivent pas masquer l'évolution extrêmement rapide vécue outre-mer dans le sens d'un rapprochement avec la métropole : dans les années 1950, le niveau moyen de fécondité s'élevait à 6 enfants par femme.

D'autres particularités persistent toutefois. Le recours à l'IVG est plus fréquent: une par femme en moyenne, contre 0,53 dans l'Hexagone. Là encore, la différence se joue en particulier chez les femmes jeunes : les taux sont deux fois supérieurs à ceux de la métropole avant 20 ans.

Autre différence marquée : la mortalité infantile, bon indicateur de l'hygiène générale de la population, est deux fois plus élevée et ne baisse pas depuis dix ans (8,4décès pour 1000 naissances sur la période 2005-2009). L'espérance de vie y est aussi inférieure de deux ans. Selon M.Temporal, ces écarts peuvent être mis sur le compte de la pauvreté d'une partie de la population, mais ne sont pas liés à un défaut de prise en charge par les services publics. "Il n'y a plus de carences, affirme le chercheur. Le niveau d'équipement est aujourd'hui très proche, voire parfois supérieur à celui de la métropole."

 

UNE VÉRITABLE FUITE DES CERVEAUX À L'AVANTAGE DE LA MÉTROPOLE

L'article consacré à l'insertion professionnelle met en lumière l'une des aspirations majeures de ces populations : quitter leur île ou leur territoire. La moitié des jeunes adultes des DOM se disent prêts à partir si un emploi leur était proposé ailleurs. Ils sont 67 % à l'envisager en Martinique, 58 % en Guadeloupe, 56 % en Guyane, 41 % à la Réunion. En cause, l'offre éducative insuffisante, et un chômage important dont les jeunes sont les premières victimes. Cela se traduit par un véritable déficit dans certaines tranches d'âge de la population locale. En moyenne, un natif des DOM sur cinq vit en métropole. Entre 18 et 34 ans, ce sont respectivement 36 %, 33 %, 30 % et 19 % des natifs de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, et de la Réunion qui y résident.

Cette migration s'apparente à une véritable fuite des cerveaux, à l'avantage de la métropole. Ce sont les jeunes les plus diplômés et les mieux armés pour s'insérer dans le marché du travail qui quittent leur terre natale, souvent après un premier cycle universitaire, la suite des études n'étant pas possible sur place. Ces derniers s'installent durablement en métropole.

En revanche, les moins qualifiés, s'ils peuvent tenter le voyage, "se replient plus ou moins rapidement dans leur DOM d'origine, alimentant un chômage déjà élevé", écrivent les auteurs. Résultat, en 2007, l'Hexagone rassemblait 38 % des natifs des DOM diplômés du supérieur, contre 15 % des peu ou pas diplômés. "La question est de savoir quels emplois ces départements peuvent offrir à leurs diplômés", observe M. Temporal.

 



24/04/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 209 autres membres