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Logement étudiant, des promesses à revendre

Libération.fr, le 06 avril 2011, par  TONINO SERAFINI

La ministre Valérie Pécresse dit vouloir doubler le parc, avec la mise à disposition de 340 000 chambres ou studios d’ici 2020, mais le plan annoncé hier reste vague.

 

Résidence étudiante à Compiègne montée rapidement à partir de modules bois.

Résidence étudiante à Compiègne montée rapidement à partir de modules bois. (AFP)

Toute la chaîne de l’habitat est en crise, des HLM à l’immobilier résidentiel, et le logement étudiant n’échappe pas à cette réalité. Il est même l’un des principaux révélateurs des difficultés qu’éprouvent les gens à trouver un toit à des prix abordables pour leur budget. Les étudiants sont les premiers à se heurter aux loyers excessifs dus à à la pénurie locative, en dépit d’un début de rattrapage dans la construction de résidences universitaires, à partir de 2006. Mais c’est encore très insuffisant. Il y a «un besoin toujours plus urgent en logement étudiant», a reconnu Valérie Pécresse lors d’une conférence nationale consacrée, hier, à cette question au centre Pompidou, à Paris. Dans la foulée, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a annoncé vouloir «doubler», «d’ici 2020», le nombre de logements réservés aux étudiants. «Nous avons aujourd’hui 340 000 logements spécialement dédiés aux étudiants. Notre objectif […] est de passer à 680 000.» Un chiffre qui a suscité son effet - et beaucoup de scepticisme - devant un parterre d’étudiants, d’élus locaux, de professionnels de l’immobilier, de représentants des HLM, ou de responsables d’université et des Crous (les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires).


Qu’est ce qui a déjà été fait ?
Pendant deux décennies, de 1985 à 2005, le logement étudiant a été le parent pauvre des politiques publiques. On a pratiquement arrêté de construire des résidences universitaires. Jusqu’à créer une situation de rareté qui a poussé les loyers au zénith. La cherté du logement est devenue un obstacle à la poursuite des études pour les jeunes issus de milieux modestes. Conscients qu’on avait touché le fond, les pouvoirs publics ont lancé en 2004 un plan de rattrapage sur dix ans (2004-2014) se basant sur un rapport alarmant du député Jean-Paul Anciaux (UMP, Saône-et-Loire), qui préconisait la construction de 5 000 nouveaux logements par an en résidence universitaire, et la réhabilitation de 7 500 logements existants par an. Le démarrage a été lent. C’est seulement en 2010 que les objectifs annuels du plan Anciaux ont été atteints. Du retard a été pris, et il reste beaucoup à faire.

 

La création de 340 000 logements est-elle crédible ?
Outre la situation actuelle qui est assez calamiteuse, notamment en Ile-de-France, Valérie Pécresse s’est appuyée sur un sondage - qu’a fait réaliser son ministère - pour pointer la nécessité de donner un coup d’accélérateur au logement étudiant. Cette enquête Ipsos (1) fait état d’un «mouvement que l’on dit de décohabitation [et qui] traduit une aspiration profonde de la jeunesse française à l’autonomie», a-t-elle souligné. «Ils sont ainsi plus de 60% à faire ce choix aujourd’hui, contre seulement 45% il y a encore trois ans.» Bref, la demande et les besoins sont plus forts que jamais. Et il faut y répondre.

Problème : à un an de la présidentielle, cette annonce doit être considérée avec moult précautions. On ne sait pas quel gouvernement sortira des urnes après mai 2012, quelles seront ses priorités et qui sera en charge du ministère de l’Enseignement supérieur à ce moment-là. Ce qui fait beaucoup d’incertitudes pour la suite. De plus la ministre n’a donné aucune précision sur les moyens budgétaires qui accompagneraient cet effort. On a en fait l’impression que Valérie Pécresse a voulu montrer une direction en laissant à d’autres le soin de faire le boulot pour la décennie à venir. Interrogée en marge de la conférence, la ministre a un peu précisé les chiffres relatifs au doublement du parc à l’horizon 2020.

 

Que représente le doublement de l’habitat etudiant?
A ce jour, le parc de 340 000 logements étiquetés étudiants est constitué de 161 500 dans les résidences du Crous, de 40 000 logements sociaux hors Crous (en HLM, par exemple), d’environ 20 000 places dans les internats de classes prépas, de 20 000 places gérées par des grandes écoles, et 100 000 chambres dans des résidences privées.

Le doublement de ce parc dédié aux jeunes fréquentant l’enseignement supérieur reposerait sur un mélange de constructions nouvelles (60 000, par les Crous), le développement de la colocation dans le parc privé, la construction de résidences privées (aux loyers chers) et la mise à disposition des étudiants de logements sociaux existants. Valérie Pécresse a émis l’idée de leur réserver «systématiquement 10% des studios» du parc HLM. «Moi, je suis tout à fait favorable pour accueillir plus de jeunes et parmi eux des étudiants dans le parc social, indiquait, hier, Thierry Repentin, sénateur (PS) de Savoie et président de l’USH (Union sociale pour l’habitat, qui regroupe les organismes de HLM). Mais le logement social est déjà sous tension et, si on doit loger davantage d’étudiants, ce sera forcément au détriment d’autres demandeurs.» D’autant que les deux tiers des 1,4 million d’étudiants sont concentrés dans les universités d’Ile-de-France et d’une dizaine de grandes villes (Aix-Marseille, Lyon, Lille, Nice, Nantes Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg…) où la situation globale du logement est parfois tendue.

 

(1) Sondage Ipsos réalisé du 15 au 17 mars auprès de 802 étudiants.



12/04/2011
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