Après Blog Service

Après Blog Service

Que la Saint-Valentin est triste à l'ère de Facebook

Point de vue | LEMONDE | 14.02.12 | 13h01   •

par Renaud Homez, étudiant en droit à l'Université catholique de Louvain (Belgique), 23 ans

 

C'est resté, à travers les âges, l'une des préoccupations majeures de l'homme. L'art en a fait sa source d'inspiration et sa quête absolue.

 

A quoi cela sert-il de toujours rabâcher le même sujet ? "Parlez-moi d'amour et j'vous fous mon poing sur la gueule", disait Brassens. Qu'il me soit permis tout de même, en cette période de Saint-Valentin, d'évoquer cette grande affaire de l'amour.

Je prendrai le point de vue d'un jeune homme ordinaire de 23 ans à qui l'amour n'a jamais réussi et qui se compte déjà parmi les déçus de l'amour. Car de ce que j'ai pu en observer, ma génération - celle qu'on appelle stupidement la "génération Y" (en référence aux écouteurs que nous porterions en permanence autour du cou) - est devenue incapable d'amour.

Pourtant, cette génération avait des raisons de croire en l'amour. Des preuves existaient. Nos parents et grands-parents, pour la plupart, s'étaient mariés et n'avaient pas divorcé. Dans les rues, on voyait parfois des gens s'enlacer sur des bancs publics.

A moins d'une extraordinaire hypocrisie, tout cela paraissait sincère. Adolescents, les chagrins les plus vifs naissaient d'une histoire amoureuse. C'était une époque où la pureté de nos jeunes esprits rendait l'amour possible. Il était inévitable qu'un jour ou l'autre on rencontrerait l'âme soeur et que la vie à ses côtés serait belle et pleine de promesses.

Mais la vie tient rarement ses promesses. Elle est un processus de démolition, comme disait Scott Fitzgerald, qui s'y connaissait. Les ruptures amoureuses, rares ou nombreuses, cassèrent déjà ce beau mythe de l'amour éternel.

Cela dit, on se relevait à chaque fois, le coeur recouvrant un peu de chaleur et se remettant à battre, parce que l'espoir n'était pas tout à fait perdu.

Puis, un jour, ma génération s'est aperçue que l'amour ne serait plus possible. Je vous parle d'un temps que les plus de 30 ans ne peuvent pas connaître. C'est un temps où l'individualisme égoïste et la recherche de plaisir effréné ont tout foutu en l'air. Par peur et donc manque de courage, nous avons tous renoncé à l'amour. Nous l'avons remplacé par la recherche du plaisir, envers et contre tout. Car le plaisir a ceci de pratique qu'il ne s'accompagne pas de sentiments, et que toute souffrance est éradiquée.

Notre environnement a bien sûr favorisé cette conception hédoniste de l'amour. L'accroissement des divorces, la marchandisation de l'amour, la banalisation des relations sexuelles, les réseaux sociaux, les sites de rencontres... tout cela nous a convaincus que croire en l'amour était un écueil dans lequel il ne fallait pas tomber.

On ne mesure pas assez l'importance (récente) de Facebook dans l'effondrement des sentiments amoureux. C'est devenu la plateforme officielle des unions et désunions. Pour décider de la viabilité d'une relation, Facebook constitue un passage obligé. Il suffit d'avoir le nom de la personne convoitée et de cliquer sur son "mur".

On peut y voir des photos, des caractéristiques personnelles, des amis en commun, autant de signes qui décideront purement et simplement de la suite à donner à la rencontre. Facebook est désormais la plus grande agence matrimoniale du monde. Ce réseau social permet aux personnes de savoir tout de l'autre avant même de l'avoir rencontré. Et participe de l'illusion que toute personne est interchangeable. Il est un formidable accélérateur et destructeur de relations humaines. L'amour n'y a pas gagné.

Aujourd'hui, les jeunes, filles ou garçons, dans leur grande majorité, accumulent les conquêtes, avec pour seule ambition de "prendre leur pied". Dans les soirées, tout le monde sort avec tout le monde. C'est socialement très bien vu de "se taper des mecs ou des gonzesses", par dizaines. Plus besoin de séduction non plus, l'alcool faisant le plus gros du travail. L'histoire ne dure pas plus d'une soirée, car il n'est pas question de se prendre la tête.

On pourra me taxer de cynisme, mais les choses en sont là. La génération qui est la mienne va droit dans le mur, oubliant l'essentiel : l'amour, ce n'est pas des papillons dans le ventre, c'est une affection durable, un engagement sincère. On me qualifiera de ringard, eh bien j'assume. Puisse cette Saint-Valentin ne pas devenir le symbole de cette infernale déliquescence de l'amour.



14/02/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 209 autres membres