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Trayvon Martin, la colère après le crime

Libération.fr. Par FABRICE ROUSSELOT De notre correspondant à New York

Suite au meurtre, en Floride, d’un adolescent noir de 17 ans, des pétitions et de nombreuses manifestations dans tout le pays dénoncent une exécution raciste.

 

 

«Si j’avais un fils, il ressemblerait à Trayvon», a lancé Barack Obama la semaine dernière. Un mois après les faits, la mort de Trayvon Martin, un jeune adolescent noir de Floride abattu par un voisin qui organisait des patrouilles de quartier, n’en finit plus de traumatiser l’Amérique, de nouveau confrontée à ses tensions raciales.

 

«Martyr». Depuis plusieurs jours, des manifestations ont lieu dans des dizaines de villes aux Etats-Unis pour réclamer l’arrestation du meurtrier de l’adolescent, qui a invoqué la légitime défense. Sur Internet, une pétition réclamant «justice» a recueilli plus de 2 millions de signatures. Dans les écoles américaines, des marches silencieuses ont rassemblé des centaines de jeunes, avec des capuches sur la tête, en hommage à Trayvon qui avait rabattu la sienne pour se protéger de la pluie.

 

L’histoire commence le 26 février. Trayvon Martin, 17 ans, rentre chez son père dans la ville de Sanford, au nord d’Orlando. Il est allé à l’épicerie et ramène des bonbons et une cannette de thé glacé pour son petit frère. Il est alors «repéré» par George Zimmerman, 28 ans, un Blanc d’origine hispanique, autoproclamé «chef» d’une milice de quartier et qui, ce jour-là, fait des rondes en voiture en réaction à une série de cambriolages. Zimmerman appelle la police et affirme être en présence de quelqu’un de «suspect». Mais, malgré les consignes des forces de l’ordre de ne pas bouger, il descend de sa voiture et va à la rencontre de Trayvon Martin. Ce dernier est en train d’appeler l’une de ses amies, au même moment, pour lui dire que «quelqu’un le suit». La jeune fille affirmera par la suite avoir conseillé à Trayvon de s’enfuir et avoir entendu Zimmerman lui demander «ce qu’il faisait là». Puis, elle racontera avoir entendu comme une altercation, avant que la ligne ne soit coupée.

 

Quand la police arrive sur les lieux, l’adolescent est mort, couché sur la chaussée, et Zimmerman tient une arme à la main. Le tireur assure avoir agi en légitime défense et les autorités le laissent repartir.

 

Depuis, la colère gagne la communauté noire américaine, malgré l’ouverture d’une enquête officielle par le département de la justice. Jesse Jackson et Al Sharpton, deux des figures historiques du mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis, se sont rendus à Sanford et ont dénoncé «un crime raciste». «Trayvon est un martyr, et de nouveau les Noirs sont attaqués dans ce pays sans aucune raison. Nous devons aller au bout de notre combat pour que la lumière soit faite», a lancé Jackson le week-end dernier.

 

Des comparaisons ont notamment été faites avec Emmett Till, un jeune lynché sans raison par une foule de Blancs dans les années 50 et devenu l’un des symboles historiques de la lutte des Noirs outre-Atlantique. «Ce que montre tout cela, c’est que, malgré tous les débats que nous avons sur une Amérique "post-raciale", un jeune Noir ne peut toujours pas se sentir en sécurité dans ce pays, assure Mark Anthony Neal, spécialiste des études africano-américaines à l’université de Duke. Et là, l’histoire a pris une résonance particulière parce qu’elle ne s’est pas passée dans un ghetto ou une banlieue défavorisée. Et que la victime est un jeune qui n’était pas un voyou.»


L’affaire a aussi relancé le débat sur ces milices de quartier qui sévissent aux Etats-Unis, ainsi que sur une loi votée par la législature de Floride en 2005 et qui protège tous ceux qui se disent en légitime défense. Sponsorisée par la NRA (National Rifle Association, le lobby des armes), la législation permet à tout individu qui se sent en danger d’utiliser une arme sans avoir à craindre de poursuites judiciaires.

 

Grand jury. Lors de ses déclarations à la police, révélées lundi par la presse, Zimmerman a assuré que Trayvon Martin l’aurait approché et frappé par-derrière, avant de lui taper la tête contre le trottoir. Ce qui aurait justifié le fait qu’il soit laissé en liberté. Hier, les parents de l’adolescent ont néanmoins accusé les autorités de vouloir «détruire la réputation» de leur fils afin de «s’en tirer à bon compte». Le Miami Herald a aussi révélé que Trayvon avait été suspendu de son école pour avoir eu en sa possession un sac en plastique avec des traces de marijuana. «Quel est le rapport entre cette suspension et le meurtre de Trayvon ?» s’est indigné Benjamin Crump, l’avocat de la famille.

 

Au niveau politique, les candidats républicains à la Maison Blanche ont vivement réagi à la remarque de Barack Obama. Newt Gingrich, l’ancien speaker de la Chambre des représentants, a même estimé que les paroles du Président étaient «scandaleuses». «Est-ce que le Président suggère que si un garçon blanc avait été tué, l’affaire n’aurait pas été aussi grave car il ne lui aurait pas ressemblé ?» a-t-il déclaré à la radio. La semaine dernière, face au scandale, le chef de la police de Sanford a démissionné. Le procureur de l’Etat de Floride a, lui, convoqué un grand jury le mois prochain pour «décider de la suite à donner à ce terrible drame». Il y a quelques jours, la mère de Trayvon Martin déclarait à la télé américaine : «Mon fils est mort. Tout ce que je veux, c’est que le responsable soit puni.»



28/03/2012
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