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« Trop fastoche l’alcool ! »

Les Nouvelles Calédoniennes. Publié le vendredi 09 novembre 2012 à 03H00

 

Mercredi, le haussariat lançait l’interdiction de vente d’alcool les mercredis après-midi pour limiter l’alcoolisme des collégiens et lycéens. Nous avons voulu savoir s’il leur était facile d’acheter de l’alcool. Verdict : notre testeur, mineur, a franchi toutes les caisses.

 

Nous avons ciblé deux grandes surfaces, un supermarché et deux petits commerces de proximité. Notre adolescent a acheté de l’alcool dans tous ces commerces sans encombre.

Photo Thierry Perron

 

Suite à la mise en place d’un arrêté d’interdiction de vente d’alcool les mercredis après-midi, hors vacances scolaires, nous avons voulu savoir s’il était facile pour un mineur d’acheter de l’alcool dans le commerce. Nous avons décidé de réaliser un testing et de cibler des grandes surfaces des deux groupes de la grande distribution, mais aussi des petits commerces de quartier, à Nouméa.

 

Tentative.

Hier, 15h30, rendez-vous devant le collège de Magenta. Matis*, 15 ans, élève en 4e, nous attend. Jean « baggy », chaussures de skate, sac à dos, le blondinet, qui fait bien son âge, a accepté d’être notre testeur.

16 heures, un billet de 5 000 francs et son passeport en poche, Matis franchit les portes coulissantes de la première grande surface. Nous le suivons de loin. Un peu inquiet, vraiment pas sûr de lui, il se dirige vers le rayon alcools et choisit un pack de six bières. Aucun client ne semble choqué de le voir faire. Son pack sous le bras, il décide d’aller à la caisse « moins de 10 articles ». Pas la plus facile, puisqu’un vigile est positionné juste en face. Dans la file d’attente, pas très longue à cette heure, les familles ne remarquent même pas l’anomalie. Seule une femme, juste derrière l’ado, le détaille de haut en bas et semble le trouver un peu jeune. En moins de deux minutes, il se retrouve face à la caissière. Il gonfle un peu le torse, regarde autour et croise le regard d’un vigile. Il paie, prend sa monnaie et sort son pack sous le bras en passant devant le vigile qui discute. La femme qui le scrutait le regarde partir. Elle semblait vraiment s’interroger, mais elle n’a pas interpellé la caissière ou le vigile.

 

Rebelote.

Dans la voiture, notre testeur s’écrie : « Le vigile m’a même pas calculé ». Direction un supermarché d’un autre groupe, que Matis a choisi lui même car des copains de son âge lui ont raconté qu’il y achetaient parfois de l’alcool. Dès l’entrée du jeune, un vigile installé près des caisses le regarde de près, comme s’il le soupçonnait de quelque chose. Matis qui a pris confiance, ne voit pas la scène, et va d’un pas décidé au rayon alcools. Il prend plusieurs bières locales au détail et choisit une caisse au hasard. La caissière le regarde à peine, lui demande s’il n’a pas de monnaie. Il passe devant le vigile, serein, lui sourit, et sort tranquillement. « Ils avaient raison. Trop fastoche l’alcool ! », lance-t-il sur le chemin de la troisième grande surface, plus près du centre-ville. Visiblement de plus en plus détendu, plus personne ne le remarque, comme quoi... Il prend deux grandes bières espagnoles de 50 cl, les porte moins discrètement qu’au premier magasin, passe à la caisse sans encombre et sort. Direction la Vallée-du-Tir, dans un petit commerce. L’opération ne prend même pas une minute et, pendant ce laps de temps, le commerçant ne lèvera même pas les yeux. Autre petit commerce, à Val- Plaisance et même durée. Sauf que cette fois, la vendeuse le regarde un moment, mais pas pour lui demander ses papiers ni son âge, elle a le même...

Bilan : en une heure trente, Matis a acheté 12 bières de 33 cl et deux bières de 50 cl dans cinq commerces. La vente d’alcool est interdite aux mineurs. Elle est passible de 895 000 francs d’amende, et, en cas de récidive, de 1 790 000 francs d’amende et d’un an de prison.

* Prénom d’emprunt

 

Le chiffre: 41

Selon les résultats de l’étude de l’Inserm, datant de 2008, 41 % des 1 400 jeunes entre 16 et 25 ans interrogés ont été saouls au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête, jusqu’au point de ne plus se souvenir de ce qui s’était passé ce soir-là.

 

Questions à… Albert Dupuy, haut-commissaire de la République

« J’exclus la levée de toutes les interdictions »


Les Nouvelles calédoniennes : Pourquoi cette interdiction les mercredis après-midi, alors qu’il y a déjà une interdiction de vente d’alcool aux mineurs ?
Albert Dupuy :
Vous avez l’impression que l’interdiction de vente aux mineurs est respectée ? Il ne faut pas sortir ce nouvel arrêté du contexte général qui consiste à réglementer la vente d’alcool en accord et sur sollicitation des mairies. Et comme tout arrêté, sa durée est limitée.

Mais vous avez déjà dit que revenir sur ces interdictions de vente serait envoyer un mauvais signal…
J’ai toujours refusé de lever ces mesures d’interdiction quelles que puissent être les sollicitations de certains commerces. Car je pense que si on libère les ventes, ça ne fera qu’accroître les conditions dans lesquelles un certain nombre de gens s’alcoolisent. Je ne veux pas dire par là qu’on ne reviendra pas sur les jours, les horaires de vente.
Ce que j’exclus, c’est la levée de toutes les interdictions. L’objectif, ce n’est pas d’empêcher les gens de boire, mais de boire trop.

Cet arrêté qui étend encore l’interdiction ne risque-t-il pas de changer l’exception en norme ?
Ces mesures fortes, contraignantes, sont difficiles à mettre en place. Et il n’est pas facile non plus de vérifier leur application. Ce qui est certain, c’est que les chiffres montrent une stabilisation des ivresses publiques et manifestes et des mis en cause
alcoolisés lors d’une infraction. Je rappelle que si la mesure est disproportionnée par rapport à l’objectif recherché, cette mesure est illégale. Par ailleurs, ces interdictions n’ont de sens que si elles s’inscrivent dans une politique plus globale de lutte contre l’alcool, dans laquelle s’est engagé le gouvernement, avec un nouveau plan addictions.

Propos recueillis par BN

 

Repères

Pas d’alcool ce week-end
Jour férié oblige, avec le 11 novembre, l’alcool sera interdit à la vente dès vendredi midi et pour tout le week-end dans le Grand Nouméa, mais aussi à Boulouparis, Bourail, Farino, La Foa, Moindou, Sarraméa, Thio, Yaté et l’île des Pins.

Ivresse avant 16 ans
Selon le Baromètre Santé 2010 réalisé par l’Agence sanitaire et sociale NC en 2010, 66 % des 1 818  personnes qui déclarent avoir été ivres au moins une fois ont fait l’expérience de leur première ivresse entre 16 et 20 ans. Ils sont 31,2 % à avoir fait cette expérience entre 12 et 16 ans, dont 7,4 % entre 12 et 14 ans.

Alcoolisation massive
Toujours selon l’étude de l’Inserm, 53 % des garçons et 40 % des filles de 16 à 18 ans avouaient avoir bu au moins cinq verres (la définition de l’alcoolisation massive) lors d’une même soirée le mois précédent l’enquête. Sur l’ensemble du panel des 16-25 ans, 52 % ont été saouls au cours du dernier mois, dont 34 % plusieurs fois. Sur les jeunes qui déclarent plusieurs ivresses dans le dernier mois, le taux est plus élevé parmi les jeunes du Nord (51 % des garçons et 30 % des filles) et plus faible aux îles Loyauté (27 % des garçons et 12 % des filles).
Le Grand Nouméa se situe proche du niveau de la province Nord (44 % des garçons et 27 % des filles). Il n’existe pas de lien avec l’appartenance communautaire, en dehors d’une fréquence plus élevée parmi les filles européennes métropolitaines (42 % ont été saoules plusieurs fois le dernier mois).


Ludovic Lafon



09/11/2012
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