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Vers une explosion des ventes d’armes

Lun 13 Sep 2010 |20:00, Les Nouvelles Calédoniennes

Attendue depuis longtemps, la « libéralisation » du marché des armes semble proche : un formateur du ministère de l’Intérieur débarque en fin de mois sur le territoire afin de présenter l’application de la nouvelle réglementation. Des armuriers pressentent un boom des ventes.

 

72 187

Le nombre d’autorisations de détention officiellement recensées, au 8 septembre dernier, par les autorités en Nouvelle-Calédonie est de 72 187 : les armes de défense (tir sportif) de 1re catégorie (1 205) et de 4e catégorie (3 480) ; les armes de chasse de 5e catégorie (55 451) et de 7e catégorie (11 551) ; enfin les armes de collection de 8e catégorie (500). Un Calédonien sur trois posséderait donc une pièce. Mais les chiffres sont assurément en dessous de la réalité.

 

Le signal a retenti à des milliers de kilomètres, en Finlande. Une ONG locale alignait les chiffres il y a quelques semaines, et ouvrait grand les yeux devant le résultat. Entre 1998 et 2009, selon ses données, « le pays aux mille lacs », terre du fabricant d’armes Sako, a exporté vers la Nouvelle-Calédonie pas moins de 4 550 fusils, 210 000 cartouches, ou encore près de 10 carabines de précision et pour le tir à très longue distance… Ces arrivées massives de marchandises, tout à fait légales, attestent de l’intérêt des Calédoniens pour les articles à poudre. D’après l’Institut de la statistique et des études économiques, le territoire a acheté l’an passé, tout confondu et toutes provenances cumulées, pour plus de 229 millions de francs d’armes et de munitions. La somme des achats est, hormis pour un exercice, en constante progression sur la dernière décennie.
Pas de fantasme à la napolitaine : « Entre 90 et 95 % des armes vendues ici sont destinées à la chasse », estime un armurier de la place. Mais la profession pourrait bientôt vivre une révolution. Attendue depuis des lustres, repoussée plusieurs fois, la publication d’un arrêté interministériel sur les armes précisant les modalités d’application du décret du 21 avril 2009 est proche. Le texte assouplit la réglementation. Or, seules ses dispositions sur les munitions étaient entrées en vigueur au 1er juillet de l’année dernière.
A la fin du mois, en même temps que le déploiement d’un logiciel spécifique dénommé Agrippa, un formateur du ministère de l’Intérieur investira les services de la Dirag, la Direction de la réglementation et de l’administration générale, afin de présenter la mise en place du nouveau cadre législatif, pressentie, selon des observateurs, pour octobre.

Les gens vont se faire plaisir dans un premier temps.

Tous les amateurs l’avouent, la démarche d’acquisition est aujourd’hui plus proche du chemin de croix que de la promenade sous le soleil. Le dispositif à venir promet une simplification de la procédure. Exemple, : pour les armes de 5e et 7e catégories, les plus rencontrées, la demande d’autorisation est écartée au profit d’une simple déclaration. Quelles conséquences ? Dans la foulée de l’application, « ce sera la razzia. Les gens vont se faire plaisir dans un premier temps » prédit un armurier, rejoint par un collègue exerçant hors du Grand Nouméa. « Les ventes vont augmenter, car beaucoup de gens sont freinés vu les difficultés administratives. » Un troisième professionnel tempère, et ne voit lui qu’« un petit pic » avant une stabilisation. Ce sentiment est partagé par Christophe Pommé, directeur de la Fédération de la faune et de la chasse de Nouvelle-Calédonie, entité regroupant 2 500 adhérents.
Quelle que soit la proportion, les chiffres d’affaires vont croître. Mais certains craignent une tendance fâcheuse derrière cette « libéralisation » : un bond de la délinquance avec arme. « Je n’en suis pas si sûr », relève le colonel Pascal Bonnaud, patron de la gendarmerie. Car la Métropole, où le décret est en vigueur depuis 1995, n’a pas connu de hausse suite à l’application du texte.
Et ce phénomène de délinquance armée est aujourd’hui inexistant en Calédonie, territoire sur lequel, pourtant, un grand nombre d’armes de chasse circule. Enfin, « libéralisation, prévient le haut gradé, ne veut pas dire disparition de la traçabilité ».

Yann Mainguet

 

« Ça va exploser »

Questions à Stéphane Ducoli, responsable des ventes à l’armurerie « Chasse et loisirs ».

  • Les Nouvelles calédoniennes : Quelle est l’évolution des ventes d’armes sur le marché ?

Stéphane Ducoli : Les ventes d’armes ne baissent pas. Elles vont même, je pense, progresser. Surtout quand nous allons voir arriver la nouvelle réglementation : il n’y aura plus de quotas d’armes, la procédure d’acquisition sera simplifiée, moins de papiers… Bref, ça va exploser. Carrément exploser. Les gens ne se priveront plus. S’ils veulent en avoir dix à la maison, ils viendront en acheter, et ils en auront dix. L’actuelle réglementation nous autorise à ne posséder que quatre armes à titre de chasse. Et cela est soumis à autorisation.

  • Quelle est la progression annuelle des ventes ?

Entre 15 et 20 % d’augmentation chaque année au niveau des ventes d’armes, juste les armes. Du côté des munitions, maintenant que ces produits sont en vente libre, les ventes sont régulières et ça se vend bien. Les chasseurs achètent aujourd’hui juste ce dont ils ont besoin. Ils ne font plus de stock.

  • Le Calédonien aime les armes.

Oui, elles font partie de la famille.

  • La nouvelle réglementation va donc être plus intéressante pour l’armurier ?

Oui, car elle va « libéraliser » les armes, cela va être beaucoup plus facile de les obtenir, il n’y aura surtout plus de quotas. Nous allons faire, je pense, encore plus de ventes. Le boom, impossible à chiffrer, durera peut-être trois ou quatre mois au début, il va y avoir un effet d’incitation, puis tout va se stabiliser. On se prépare, on y pense.

 

 

Repères

Tendance
Les phénomènes de mode, par définition, tournent. « Il y a eu les petits calibres à une époque, puis les moyens estime un employé d’une des six armureries sur le territoire. Actuellement, ce sont les gros calibres pour faire une chasse longue distance comme en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Là-bas, ils aiment tirer le gibier d’un peu plus loin. »

Demain
Espérée fortement par les amateurs calédoniens depuis des années, la nouvelle réglementation prévoit un assouplissement sur l’acquisition et la détention d’armes d’épaule, autrement dit les fusils de chasse à canon rayé ou lisse. Ces armes passeront d’un régime d’autorisation préalable délivrée par l’État à un régime de déclaration obligatoire. Les armuriers pourront les vendre sur simple présentation d’une pièce d’identité et d’un permis de chasse, mais ces professionnels devront les inscrire sur un registre tenu à disposition de la police et de la gendarmerie. Cette « libéralisation » sera encadrée par des limites en matière de santé psychique ou de passé judiciaire des acheteurs.


13/09/2010
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