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Violences faites aux femmes : les 25 novembre se suivent et se ressemblent

Point de vue | LEMONDE.FR | 25.11.11 | 09h47   •  Mis à jour le 25.11.11 | 13h39

par Caroline de Haas, fondatrive de l'association Osez le féminisme

 

Une affiche de la campagne d'éducation contre les comportements sexistes et les violences faites aux femmes diffusée en novembre 2006.

Une affiche de la campagne d'éducation contre les comportements sexistes et les violences faites aux femmes diffusée en novembre 2006.AFP/PULSART

En 1999 l'Assemblée générale des Nations unies déclarait que le 25 novembre serait désormais la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Depuis, chaque année, les associations féministes se rassemblent pour interpeller les gouvernements et faire reculer les violences sexistes.

En France, 75 000 femmes sont violées par an et plus de 150 meurent sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon. A peine 10 % des femmes violées portent plainte et environ 2 % des violeurs sont condamnés. Le harcèlement sexuel touche 40 % des femmes en Europe. Des chiffres qui dépassent l'entendement et qui ne bougent quasiment pas d'une année sur l'autre.

 

Comme chaque 25 novembre, nous aurons sans aucun doute l'occasion d'entendre le gouvernement rappeler ses engagements et le premier ministre fera quelques annonces pour prouver sa détermination. Jouant dangereusement sur l'émotion suscitée par un fait divers tragique, il déclarera vraisemblablement le renforcement des dispositifs répressifs qui s'avèrent depuis des années peu efficaces. Puisque nous sommes à quelques mois de la présidentielle, nul doute que les candidates et candidats à l'élection présidentielle s'engageront également sur le terrain de la lutte contre les violences.

Parce que les responsables politiques refusent de s'attaquer réellement aux violences sexistes, les 25 novembre se suivent et se ressemblent.

 

Les crimes sexistes sont un fait social et politique qui nécessite un engagement qui aille largement au-delà des mesures spécifiques contre les violences. Nous ne sommes pas uniquement en présence d'une succession de faits individuels dramatiques : quand 75 000 femmes sont violées chaque année dans un pays, cela fait société. Les violences sont à la fois l'expression la plus dure de la domination qui persiste sur les femmes et le reflet d'une organisation sexuée de notre société, où femmes et hommes, s'ils ont légalement les mêmes droits, n'ont pas encore les mêmes statuts et les mêmes possibilités d'émancipation.

Les violences sexistes ne sont pas, pour l'immense majorité d'entre elles, le fait de psychopathes, de malades qu'il faudrait soigner. Elles sont le fait d'hommes que tout le monde qualifierait de "banals", pour lesquels on dirait – on l'a d'ailleurs beaucoup entendu ces derniers mois – "je le connais bien, ce n'est pas possible". Des patrons comme des employés. Des riches comme des précaires. Des Français comme des étrangers. Des noirs comme des blancs.

Les violences sexistes concernent, pour l'immense majorité d'entre elles, des femmes que tout le monde qualifieraient de "banales", pour lesquelles on dirait "tiens, je n'aurais pas pensé que…". Des cheffes d'entreprise, des mères de famille, des étudiantes, des employées ou des cadres sup. Des femmes discrètes comme des grandes gueules. Des jeunes comme des personnes âgées. Des minces comme des rondes. Des hétérosexuelles comme des lesbiennes.

Ces violences sont une honte pour notre pays. Et tant que la chape de plomb qui pèse sur elle ne sera pas levée, l'égalité femmes hommes restera lettre morte.

 

Que la droite refuse d'aborder les violences comme un fait social, cela se comprend aisément, elle qui n'a jamais intégré dans son programme politique l'analyse des rapports sociaux de sexe. Pour elle, les violences seraient une déviance qu'à force de réprimer, on devrait pouvoir faire disparaître. De plus, vouloir lutter contre un fait social d'une telle ampleur demande quelques moyens : pour éduquer, pour prévenir, pour accueillir, pour juger, pour soutenir les associations. Et puisque le gouvernement a fait de la rigueur et de l'austérité l'alpha et l'oméga de sa politique, on l'imagine mal annoncer des moyens financiers pour lutter contre des crimes qui au final, passent pour l'immense majorité d'entre eux totalement inaperçus. La droite fait le pari qu'annoncer en grande pompe des mesures sécuritaires ramènera sans doute plus d'électeurs du Front national.

 

C'est à la gauche de répondre à l'aspiration exprimée par des dizaines de milliers de citoyennes et citoyens dans les différents appels lancés par les associations féministes. Luttant pour l'émancipation des individus de toute forme d'oppression, la gauche sait que les violences envers les femmes dans la sphère privée et publique sont imbriquées dans les inégalités qui existent dans toutes les sphères de la société : économique, politique et sociale. La gauche sait aussi que c'est en parlant des violences, en faisant de la domination masculine un sujet politique qu'on permettra de lever le silence et d'entendre la parole des femmes, aujourd'hui bafouée. La gauche sait enfin que si elle veut transformer en profondeur la société, elle doit faire de l'égalité femmes-hommes une priorité de son mandat.

 

Si le nouveau gouvernement qui arrivera au pouvoir en 2012 prend des mesures immédiates pour enfin appliquer la loi votée en juillet 2010, engage un travail massif de prévention, d'éducation et de formation des professionnels, nous pourrons peut-être nous retrouver le 25 novembre 2012 pour faire la fête. Mais pour ceci, il y a une condition indispensable : intégrer dans les logiciels politiques une analyse des rapports sociaux de sexe et affirmer la volonté de les transformer pour aller vers l'égalité. Sur ce sujet, à gauche, le travail est devant nous.



25/11/2011
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