Ces jeunes Français "profondément européens" qui n'ont pas voté
Benoît Vitkine - LEMONDE.FR | 09.06.09 |
Une peu avant 20 heures, dimanche 7 juin, la
gifle s'annonce sévère pour le Parti socialiste aux élections européennes. Sur
France 2, David Pujadas presse Vincent Peillon, tête de liste socialiste dans
le Sud-Est, de répondre : "Est-ce un échec ?" "Ce n'est pas
satisfaisant", concède le député européen, avant d'avancer une première
explication : "Les catégories populaires et les classes moyennes ne sont
pas allées voter."
Selon le sondage TNS Sofres/Logica réalisé
dimanche notamment pour Le Monde, l'électorat populaire s'est en effet
fortement abstenu (69 % d'abstention chez les ouvriers et 66 % chez les
employés). Pour rappel, au niveau national, l'abstention s'est élevée à 59,52
%, le niveau le plus haut jamais enregistré, toutes élections confondues. Si le
constat de M. Peillon est juste, l'analyse, en revanche, est incomplète. Une
catégorie de la population s'est abstenue plus massivement encore que les
autres : les jeunes. Toujours selon le sondage TNS Sofres, 70 % des 18-24 ans
ont boudé les urnes ; chez les 25-34 ans, ils sont 72 %. Des chiffres proches
de ceux constatés par un autre institut, OpinionWay (72 % d'abstention chez les
18-24 ans, 70 % chez les 25-34 ans).
"PROFONDÉMENT EUROPÉENS, LES JEUNES SONT
AUSSI DE GRANDS SCEPTIQUES"
A Tourcoing, où la participation n'a pas dépassé
26,64 %, le maire PS, Michel-François Delannoy, a d'emblée évoqué cette piste :
"Les personnes âgées se sont déplacées, mais pas les jeunes, c'est
inquiétant pour l'Europe", a-t-il expliqué à La Voix du Nord. D'autant
plus inquiétant que les jeunes sont réputés plus proches de l'Europe que leurs
aînés : europhiles, ils se sont pourtant abstenus en masse. Un paradoxe que
tente de décrypter Thibault d'Orso, du Parlement européen des jeunes, une
institution qui plaide la cause européenne auprès de la jeunesse : "En
2008, nous avons mené une enquête auprès de 2 500 jeunes Européens. Le terme
qu'ils associent en premier à l'idée européenne est 'liberté'. L'Europe est vue
plus comme un espace de liberté que comme un espace politique. Les jeunes ne
voient pas forcément la nécessité de voter pour une Europe qui existe déjà sous
leurs yeux. D'autant qu'ils sont très exigeants vis-à-vis des institutions.
Selon eux, celles de l'UE ne sont pas assez fortes, ils sont dubitatifs quant à
leur efficacité. Profondément européens, les jeunes sont aussi de grands
sceptiques."
Anne Muxel, directrice de recherches au Centre
d'études de la vie politique française (Cevipof), partage cette approche :
"Les jeunes ont un rapport quasi naturel à l'Europe, qui est présente dans
leur identité, dans leur vie professionnelle, culturelle... Mais ils ne savent
pas toujours comment transcrire cette appartenance en terme de
citoyenneté." Toutefois, rappelle la chercheuse, l'abstention des plus
jeunes n'est pas une spécificité du scrutin européen : "On constate en
moyenne, pour chaque élection, un écart de 10 % entre l'abstention des jeunes
et l'abstention moyenne. Cet écart a été respecté dimanche."
Reste à savoir quel parti a été le plus pénalisé
par cette abstention des jeunes. Pour Anne Muxel, c'est la gauche : "La
jeunesse étudiante qui vote traditionnellement pour le Parti socialiste, ne
s'est pas mobilisée. Les 18-25 ans représentent 13 % de l'électorat, ce n'est
pas négligeable." Mais ce qui est vrai pour le PS ne l'est pas pour Europe
Ecologie, estime Mme Muxel : "Les jeunes qui se sont déplacés ont choisi
des partis aux convictions européennes fortement affirmées. Et les listes Cohn-Bendit
sont celles qui ont le plus profité de cet effet."
A découvrir aussi
- Travail, famille... et parité
- L'expérience amoureuse intéresse les historiens
- Djamel, de l’usine au Master 2
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 209 autres membres