Des cadeaux par millions
Le district de Gaïtcha vit l’union de son futur grand chef, Jean-Louis Puionoti Zeoula avec Eulalie Hatre Taua comme une fierté. Mais le mariage de l’année, fruit d’une organisation parfaitement menée, a nécessité quelques sacrifices.
Les habitants du district de Gaïtcha sont heureux. Et fiers de pouvoir vivre le mariage de leur futur grand chef Jean-Louis Puionoti Zeoula et de son épouse, Eulalie Hatre Taua. Un mariage d’amour, célébré selon les règles coutumières, devant près de 2 500 invités ou participants.
Au lendemain de l’acte coutumier, hier à la tribu de Dueulu, à Lifou, les grands chefs et dignitaires ont procédé au partage. Ce mariage de l’année est l’aboutissement d’une organisation lourde et longue de deux ans. Et surtout sans faille, au sein de laquelle chaque clan tient un rôle bien précis. « Un mariage comme celui-là, ça n’arrive qu’une fois tous les cinquante ans ! », s’enthousiasment des habitants du district, même s’il a nécessité quelques sacrifices. Surtout financiers.
Participation. Tous ont cotisé pour pouvoir y contribuer. « Certains clans proches de la grande chefferie ont décidé d’une somme qui varie en fonction de leur importance », explique Mackate Weneoua, membre du clan Mexanang, père de la chefferie. Le nôtre a apporté deux millions, en plus des ignames et des sacs de riz. »
« Chaque clan définit et organise la participation de ses sujets », complète Patrice Zongo, responsable du comité de coordination du mariage, créé spécialement pour l’événement. « Pour nous, c’est une fierté, un honneur, répètent encore les habitants du district. Mais tous n’ont pas le même ressenti...
Ce qui compte, c’est les valeurs, c’est de donner avec le cœur.
Exagéré. « C’est ça qui est malheureux, souligne Madeleine (*), habitante d’une chefferie voisine qui doit contribuer en ce moment à plusieurs mariages. On dirait que c’est un concours de qui va emmener la plus grosse somme, alors que certaines n’ont pas du tout les moyens. Ce qu’ils souhaitent, c’est se faire remarquer. Tant de millions, c’est exagéré : on dirait presque le mariage du prince Charles ! »
Après deux mois de coutume intense, la participation des différents clans s’est élevée à une quarantaine de millions. Une soixantaine avait déjà été dépensée pour les préparatifs, entre achat de vaisselle, de nourriture et construction d’infrastructures, spécialement pour la noce. Rien de comparable avec le mariage du grand chef Pierre Zeoula, père du marié, en 1965.
Les moyens n’étaient pas les mêmes à l’époque. Entre-temps, la modernité a mis à l’épreuve les champs d’ignames. « Il y a des besoins nouveaux et on travaille davantage à Nouméa ou à Goro et moins dans les champs, souligne encore Patrice Zongo. Le fait qu’il y ait moins d’ignames et plus d’argent ne change rien dans le fond. Ce qui compte, c’est les valeurs, c’est de donner avec le cœur. »
Hôtes. Vingt-cinq millions seront partagés entre la famille de la mariée, les époux, les oncles maternels, le Sénat coutumier, les neuf grandes chefferies invitées. Tous repartent également avec des ignames, des têtes de bétail, du tissu, des nattes ou encore des robes (pour les invités des parents de la mariée dans le cadre du Pua).
Une quinzaine d’autres millions sont utilisés ou le seront pour couvrir le reste des dépenses. Car certain hôtes resteront sur place jusqu’au 6 juin prochain.
Aujourd’hui, on n’attend pas moins de 3 000 invités à table, au déjeuner comme au dîner.
Catherine Léhé
(*) Prénom d’emprunt.
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Plus de trois tonnes d’ignames ont été collectées pendant les coutumes du mariage pour être servies à table ou être offertes aux hôtes.
Repère
La clé du partage
- 7 millions de francs pour la famille et les clans invités par les parents de la mariée (Pua).
- 5 millions iront aux parents des mariés (Weneleng).
- 5 millions pour les mariés (Hnatrenamone) qui ont choisi de réattribuer deux millions à leurs parents.
- 2 millions pour les oncles maternels du marié (Mathine).
- 2 millions pour les neuf grandes chefferies.
- 2 millions pour les gens de Gaïtcha qui ont travaillé au mariage (Punajo).
- 2 millions pour les sœurs et les cousines de la mariée (Ifaxa).
Chaque invité repart avec un tas d’ignames, du riz, du sucre, et du bétail. Les invités des parents de la mariée repartent également avec 200 robes.
Les mariés recevront sept paniers de tubercules destinés à être replantés.
- 400 assiettes dont une centaine en porcelaine seront utilisées pour le déjeuner et le dîner d’aujourd’hui.
- 400 kilos de viande et 5 cochons par repas.
- 500 kilos de légumes sont importés chaque jour de Nouméa.
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