Gulaan tire sa révérence
A 38 ans, l’un des plus grands artistes de Nouvelle-Calédonie a décidé de passer à autre chose après la sortie de son dernier album prévue pour novembre. Samedi soir, son trouble était palpable à l’heure de monter sur scène, selon lui, pour la dernière fois. Une décision soudaine qui semble le dépasser lui aussi…
Il est presque 1 heure du matin et Gulaan annonce qu’il va chanter un
dernier morceau. Comme d’habitude. Sauf que, cette fois, le public du
Dock est bien obligé d’y voir double. A 38 ans, la voix de Maré a décidé
de changer de voie et ce concert événement — car chaque concert de
Gulaan est un événement sur le Caillou — prend une dimension étrange.
Entre incrédulité et envie de ne rien rater des dernières notes du
chanteur-compositeur kanak.
A l’image de ses mots lâchés avant de
monter sur scène, lui ne semble pas au mieux. « Dépassé par cette
décision », il traverse son tour de chant comme un automate perdu
entre les morceaux. Entend-il les « allez Gulaan » et les « reste
avec nous » qui fusent de la salle ? Des marques de respect plus
que des suppliques. Voit-il les caméscopes accrocher sa silhouette
dessinée d’une guitare et d’une plume ? Gulaan n’est déjà plus là mais
il reste encore quelques minutes sur scène.
Gulaan n’est déjà plus là mais il reste encore quelques minutes sur scène.
Quand le speaker de la soirée lui demande bizarrement de parler de sa
décision au public, l’artiste reste le nez par terre. Il vient d’offrir
un concert à son public mais ne peut rien dire. Il ne peut qu’ignorer
la même voix annonçant que Gulaan est sélectionné par la société 3J
(organisatrice du concert) pour une future tournée en Europe ! « Il
reviendra, pense un spectateur, mais pas tout de suite : dans
deux, trois ans ou plus, quand il aura pris du recul. »
Il est
1h10 du matin et la salle de Païta se vide dans un silence religieux. Il
reste les images d’une soirée de plus de quatre heures où Brian
Juaehnawe, Felytrass, Eso Echal et Blue-Hau ont fait vibrer la musique
de Mélanésie. Et surtout l’écho de cette voix qui, dès qu’elle s’élève,
donne des frissons. Et des regrets ce soir-là.
Christophe Castieau
« Je suis heureux et triste »
Questions à… Gulaan.
- Les Nouvelles-Clédoniennes : C’est vraiment ton dernier concert ce soir ?
Gulaan : Oui, c’est mon dernier concert. Depuis que j’ai commencé ma carrière, Dieu m’avait confié un message à porter avec ma musique. Je lui demande aujourd’hui de m’orienter vers autre chose car cela commence un peu à peser.
- Pourquoi ?
C’est quelque chose qui est ancré en moi depuis longtemps et que j’ai du mal à exprimer. Je pense que l’inspiration va monter et qu’il y aura le pourquoi de cette décision dans mon prochain et dernier album qui sortira en novembre (il rentre en studio le 10 septembre NDLR). Après, plus de concerts, plus d’albums. C’est la fin de l’histoire.
- La musique peut-elle sortir comme ça de ta vie ?
Il y aura toujours la guitare à la maison mais j’ai envie de m’orienter vers autre chose, de changer de mode d’expression et, surtout, de laisser la place à mes enfants qui font de la musique avec moi. Je ne sais pas encore ce que je vais faire, peut-être cultiver l’igname à Maré, car cette décision me dépasse un peu pour l’instant. Je ne veux pas continuer pour l’argent.
- N’as-tu pas peur que ton public soit déçu ?
Je pense que les gens comprennent très bien le message, qu’ils savent qui je suis et que c’est une décision naturelle. Au fur et à mesure que le temps avance, le prophète change en tant qu’être et esprit. Le dernier album va refléter cela. Je remercie le public qui m’a suivi durant toutes ces années, j’espère qu’on se retrouvera sous d’autres cieux.
- Comment on se sent avant de monter une dernière fois sur scène ?
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 209 autres membres