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«La plupart des étudiants que l'on aide n'ont pas de papiers»

Le syndicat étudiant Unef tient une permanence juridique hebdomadaire pour aiguiller les étudiants qui se retrouvent en situation irrégulière.

 

Par MARIE PIQUEMAL, Libération.fr, le 18/01/2012

 

A l'heure dite, ce lundi, ils sont deux à attendre leur tour. Etudiants étrangers, ils viennent demander conseil à la permanence juridique proposée gratuitement par l'Unef, le syndicat étudiant majoritaire (de gauche).

Dans le rôle du conseiller, Habib Gniengue (photo DR), jeune homme élancé, en master de science politique et membre du bureau national de l'Unef.

Il reçoit au siège de l'organisation, dans un bureau exigu, où l'on accède par un escalier en colimaçon, entre deux étagères brinquebalantes et de vieux autocollants militants collés contre un mur. Ils sont une dizaine de jeunes à se présenter — parfois bien plus — dans des situations plus ou moins difficiles. Ici, le gros des troupes n'est pas ces diplômés étrangers dont on parle ces dernières semaines, sortis de grandes écoles avec l'assurance de trouver un emploi mais coupés dans leur élan par la fameuse circulaire Guéant du 31 mai. «La plupart des jeunes étrangers qui viennent nous voir n'ont pas de papiers du tout. Dans le meilleur des cas, ils ont un visa étudiant mais risquent à tout moment de le perdre.»

Pas le droit à l'échec

16h30, rentre Mohamed, bonnet noir et veste en cuir raccord, un peu stressé. En fac d'économie à Nanterre, il est arrivé en France en 2006 avec un visa étudiant. Son parcours est un peu chaotique, il a redoublé chacune de ses années. Inscrit depuis septembre en troisième année de licence, la préfecture lui a adressé une obligation de quitter le territoire français (OQTF), son visa étudiant n'étant plus valide. Habib attrape un post-it et déroule de façon quasi mécanique : «Voilà ce qu'on va faire : demain, tu vas aller au tribunal d'Evry pour déposer une demande d'aide juridictionnelle. Un avocat t'appellera ensuite pour organiser ta défense. Ensuite, tu vas aller voir tes profs à la fac pour leur demander des lettres de soutien. Ils comprendront, ils ont l'habitude.»

Droit dans les yeux, il ajoute : «Ça va être difficile, je ne te le cache pas. Ils durcissent les conditions pour tous les étrangers. Mais on va t'aider, il y a peut-être une chance. Au pire, si ça ne marche pas, même sans papiers, tu peux poursuivre tes études, OK 

Deuxième cas, une jeune femme, malienne. En France depuis 2009, elle débute un master de sociologie avant de décider de changer d'orientation : elle s'inscrit en première année d'AES (administration économique et sociale). La préfecture lui refuse le renouvellement de visa. «Ils s'en foutent de tes notes, de ton orientation, ce qu'ils veulent, les agents préfectoraux, c'est que les étudiants fassent leurs études le plus rapidement possible pour ensuite repartir. Là, tu rétrogrades de la quatrième à la première année, ça passe pas, tu comprends  détaille Habib. Il décolle un nouveau post-it. Même prescription : recours-tribunal-lettre de soutien.

«A court terme, tu n'as pas de solution»

L'Unef a même mis en place des formations express au Cedesa — le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile — pour permettre aux militants de répondre aux situations d'urgence. On peut très bien se retrouver sur les bancs de la fac sans papiers. «En principe, vous pouvez vous inscrire dans une fac ou une école, l'administration n'est pas tenue de demander le titre de séjour. On vous demande une pièce d'identité, c'est tout», indique l'Unef.

Selon le syndicat, ils seraient plusieurs milliers en France à étudier sans papiers, sans qu'il soit possible d'avancer un chiffre. En pratique, leurs conditions de vie restent très précaires. Pas de droit aux bourses, ni à un logement étudiant, pas de couverture maladie, impossibilité de trouver un petit boulot sinon au noir...

Daniella déboule avec sa doudoune rouge, les larmes aux yeux. Chilienne, elle est arrivée en France en octobre avec un visa touristique de trois mois. Depuis le 4 janvier, elle est en situation irrégulière. «Avant de partir de chez moi, j'ai fait les démarches pour obtenir un visa étudiant, mais c'était trop long, trop compliqué. Je me suis dit tant pis, je pars, une fois sur place ce sera plus facile.»

Depuis, elle vit dans un squat à Montreuil, près de Paris.  «C'est très dur, ce ne sont pas de bonnes conditions pour étudier mais qu'est-ce que je peux faire  En face, Habib, sourire compatissant : «A court terme, tu n'as pas de solution. La carte d'étudiant ne donne pas droit à un titre de séjour. La seule chose qu'on peut tenter d'ici quelques mois, si tu obtiens ton diplôme, c'est une procédure dérogatoire pour qu'ils examinent ton dossier. Mais c'est totalement arbitraire, il n'y a aucune garantie.»



18/01/2012
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