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"Les différences culturelles entre pays influent sur l'espérance de vie"

Le Monde.fr |23.04.2012 à 14h54 Par Rémi Barroux


 

La progression de l'espérance de vie masque des réalités bien différentes. L'écart entre les femmes et les hommes était, en 2009, sur l'ensemble de l'Europe, de 5,9 ans (82,6 ans pour les femmes, 76,7 ans pour les hommes). Mais la dernière étude, publiée jeudi 19 avril par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l'Institut national d'études démographiques (INED), apporte un éclairage particulier.

Cette étude, qui porte sur les 27 pays de l'Union européenne, s'intéresse à l'espérance de vie sans incapacité (EVSI), parfois appelée trompeusement "en bonne santé". Une notion définie par l'absence de maladie chronique et de limitation dans la vie courante (on peut être malade tout en continuant ses activités professionnelles et familiales). Et là, la différence entre femmes et hommes s'estompe. L'écart pour l'EVSI n'est plus alors que de 0,7 an (62 ans pour les femmes, 61,3 ans pour les hommes).

Jean-Marie Robine, directeur de recherche à l'Inserm, est l'auteur de cette étude. Il apporte un éclairage sur ces chiffres :

 

Votre étude fait apparaître d'importants écarts entre les pays européens pour ce qui est de l'espérance de vie sans incapacité. N'est-ce pas surprenant ?

Ces résultats nous ont beaucoup étonnés. Pour l'espérance de vie globale des femmes, on connaissait l'écart d'une dizaine d'années existant entre les deux extrêmes, la France et l'Espagne d'un côté (85,3 ans), la Bulgarie et la Lettonie de l'autre (respectivement 77,4 et 78,4 ans). Et, pour celle des hommes, la différence entre la Suède (79,6 ans) et l'Espagne (79 ans) et, au bas de l'échelle, les pays baltes, comme la Lituanie (68 ans) et la Lettonie (68,6 ans). Cette mesure, qui s'appuie sur la mortalité, est relativement simple.

Mais en étudiant l'espérance de vie sans incapacité, on ne s'attendait pas à voire l'écart doubler. Pour les femmes, on passe ainsi de 71 ans en Suède à 52,1 ans en Slovaquie, soit près de vingt ans d'écart. Ce différentiel est à peu près le même chez les hommes : 71,7 ans pour les Suédois contre 52,3 en Slovaquie. Ces écarts sont étonnants, d'autant qu'on vit tous dans la même "maison", l'Europe, et que l'on ne compare pas des pays européens avec des pays africains.

 

Comment expliquez-vous ces différences ?

On manque encore d'explications scientifiques, mais on émet des hypothèses que l'on essaye de vérifier. D'importantes études devraient être consacrées à ces questions, avec des partenariats entre pays, dans le cadre du programme de recherche et développement "L'Union de l'innovation", inscrit dans la stratégie "Europe 2020" qui fait suite aux objectifs de Lisbonne.

La notion d'incapacité dépend des réglementations dans chaque pays. On s'appuie donc sur une enquête annuelle, coordonnée par Eurostat [le bureau européen dses statistiques] à partir d'une question : "Dans quelle mesure avez-vous été limité depuis au moins six mois, à cause d'un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ?" On constate l'importance des différences culturelles entre pays. On connaissait l'influence du climat ou des régimes alimentaires sur l'espérance de vie. Là, on voit la différence entre les sociétés.

Celles du Sud gardent des structures familiales fortes, pour les enfants comme pour les aînés. Elles sont plus protectrices pour les plus fragiles et du coup, si les gens ont des incapacités, ils peuvent être pris en charge plus facilement. Ils sont "gardés en vie" plus longtemps. Dans les pays du Nord, au contraire, on pousse les enfants à s'autonomiser plus tôt. Les systèmes de santé consacrent des moyens importants pour favoriser la prévention, la bonne santé et l'autonomie des gens.

 

L'allongement de la durée du travail, générale en Europe, joue-t-il sur l'espérance de vie sans incapacité ?

Beaucoup d'éléments interviennent dans le calcul de l'espérance de vie sans incapacité. L'âge de départ à la retraite est l'un de ces éléments. Mais les interrelations entre les différents facteurs sont complexes. Une étude canadienne a montré que beaucoup d'éléments dépendaient du volontariat des personnes. Si vous désirez travailler plus longtemps, ou au contraire arrêter plus tôt, et qu'on vous laisse faire, vous resterez plus longtemps en bonne santé. Si, au contraire, on vous force à arrêter de travailler ou à rester dans l'emploi, alors vous risquez d'être en mauvaise santé.

 



24/04/2012
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