Les nouveaux lobbies citoyens
Associations de riverains, de locataires, de résidents, collectifs citoyens, comités de défense : leur nombre ne cesse de croître ces derniers mois à Nouméa. Toutes se battent pour une amélioration des conditions de vie dans leur quartier, au risque parfois de dépasser les limites de leurs compétences. Les autorités, et notamment la municipalité, leur accordent une grande importance.
Ludovic Lafon - Les Nouvelles Calédoniennes - 10 juin 2009
« Face à
la recrudescence des incivilités et des cambriolages, une centaine de personnes
ont décidé de relancer le Comité de défense du 6e Km, explique Nady
Dagostini la présidente. Ont été évoquées, lors des réunions, les nuisances
sonores, la vitesse excessive, la prolifération des immeubles, la propreté du
quartier. Le comité envisage également de mener, comme par le passé, des
actions à caractère social. »
Voilà un exemple d’un ancien comité qui sort de son sommeil pour répondre aux
besoins croissants des habitants du quartier. Des domaines d’action très
différents les uns des autres qui ne semblent pourtant pas du ressort des
citoyens, mais plutôt des pouvoirs publics. Et pourtant. Elles sont nombreuses
à se constituer ou à reprendre du service pour pointer du doigt certains
problèmes de la vie quotidienne et influencer les autorités dans leurs
décisions.
« Si l’on est seul pour dénoncer des problèmes récurrents dans les
quartiers, on n’est pas pris au sérieux, alors on se regroupe tout simplement
pour avoir du poids, mais aussi pour pouvoir agir, explique Nady
Dagostini. Nous pouvons compter les uns sur les autres et notamment en ce
qui concerne les cambriolages. Quand un résident est absent, par notre seule
présence nous montrons aux éventuels intrus que nous veillons ».
Ce comité a déjà obtenu gain de cause par le passé, notamment en faisant condamner une société du quartier jugée trop bruyante.
À Rvière-Salée, l’association des Jardins de la Fontaine fonctionne depuis
quatre ans et s’est fixé trois axes prioritaires. « Nous nous sommes
regroupés pour favoriser et maintenir les relations des locataires de ce
quartier SIC où vivent toutes les communautés, explique Christophe
Loueckhote, le président. Mais aussi pour améliorer nos conditions et notre
cadre de vie et pour trouver des solutions pour nos jeunes. »
« Nous attachons beaucoup d’importance à cette
forme de politique participative »
L’association de locataires a donc un poids plus important auprès du bailleur
social. Christophe Loueckhote est venu soutenir, mercredi, Marcel Nemia le
président de l’association Construire la Vallée ensemble, qui organisait une
mobilisation. Mais il trouve que l’on se focalise trop sur certains quartiers.
« Pour avoir vraiment du poids il faudrait passer un cap et se
regrouper avec toutes les associations qui ont les mêmes objectifs. Mais nous
ne voulons pas créer des milices de quartier. Je suis totalement contre.
Aujourd’hui bon nombre de nos problèmes à tous seront réglés si les parents se
réinvestissent dans l’éducation de leurs enfants », confie le
président des Jardins de la Fontaine.
D’autres associations se sont lancées dans d’autres combats. Ainsi
l’Association de la baie de Sainte-Marie continue sa bataille juridique engagée
en 2004 contre la création du Parc des cinq îles et de ses trois immeubles pour
210 logements. Ils ont pratiquement gagné puisque Christophe Van Peteghem, le
promoteur, a décidé de renoncer à ce projet.
Bien vivre à la Vallée-des-Colons, une association qui compte une quinzaine de
membres, est également en train de lutter pour préserver son cadre de vie.
Créée récemment, elle se bat pour éviter la construction d’immeubles trop haut
dans le quartier. L’Association de défense de l’environnement urbain de la
première Vallée-du-Tir est en train de mettre des bâtons dans les roues de la
Société Caillard et Kadour. Selon les conclusions du rapporteur public, le
permis de construire d’une troisième tour, baptisée Pacific Plaza, devrait être
annulé.
Francine Beney, 7e adjointe chargée de la vie des quartiers et de l’insertion,
trouve qu’effectivement le monde associatif est en plein essor : « Pour
nous, ces associations sont le reflet de ce qui se passe sur le terrain. Nous
avons de plus en plus de demandes de rendez-vous de leur part pour évoquer
leurs problèmes. Nous attachons beaucoup d’importance à cette forme de
politique participative et leurs responsables seront d’ailleurs nos
interlocuteurs privilégiés pour la mise en place des conseils de quartier. »
Questions à… Jean Lèques,
maire de Nouméa.
Les Nouvelles calédoniennes : Vous étiez présent pour la
mobilisation de mercredi à la Vallée-du-Tir à l’appel de l’association
Construire la Vallée ensemble pour dénoncer les dégradations et l’insécurité
qui y règne. C’est important pour vous le rôle de ces associations ?
Jean Lèques : Oui, car je crois que l’on pourra
arriver à modifier les conditions de vie dans les quartiers grâce au travail de
ces associations. Il faut de plus en plus que les habitants se prennent en
charge et ce malgré les efforts que nous fournissons pour leur améliorer leur
cadre de vie. Il est indispensable qu’après, une fois que les pouvoirs publics
ont fait un certain nombre d’efforts, les habitants évitent que l’on assiste à
des dégradations comme ça a été le cas à Saint-Vincent-de-Paul à de multiples
reprises et en cela les associations sont une veille pour nous dans les
quartiers.
Que comptez-vous faire pour continuer à lutter contre toutes ces
incivilités ?
Je rappelle que l’un des buts de la ville de Nouméa est de créer une maison de
la parentalité. Nous allons faire certaines choses à l’ancien cinéma Rex, au
cœur même de la cité, et il faut que les parents se remettent dans la vie de
leur famille et évitent que les enfants, dès le plus jeune âge, se livrent à
l’alcoolisme et à la consommation de drogue. Voilà où l’on aboutit, à un
ras-le-bol de tous et à des débordements.
Certains craignent que la municipalité n’accorde un peu trop de pouvoir
à certaines associations et redoutent la création de milices de quartier. Que
répondez-vous à cela ?
Je crois beaucoup à leur travail. J’ai été longtemps à la tête de l’association
Logicoop et je crois qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre notre travail,
celui des pouvoirs publics, et le leur. Il faut au contraire une très bonne
coordination entre nous pour lutter contre le fléau de la délinquance. Je suis
satisfait que de plus en plus de gens se prennent en charge et n’attendent pas
tout des autorités. Quant aux milices c’est un autre problème, je ne cautionne
pas, et il y a la justice pour trancher.
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