Ouvéa sur la Croisette ?
Le film de Mathieu Kassovitz sur le drame d’Ouvéa est pressenti pour faire partie de la sélection officielle du festival de Cannes, qui sera dévoilée ce soir. Pour les Kanak qui ont joué dans le long-métrage, l’impatience est à la hauteur de l’espoir.
Fini la polémique sur la pertinence du film et son lieu de tournage. L’Ordre et la morale est désormais en boîte, monté, prêt à être regardé. Prêt à sortir le 21 septembre sur les écrans de France et du monde. Mais prêt, aussi, à concourir lors de la 64e édition du festival de Cannes, qui se déroulera du 11 au 22 mai. Dans le milieu cinéphile français, tous les pronostics l’annoncent parmi les heureux élus tricolores. La production préfère garder le silence, en attendant l’annonce de la sélection officielle à la presse, ce soir à 20 heures pour nous.
Ne pas vendre la peau de l’ours, c’est aussi la position de Mathias Waneux, élu des Îles à l’origine du projet, qui voit simplement le film comme « un sérieux concurrent ». Selon Macki Wéa, qui incarne son frère Djubelly dans le long-métrage, « la production, que j’ai eue au téléphone la semaine dernière, estime qu’il y a 80 % de chances qu’il soit à Cannes. On attend avec impatience. Ce serait grandiose et impressionnant, confie l’homme de Gossanah, les yeux brillants. Voir des Kanak sur les grands écrans et sur les marches avec le tapis rouge, ce serait énorme. »
Première. Si Mathieu Kassovitz rêve de ce coup de projecteur pour relancer sa carrière, la motivation de la quarantaine de Kanak ayant participé au film est toute autre. Dans cet « espace mondialement connu », il s’agit de « reconnaître et de montrer l’histoire du pays, l’histoire de tout un peuple, pas seulement des Kanak. Tous les Calédoniens doivent s’accaparer ce film. Sinon ce n’est pas la peine de parler de destin commun », espère Macki Wéa.
Des Kanak sur les marches avec le tapis rouge, ce serait énorme.
Des Kanak sur les marches avec le tapis rouge, ce serait énorme.
Même si le film n’arrive pas sur la Croisette, l’objectif sera atteint. « Ce sera quand même une première pour nous, peuple kanak, d’être sur un film de cette ampleur. Avec un message pour l’humanité tout entière, pour dénoncer l’injustice et l’oppression et défendre la lutte d’un peuple pour sa liberté », poursuit Macki Wéa, qui répète que le film « n’est pas partisan » pour autant. Sur le Caillou, personne n’a encore pu le visionner. « Je sais simplement qu’il dure 2 heures 14, après un premier montage qui dépassait les 2 heures 30 », indique Macki Wéa, pas du tout inquiet du résultat final. « On a tellement confiance en Mathieu. Sur le tournage, il était très attentif aux scènes supplémentaires qu’on lui proposait et qu’on avait vécues. »
Les deux fils de Macki, Daniel et Lélé, qui incarnent une victime de la grotte et un porteur de thé, avaient respectivement 9 ans et 7 mois au moment du drame de Gossanah.
Tabou. « Ce film est une libération pour eux, comme pour moi. Depuis vingt-trois ans, c’est une histoire qu’on a cultivée en silence, dans nos tripes. Aujourd’hui, on est fiers de poser ce caillou sur le grand chemin. » Daniel espère que le film fera « connaître l’histoire d’Ouvéa aux gens de Métropole », mais aussi à tous les Calédoniens, le drame étant resté longtemps tabou.
En attendant la révélation de la liste cannoise, Daniel et Lélé partagent leur impatience sur Facebook avec le réalisateur et les acteurs rencontrés sur le tournage en Polynésie. Durant deux mois et demi, des liens forts ont été tissés. « Certains sont déjà venus nous rendre visite à la tribu », sourit Macki, comblé par l’aventure.
Sylvain Amiotte
Repères
Un déplacement en projet
La superstition interdit d’en parler. Mais en cas de sélection à Cannes, une délégation d’une dizaine de Kanak ayant joué dans le film ferait le déplacement en France, du 7 au 25 mai. Ils pourraient découvrir le film à Paris avant de descendre sur la Croisette. Pour tous les autres, il faudra attendre le 21 septembre pour le visionner, même si une avant-première doit être organisée sur le Caillou.
La ministre voulait visiter la grotte
Dans le cadre de la visite de la ministre de l’Outre-Mer, Marie-Luce Penchard, à Ouvéa cette semaine, son cabinet avait envisagé que la ministre puisse se rendre à la grotte de Gossanah. Ce souhait — une première — étant intervenu tardivement, la chefferie a refusé pour cette fois, mais une porte aurait été ouverte. Macki Wéa se réjouit de cette « tentative », qui « montre que le gouvernement français sent que c'est aussi son histoire ».
L’affiche
L’affiche fait apparaître Yabe Lapacas et Mathieu Kassovitz. Le premier, étudiant originaire de Lifou, interprète Alphonse Dianou, tandis que le réalisateur joue le rôle du capitaine Legorjus. Sylvie Testud, Philippe Torreton et Malik Zidi figurent dans le casting. Wenceslas Lavelloi, preneur d’otages dont la mort fut sujette à polémique, est incarné par son propre fils, Dave. Pierre Gope joue le rôle de Franck Wahuzue, l’un des chefs du FLNKS de l’époque.
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