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Plagiat : la copie pointée à l'université

LEMONDE.FR | 21.05.10 | 12h33

'université a décidé de s'attaquer sérieusement au plagiat. Devant l'ampleur des données disponibles sur Internet, les étudiants ont pris l'habitude de "copier-coller" d'une main de maître. Thèses, mémoires, rapports... nombre de documents sont concernés par ce pillage du droit d'auteur. "Il faut sensibiliser tous les citoyens au fait qu'Internet n'est pas un champ libre de droit", alerte Hélène Maurel-Indart, professeure de littérature à l'université de Tours et auteure de Plagiat, les coulisses de l'écriture. La mise en garde ne s'adresse pas qu'aux universitaires, mais à toute personne amenée à rédiger des documents. Y compris au ministre de l'éducation, Luc Chatel, comme l'avait relevé Rue 89.

Mais pour Hélène Maurel-Indart, si le plagiat prend de l'ampleur, ce n'est pas seulement à cause d'Internet. "Bien sûr, avec les ordinateurs, il y a la banalisation du geste copier-coller." Un clic suffit, plus besoin de recopier manuellement des pages d'ouvrage. "Mais il y a également l'augmentation du nombre d'entrées en master, avec des étudiants qui ne sont pas toujours capables de valoriser leurs informations." A en croire l'enseignante, cette pratique serait particulièrement répandue dans le monde de l'édition. Livres écrits de plus en plus rapidement pour être en lien avec l'actualité, signatures qui ne sont pas toujours celles des véritables auteurs... Une confusion des sources qui, d'après elle, contribue au plagiat.

DÉTECTEURS DE SIMILITUDES COMME SOLUTION ?

A l'Université Lyon 2, depuis 2000, toutes les thèses doivent être mises en ligne, ce qui avait fait craindre qu'elles ne soient davantage plagiées. Dès 2007, les universités de la ville se sont équipées du logiciel de Compilatio, devenant les fers de lance de cette chasse au plagiat. Ces plates-formes de détection de similitudes sont répandues dans les pays anglo-saxons. Elles consistent à identifier les associations de six mots consécutifs à partir d'Internet et d'une base de données interne. Depuis 2005, la société privée Compilatio.net"Généralement, les sources relevées sont les copies de travaux précédents, l'encyclopédie libre Wikipédia et les sites en ligne de ventes de documents","Ce site permet aux professeurs d'analyser systématiquement les textes et de ne pas le faire à la tête du client", ajoute-t-elle. L'ambition de cette société privée est d'équiper les universités et écoles françaises avant de s'adresser aux lycéens. Un rapport sur l'université numérique préconise la généralisation de ces logiciels antiplagiats dans les universités. Chargé du dossier, Henri Issac, maître de conférence spécialisé en système d'information et e-management à Paris-Dauphine, estime que  "la remise systématique des travaux sur une telle plate-forme devrait fortement inciter les étudiants à éviter le plagiat dans la rédaction de leurs travaux". La seule enquête réalisée sur ce thème date de 2007. "Elle a été réalisée par l'université de Lyon et la société Six degrés, qui diffusait Compilatio.net jusqu'en 2009, déplore Jean-Noël Darde, Archéologie du copier-coller. Ces enquêtes concluent toutes à l'impérieuse nécessité d'utiliser le logiciel antiplagiat." propose ce logiciel en France. précise Anne Hamel, responsable marketing de Compilatio.net. auteur du blog

UN LOGICIEL QUI NE FAIT PAS L'UNANIMITÉ

Maître de conférence en sciences de l'information et de la communication à Paris-VIII, c'est en corrigeant trois mémoires, en 2006, que Jean-Noël Darde, s'intéresse au plagiat. "Les trois documents contenaient des doutes certains sur l'origine du texte." En allant voir les trente autres mémoires de l'année en cours, il se rend compte qu'un tiers des travaux rendus sont sujets au plagiat. Pas question pour autant de laisser le problème au seul logiciel : "Si on délègue la lutte antiplagiat à un détecteur de similitudes, on ne responsabilise pas les enseignants et les étudiants. Tout le monde est capable de changer un mot de temps en temps dans un texte, même sans le comprendre." D'ailleurs, Compilatio.net met à disposition des étudiants un logiciel pompotron.com qui leur permet de vérifier leurs sources. En fait, c'est surtout un moyen pour eux de vérifier si leur texte va être ou non épinglé par Compilatio.net.

En 2007, Charles Coustille, étudiant à la fois à Sciences Po Bordeaux et en droit de la propriété intellectuelle, est choqué de devoir passer par le détecteur de similitudes Compilatio pour envoyer ses travaux. Aujourd'hui doctorant à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il a rédigé un mémoire "Du plagiat universitaire" en y insérant des paragraphes savamment plagiés. Il souhaite démontrer qu'avec des idées nouvelles le plagiat ne nuit pas forcément à la qualité du travail. "Le plagiat peut devenir un mode de création, à partir du moment où la reprise n'est pas banale mais réfléchie", explique-t-il. Lors de son travail, il passe un paragraphe dans le logiciel Compilatio qui ne détecte que 9 % de similitudes.

MIEUX SUIVRE LES ÉTUDIANTS

Pour Jean-Noël Darde, ce qui est nécessaire, c'est un suivi régulier de l'étudiant par son directeur de recherche : "Le niveau de son texte final correspondra à son niveau tout au long du travail." Il déplore la tolérance de ses pairs. En 2007, le Conseil national des université (CNU) avait suspendu la qualification d'une étudiante sans annuler sa thèse. Une décision confirmée par le Conseil d'Etat. "Mais dans ce cas, ni la thèse ni le diplôme qui lui était associé n'ont pourtant été annulés", déplore Jean-Noël Darde. L'étudiante n'a plus les bénéfices de sa thèse : son inscription sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences est retirée. En revanche, "le 25 mars dernier, le Conseil scientifique de l'Université de Paris 8 a voté l'annulation du diplôme lié à une thèse-plagiat. Une première depuis l'arrivée d'Internet".

Face au plagiat, les solutions envisagées diffèrent selon les pays et les traditions universitaires. Dans les pays anglo-saxons, l'accent est mis sur la dissuasion avec un rappel des sanctions. "Aux Etats Unis ou au Danemark, les universités peuvent faire signer des chartes contre le plagiat", note Charles Coustille. Une différence de régime liée à la nature du travail universitaire, comme l'explique Hélène Maurel-Indart. "La culture anglo-saxonne repose davantage sur le travail personnel, le pragmatisme et l'expérience. En France, nous avons une tradition d'assimilation des modèles. Elle est respectable, à condition de dépasser la production originale."

Caroline Venaille



21/05/2010
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