Séance émouvante à Nathalo
Les Nouvelles Calédoniennes. Publié le lundi 28 novembre 2011 à 03H00
En juillet dernier, Marius Kaloïe était enterré au cimetière de la tribu de Nathalo, quatre-vingts ans après son départ pour l’exposition coloniale. L’aboutissement d’une quête menée par sa fille.
Parti en France pour participer à l’exposition coloniale de 1931, Marius Kaloïe n’est jamais revenu de son vivant sur sa terre natale. La légende dit qu’il aurait sauté du bateau qui devait le ramener en Nouvelle-Calédonie, par amour. Toujours est-il qu’en 1937, il s’est marié à une Française, originaire de Bordeaux. Mais quelques mois après la naissance de Sylvette Wasapa, leur fille, Marius décède dans un accident de tramway. La fillette, élevée par ses grands-parents, devient à son tour mère, puis grand-mère. C’est alors que lui vient le besoin de retrouver son histoire et de renouer avec ses origines.
Le documentaire présenté en avant-première, mercredi dernier, devant 150 personnes à la maison commune de Nathalo, retrace cette quête. Dans le public, la plupart des gens avaient participé au retour de la dépouille de Marius Kaloïe sur sa terre, lors de la cérémonie d‘inhumation, en juillet dernier, au cimetière de la tribu. C’est avec beaucoup d’émotion que le film de Brigitte Whaap a été reçu.
Obstination. Pour Waimalo, elle-même grand-mère, le film apporte un éclairage supplémentaire sur la quête de son amie et presque soeur, Wasapa : « Je comprends encore mieux maintenant les raisons de son obstination à chercher la tombe de son père. Ce documentaire est vraiment très bien fait, parce qu’on voit tout le parcours, depuis la France jusqu’ici. Ça me touche d’autant plus que maintenant, elle fait partie de la famille. »
La soixantaine d’internes du collège de Nathalo a assisté à la projection. Curiosité, attention maximale, le documentaire a interpelé le jeune public, resté bouche bée. « Ce qui m’a choquée, c’est que pendant l’exposition coloniale, les Kanak n’étaient pas considérés comme des hommes, mais comme des sujets d’amusement pour les Français » confie Lara, 15 ans, avant d’ajouter : « Mais c’était choc car la fille de Marius s’est battue pour retrouver son père. » Autre génération, mais une même émotion, Johannès, père de famille, salue « un film très bien fait, très émouvant ».
Aboutissement. Pour Brigitte Whaap, la réalisatrice, cette avant-première était « un retour normal des choses car les gens de Nathalo ont participé au film. Ils font partie de cette histoire de Marius qui commence en 1931 et s’achève en 2011. Beaucoup l’appellent grand-père Marius, car le lien de famille est là. »
Joseph Cahie, chargé de mission auprès du directeur régional de Nouvelle-Calédonie 1ère, a organisé cette avant-première : « Il est essentiel de diffuser d’abord le film sur le lieu de tournage. C’est un signe de respect et d’humilité envers les autorités coutumières et la population, avant la diffusion sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. »
Le retour de Marius sera en effet diffusé ce jeudi, à 20 heures sur NC 1ère. Il est d’ores et déjà sélectionné pour la compétition officielle du FIFO (Festival international du film océanien) qui se déroulera à Tahiti du 6 au 12 février prochain. Et Brigitte Whaap, la réalisatrice, de conclure : « C’est un bel aboutissement. Maintenant, le film vivra sa vie. »
Diffusion : Jeudi 1er décembre à 20h sur NC 1ère (52 minutes).
La quête d’une vie
En 1931, a lieu à Paris l’Exposition coloniale censée magnifier l’Empire français. La fédération française des anciens coloniaux obtient alors du gouverneur local, Joseph Guyon, de recruter une centaine de Kanak pour une exhibition parisienne, parallèle à l’Exposition. Ainsi, 91 hommes et 14 femmes et enfants originaires de Canala, Ouvéa, Lifou et Maré, auxquels on a promis une visite agréable de la capitale en échange de démonstrations de la culture calédonienne, s’embarquent le 15 janvier 1931 pour la France. Ils seront finalement parqués au Jardin d’acclimatation comme attraction au milieu des crocodiles et exhibés comme des « cannibales authentiques ». Pourtant, au moment du retour, un homme décide de ne pas revenir sur sa terre natale : Marius Kaloïe. Par amour, par défi, par folie ? « Le retour de Marius », c’est la quête d’une vie, d’une promesse tenue. Sylvette Kaloïe, fille de Marius, devenue Wasapa (prénom de sa grand-mère en Lifou), se lance à la conquête de son histoire. Elle veut découvrir son passé et s’engage à ramener la dépouille de son père sur son île. Histoire poignante et émouvante, d’un temps, d’une génération, où les Kanak n’étaient pas encore citoyens français. Ce documentaire est un voyage dans la mémoire individuelle et collective.A découvrir aussi
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