Situation politique en Nouvelle - Calédonie: Ils ont répondu à vos questions
Vous avez été très nombreux à vouloir interroger les leaders du pays sur la situation actuelle grâce à l’opération que nous avons lancée la semaine dernière. Nous avons sélectionné les questions les plus souvent posées et sommes allés recueillir les réponses. Tous les hommes politiques ont joué le jeu... Sauf un. Voici leurs réponses à vos questions.
Questions à... Philippe Gomès
«La solution, c’est le retour aux urnes»
- Pourquoi cette cohabitation des deux drapeaux ne vous convientelle pas ?
L’accord de Nouméa ne nous incite pas à « cohabiter » comme vous le dites, les uns à côté des autres mais, au contraire, à écrire ensemble une histoire commune. C’est pourquoi la question des signes identitaires a été traitée par l’accord de manière précise. Ces signes doivent exprimer « l’identité kanak et le futur partagé entre tous ».Ensuite la loi organique prévoit que « les signes identitaires doivent marquer la personnalité de la Nouvelle-Calédonie aux côtés de l’emblème national et des signes de la République ».
Il n’est écrit nulle part que le drapeau du FLNKS a vocation à devenir le drapeau du pays. Pas plus qu’il n’est indiqué qu’il doit flotter aux côtés du drapeau national. Le temps n’est pas venu de réécrire l’accord de Nouméa, chacun à sa sauce, même si c’est celle des signataires. La force de l’accord de Nouméa vient du peuple qui l’a approuvé à 72 %. Certains l’ont oublié.
- Dans le dernier recensement, seuls 5 % des habitants de Nouvelle-Calédonie se déclarent « Calédoniens », les autres ayant choisi l’appartenance à une communauté particulière (Kanak, Wallisiens, Tahitiens, Vietnamiens, Métis…) : dès lors, comment comptez-vous nous convaincre qu’il sera encore possible de s’entendre sur un drapeau commun ?
La question ne se pose pas dans ces termes car le recensement ne spécifie pas que les Kanak ou les Wallisiens ne se sentent pas Calédoniens. Nous sommes tous des Calédoniens de souches différentes. Mais nous sommes Calédoniens.
Partout dans le monde, des communautés diverses et variées transcendent leurs différences et se fondent dans une identité commune, représentée par un drapeau commun. C’est pour cela que je ne peux accepter la division engendrée par les deux drapeaux, et cette idée de vivre côte à côte et non l’un avec l’autre. Comment l’Afrique du Sud, par exemple, a-t-elle réglé cette question ? En mariant sur un drapeau les couleurs et les symboles d’une légitimité, celle de l’ANC, le mouvement de libération dirigé par Nelson Mandela avec l’autre légitimité historique du pays, celle de la République des Boers, initiatrice de la politique de l’apartheid. Pourquoi ne serions-nous pas capables d’en faire autant.
- Si le gouvernement de la République refuse de dissoudre le Congrès, pendant combien de temps comptez-vous bloquer le fonctionnement du gouvernement ? Trois mois, 6 mois, 2 ans ?
Le temps nécessaire. Ce que je veux, c’est redonner la parole aux Calédoniens. Hier le drapeau nous était imposé, aujourd’hui une alliance RUMP/UC/Parti travailliste nous est imposée pour faire chuter le gouvernement, demain l’avenir du pays nous sera aussi imposé. Tout ce qui est essentiel pour notre pays se décide dans le dos des Calédoniens. Le peuple doit désormais s’exprimer démocratiquement.
- Dans l’interview parue dans « Les Nouvelles calédoniennes » du 15 février 2011, vous interprétez l’action de l’UC comme une tentative de putsch. N’est-ce pas trop exagéré de votre part, cette utilisation du terme « putsch » ?
Non c’est un putsch. C’est un putsch institutionnel parce que la procédure utilisée pour renverser le gouvernement n’est pas celle prévue par la loi. Ils auraient dû déposer une mention de censure au Congrès mais ça aurait obligé le RPCR à la voter et donc à se dévoiler.
C’est un putsch politique parce qu’on ne reproche au gouvernement, ni de ne pas appliquer l’accord de Nouméa ni de ne pas engager les réformes économiques et sociales dont les Calédoniens ont besoin. Le gouvernement est renversé parce que Charly Pidjot a fixé un ultimatum à quatre maires sur lesquels j’aurais dû faire pression pour qu’ils hissent le drapeau FLNKS ! C’est un putsch qui porte atteinte à l’esprit de consensus qui doit présider à la gestion des institutions de notre pays, notamment du gouvernement. A cet esprit, les dirigeants de l’Union calédonienne avec le soutien du RUMP et du Parti travailliste ont substitué un esprit d’ultimatum et de règlements de comptes. Le résultat c’est l’instabilité institutionnelle. La solution politique c’est le retour aux urnes.
Questions à... Pierre Frogier
«Notre avenir est dans la France»
- Vous et votre parti avez fait campagne avec notamment un argument choc : un referendum en 2014 pour purger la question de l’indépendance. Où en est-on de cette promesse électorale ?
Notre objectif et nos convictions n’ont pas changé. Nous voulons que la Calédonie reste dans la France. Quand nous disons qu’il faut « purger » l’indépendance, cela signifie qu’il faut en finir avec cette épée de Damoclès qui fait que, tous les matins, on se demande si la Calédonie va être ou non indépendante. Il faut faire en sorte que la question soit tranchée une bonne fois pour toutes, en 2014 et qu’elle soit tranchée de façon durable. L’incertitude est une entrave à la confiance économique et à notre développement. On ne peut pas repartir pour une nouvelle solution transitoire de 10, 15 ou 20 ans avec notre avenir en suspens. Nous devons trouver, avec nos partenaires indépendantistes, une solution acceptée par le plus grand nombre, pour construire une Nouvelle-Calédonie largement autonome, avec sa personnalité, au sein de la République Française. Le chemin est long, accidenté, aussi, je comprends l’inquiétude et les réserves.
- Quelle sera la position du Rump sur la proposition de loi du pays pour le drapeau du FLNKS comme drapeau du pays ?
Pour l’instant, l’UC n’a pas déposé sa proposition. Je considère que, si elle le fait, c’est en réaction à l’attitude de ceux qui ont dévoyé la question et se sont lancés dans une polémique électoraliste. Quand j’ai lancé cette démarche des deux drapeaux, je n’étais pas à la recherche d’un signe identitaire. Si une proposition de loi est déposée, ce sera l’occasion pour chacun de s’exprimer sur le sujet. Il faudra organiser un grand débat populaire sur la question. Je souhaite que ce débat soit pris en charge par le comité de pilotage des signes identitaires Cela permettra à chacun de s’expliquer. Ce sera aussi l’occasion, je l’espère, d’apaiser les esprits. Je rappelle que le drapeau français est notre drapeau et qu’aucun autre ne pourra s’y substituer.
- Lors de la dernière campagne électorale des provinciales, pourquoi ne pas avoir expliqué sincèrement à votre électorat que vous souhaitiez que le drapeau indépendantiste flotte sur toutes les institutions du pays. Est-ce que cette idée vous est venue de façon soudaine sans réfléchir aux conséquences, en vous levant un bon matin ?
Bien sûr que non ! Quand j’ai fait cette proposition, il y a un an, j’ai précisé que cette réflexion m’occupait depuis des années et que c’était, pour moi, l’aboutissement d’un long cheminement. Ma démarche est un geste fort de reconnaissance mutuelle des deux légitimités qui existent en Nouvelle- Calédonie. Pour construire un destin commun, il faut bien que nous nous parlions ! Mon objectif est de renouveler les liens de confiance entre les signataires historiques pour ouvrir les discussions sur l’avenir et rechercher, ensemble, une solution. Cette solution sera inédite, originale mais elle ne pourra se construire qu’au sein de la République.
- Le président de la province Sud demande à l’Etat des aides supplémentaires pour les squats. Est-ce là une démarche normale pour des responsables calédoniens qui veulent plus d’autonomie, alors que le Nord et les Îles se désintéressent du problème ?
D’abord je vous rappelle que le président de la province Sud, que je suis, veut que la Calédonie reste dans la France, en confiance. Mais pour revenir à la question, l’attitude des provinces Nord et Îles ne me semble pas normale. Je déplore cette absence de solidarité et je regrette cette crispation sur la clef de répartition. Nier l’évidence ne contribue pas à trouver des solutions. Je crois, en tout cas j’espère, que ce blocage est dû aux tensions du moment.
- Quelle est la nature de l’emploi de Charles Pidjot à la province Sud ?
C’est très simple et il n’y a vraiment pas matière à polémique ! Il s’agit d’un poste de collaborateur d’un groupe politique, en l’occurrence du groupe FLNKS qui compte quatre élus à l’assemblée de la province Sud. Ce poste a été créé, en 2004, par mon prédécesseur, Philippe Gomès, alors qu’à l’époque, les indépendantistes n’avaient aucun élu. Pendant cinq ans, ce poste a été occupé par Richard Kaloï, sans que personne n’y trouve à redire. Je précise que ce sont les groupes politiques, eux-mêmes, qui désignent les titulaires de leurs postes de collaborateurs.
Question à... Harold Martin
«Les loyalistes doivent se regrouper»
- Le pacte républicain va-t-il être réactivé à l’approche de 2014, ou les trois partis loyalistes vont-ils continuer à se chamailler ?
Avant les élections provinciales de 2009, quand j’ai vu que ceux qui veulent rester dans la France commençaient à se diviser, j’ai réclamé que nous puissions nous entendre sur des bases. Pour deux raisons majeures. Primo, assurer la stabilité des institutions. Enfin, faire entendre un même langage dans le cadre des discussions à venir sur la sortie de l’accord de Nouméa. Car dans le cas contraire, nous pourrions être affaiblis lors de ces échanges. Et il n’en est pas question. Je continue donc à réclamer que ceux qui veulent rester dans la France se regroupent et tiennent le même langage. Nous pouvons être sur la même ligne politique, et tout cela peut s’organiser. Ce qui fut le cas en 2009 avec l’« Entente républicaine » : Pierre Frogier à la province Sud, Philippe Gomès au gouvernement, et moi-même au Congrès. Ce schéma nous a permis d’avancer. Je regrette qu’aujourd’hui, nous n’en soyons plus là. Je le regrette. Quand l’Union calédonienne fait tomber le gouvernement, le président Gomès s’en prend à l’UC — ce que l’on peut comprendre — mais aussi ensuite à Pierre Frogier. Il fait alors voler en éclat l’« Entente républicaine ». Je le déplore.
Questions à... Paul Néaoutyine
« C’est un débat stérile »
- Etes-vous prêt à renoncer au drapeau kanak au profit d’un drapeau commun que vous présenteriez à la population conjointement avec Philippe Gomès ?
Je n’ai aucune raison de renoncer au drapeau de Kanaky au profit de quelque chose qui n’existe pas encore puisque c’est un résultat à aller chercher. Pour y parvenir, il faut appliquer ce que le dernier Comité des signataires de juin 2010 a recommandé, c’est-à-dire faire des propositions, se mettre autour de la table et discuter jusqu’à parvenir au choix équilibré d’un drapeau qui exprime le mieux l’identité kanak et le futur partagé entre tous. Le drapeau de Kanaky est une proposition comme signe identitaire que le FLNKS a choisi pour faire accéder le pays à l’indépendance. Y en a-t-il d’autres ? Lesquelles ? Faisons-les connaître et engageons le travail au lieu de se perdre dans ce débat stérile drapeau commun contre drapeau de Kanaky.
- Confirmez-vous être dans une première étape pour l’indépendance, dans une deuxième pour l’indépendance kanak et dans une dernière pour l’indépendance kanak socialiste ?
Je confirme être indépendantiste et pour que le pays devienne indépendant de la France et établisse des relations en tant que pays indépendant avec les pays de la région. J’ai défendu cette position dans la négociation de l’accord de Nouméa et suis pour respecter et appliquer le processus de décolonisation et d’autodétermination qui y est prévu et donc de rechercher, sur la base de la citoyenneté, un consensus pour l’accession à l’indépendance dans un destin commun. Je me suis expliqué sur la référence kanak et le projet politique socialiste de la lutte de libération nationale que je porte avec le Palika et au sein du FLNKS dans « L’indépendance au présent ».
Charles Pidjot muet
Pour des raisons que nous n’avons pas réussi à cerner, mais qui ne sont hélas pas nouvelles, Charles Pidjot, président de l’Union Calédonienne, a refusé de répondre aux questions que nos lecteurs lui ont adressé. Il est le seul des cinq leaders politiques sollicité, à avoir adopté une telle attitude. Rappelons que Charles Pidjot est l’initiateur de la démission du gouvernement Gomès.
Voici, pour mémoire, les trois questions auxquelles nos lecteurs souhaitaient le voir répondre :
- L’UC annonce le dépôt imminent d’une loi du pays pour le drapeau du FLNKS comme drapeau du pays. Qu’en est-il du nom Kanaky ?
- Paul Néaoutyine a avoué être resté marxiste, c’est-à-dire a priori contre l’économie de marché et contre l’autorité de la coutume. Est-ce votre cas, sachant que l’UC est membre du FLNKS (« K » comme « kanak » et « S » comme « socialiste ») ?
- Quelle est la nature de votre emploi à la province Sud présidée par Pierre Frogier ?
Scénarios. Comment vont se dérouler les opérations ?
Quatre listes pour onze sièges
Ce sont les 54 membres du Congrès qui élisent les onze membres du gouvernement au scrutin proportionnel. Quatre listes ont été présentées.
Cet après-midi à 15 heures, les 54 élus du Congrès sont appelés à élire un nouveau gouvernement qui comptera onzemembres comme d’habitude. Quatre listes sont en concurrence. Une présentée par le Rump et l’Avenir ensemble-LMD avec Harold Martin en tête. Une présentée par l’entente FLNKS élargie au Parti travailliste avec Gilbert Tyuienon. Une troisième portée par Calédonie ensemble avec Philippe Gomès en tête, et une quatrième du groupe UNI emmenée par Dewé Gorodey.
L’addition Rump-Avenir ensemble représente 19 voix. Celle du groupe FLNKS et du Parti travailliste, 16 voix, et 17 si l’on y ajoute celle de Nidoish Naisseline (LKS). Le groupe Calédonie ensemble compte dix voix auxquelles viendront s’ajouter à coup sûr celle de Nathalie Brizard, et très probablement celle de Jean-Luc Régent (RPC). Enfin le groupe Uni (Palika) compte six voix.
Avec de telles forces en présence, pratiquement tous les scénarios de vote aboutissent à attribuer quatre sièges à l’UMP-AE, quatre également à l’entente FLNKS, deux à Calédonie ensemble et un à l’UNI.Même si Jean- Luc Régent s’abstient de voter pour Calédonie ensemble, et même si Nidoish Naisseline s’abstient de voter pour l’entente FLNKS.
Suspension ou convocation
Une hypothèse cependant pourrait aboutir à une répartition 4-3-3-1. Celle où un membre du groupe UMP Avenir ensemble irait voter pour Calédonie ensemble. En pareil cas, le parti de Philippe Gomès obtiendrait un troisième siège au détriment de l’entente FLNKS. Mais le plus important sera l’issue du scrutin. Que se passera-t-il lorsque les candidats Calédonie ensemble démissionneront sitôt élus. Le hautcommissaire aura le choix entre la suspension du processus électoral, et la convocation des membres élus pour l’élection d’un président et d’un viceprésident.
Il n’est pas tenu de procéder à cette convocation séance tenante,même si c’est ce qui s’est toujours produit lors des précédents scrutins. Sa seule obligation (s’il estime la procédure régulière) est de faire en sorte que la réunion d’élection du président se déroule au plus tard cinq jours après celle du gouvernement.
Cette petite marge de manoeuvre pourrait peut-être lui permettre d’attendre l’avis du groupe d’experts auprès du gouvernement parisien, sollicité par Marie-Luce Penchard.
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