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Tunisie: «les réseaux sociaux ont été une pièce maîtresse de cette révolution»

Par ELODIE AUFFRAY, Libération

 

«Des tirs de feu à l'avenue Habib Bourguiba #sidibouzid» (@benmhennilina). «#7ouma LAC deux hélicoptères tournent en balayant le secteur. Ils semblent rechercher des individus à pied. Ouvrez tous l'œil» (@_lamias). «Il ne faut pas poster des photos de l'armée et de leur emplacement!!!! Ça aidera les braqueurs à s'organiser». «Tunisie Télécom annonce la gratuité des numéros d'urgence fixe ou mobile» (@karim2k).

Ce week-end, alors que les Tunisois s'organisaient en comités de quartier pour se protéger des miliciens de Ben Ali, des utilisateurs de Twitter et Facebook relayaient les informations, souvent pratiques, parfois vitales, contribuant à décrypter le chaos qui a suivi la chute du dictateur.

 

Source: Twitter

 

Depuis le début, les réseaux sociaux ont pris leur part à la révolution tunisienne, l'ont accompagnée. Voire précipitée, analyse Astrubal, co-administrateur de Nawaat, site en pointe pour la diffusion de témoignages (écrits, photos, vidéos, etc.) sur nombre de canaux de diffusion, de YouTube à Facebook. «Serions-nous arrivés à ce résultat sans les réseaux? Peut-être, mais dans cinq ou dix ans. Ils ont été une pièce maîtresse de cette révolution», défend cet ancien avocat de Tunis devenu universitaire français et activiste de la toile tunisienne.

«Tout le monde a participé à cette révolution avec ses moyens»

 

 

Les Facebookers tunisiens ont massivement adopté les mêmes photos de profil, d'abord celle de gauche, puis celle de droite à partir de vendredi.


Plus que Twitter, c'est sur Facebook que s'est faite la cyberrévolution. Le réseau de Mark Zuckerberg est utilisé par 1,5 à 2 millions de Tunisiens –un habitant sur cinq. «Twitter sert exclusivement pour diffuser des informations en temps réel, des chiffres, alors que Facebook permet surtout de partager des photos et des vidéos», décrypte @karim2k, alias Abdelkarim Benabdallah, prolixe sur Twitter. Et si le régime a bien tenté une censure par piratage et fermeture de comptes, Facebook restait difficile à museler complètement.

Pas de débat à la «qui de l'œuf ou de la poule», toutefois. «C'est grâce aux gens qui sont descendus dans la rue, dans tout le pays, qui ont pris des vidéos, les ont postées sur leur compte Facebook, que nous avons pu relayer l'information. Ce sont eux les véritables soldats sur le front», souligne karim2k, informaticien de métier, âgé de 34 ans. «Tout le monde a participé à cette révolution avec ses moyens».

Tous ces témoignages se sont propagés, notamment après le massacre de manifestants à Kasserine, le week-end du 8 janvier. La cyberdissidence, présente de longue date sur le Net, a mis à profit le savoir-faire engrangé depuis des années.

«Ce sont les citoyens qui sont devenus journalistes»

La Toile n'a été qu'un outil, tous le reconnaissent. Un vecteur indispensable pour «donner le moral» aux révolutionnaires du terrain et «dire qu'on savait ce qui se passait», dit karim2k. Pour «montrer aux gens qu'ils n'étaient pas seuls», ajoute Astrubal, et pour «alerter l'opinion publique occidentale» – les réseaux sociaux sont d'ailleurs «trilingues, anglais-français-arabes», souligne-t-il. Un outil, enfin, pour pallier le manque de relais par les médias internationaux et trouer le silence des médias locaux.

«Comme les journalistes étaient empêchés de faire leur travail, ce sont les citoyens qui sont devenus journalistes et qui ont couvert l'événement», analyse Selim Ben Hassen, président du mouvement citoyen Byrsa. «Il y avait un besoin très fort d'informations. Les gens les ont consommées, et les ont aussi partagées», soutient Astrubal.

 

Un rôle que ces cybermilitants ont pris à cœur, adoptant des règles de déontologie. Ainsi Nawaat reçoit une dizaine de vidéos par jour et ne publie que celles qu'il authentifie. Le site sert, dit Astrubal, «à donner un peu plus de sérieux aux informations qui tournent et aux rumeurs». Sur Twitter, karim2k, qui fait partie de ceux qui font autorité, explique comment les infos qu'il diffuse reposent «sur des témoignages de gens sur place que je connais».

A defaut d'être sûre, l'information est lancée sur le fil, agrémentée d'un «à confirmer». De quoi mettre à mal les critiques de ceux qui voient dans Twitter une machine à rumeurs. «On est en train de combattre la désinformation, affirme même karim2k, qui twitte, passe des coups de fil, confirme ses infos sans discontinuer depuis deux semaines. On contre les intox en les signalant, en en donnant des plus crédibles, datées, chiffrées, etc.». Il estime qu'«au moins 70% des informations» données en temps réel par la communauté de blogueurs qu'il fréquente à Tunis sont véridiques.

Faut-il y voir une consécration du rôle des cyberdissidents? Ce lundi, Slim Amamou (@slim404), l'un des blogueurs arrêtés le 6 janvier, suspectés d'avoir participé à l'opération de hacking menée par Anonymous, a été nommé aujourd'hui... secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports.

«Nawaat félicite Slim Amamou. On l'a à l'oeil, particulièrement à l'oeil», réagit avec humour le Twitter du site. «Je suis pas secrétaire d'Etat pour que vous fermiez votre gueule, je suis là pour en prendre plein la gueule avec le gouvt», twittait lundi soir Slim Amamou, qui promet: «Je vais essayer de former les autres membres du gouvernement à Twitter».



18/01/2011
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