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Un budget de rigueur présenté au Congrès


Quelle politique budgétaire choisir pour sortir les finances publiques calédoniennes du rouge ? Les élus du Congrès ont planché sur différents scénarios proposés par le gouvernement.

Il y aurait trois manières de sortir les finances publiques calédoniennes de la crise qu’elles traversent : la rigueur un peu, la rigueur beaucoup ou la rigueur à la folie. Voilà, résumé très schématiquement, autour de quoi ont tourné les discussions hier matin, au Congrès, lors du débat d’orientation budgétaire pour la période 2011-2013.
Cet exercice est une première dans la vie politique calédonienne. Enfin, les élus du Congrès peuvent discuter des orientations budgétaires à venir. Surtout, ils peuvent se faire entendre avant la séance de vote du budget de l’année à venir, où ils n’ont plus guère le choix que de dire oui ou non.
Le contexte général ? Il est archiconnu. Après des années d’euphorie financière due à une fiscalité du nickel hors norme, la Calédonie s’est retrouvée fort dépourvue quand la crise fut venue. L’impôt nickel (IS 35) a rapporté 8,2 milliards en 2004, 23,5 milliards en 2007 et zéro en 2010. C’est la loi du genre. Le même phénomène s’était produit entre 1969 et 1973 et, comme l’a rappelé Pierre Bretegnier, à l’époque déjà, la classe politique s’était lancée dans une politique de dépenses. Il avait fallu ensuite l’intervention massive de l’État pour rétablir les équilibres. Ce ne sera pas le cas cette fois, puisque la Métropole traverse une crise économique encore plus grave.

La Calédonie doit apprendre à vivre sans la fiscalité du nickel.

Il faut donc se débrouiller soi-même, sachant que les cours du nickel sont repartis à la hausse et qu’ils devraient atteindre des niveaux intéressants en 2012-2013 (sans atteindre toutefois les valeurs record de 2007).
Le premier enseignement qui en découle, et qu’ont martelé plusieurs élus, de Didier Leroux à Rock Wamytan en passant par Pierre Bretegnier, c’est que la Calédonie doit apprendre à vivre sans la fiscalité du nickel. Quand la manne tombe, on en met une partie de côté pour les générations futures, une autre pour les périodes de vaches maigres et une troisième pour des investissements structurants. De manière à ce que, quand la manne ne tombe pas, les collectivités ne se retrouvent pas piégées par des dépenses durables (embauches, services) engagées sur la base de recettes irrégulières. Si cette politique avait été menée pendant les années fastes, les finances publiques auraient un trésor de guerre de 42 milliards.
Le deuxième enseignement, c’est que la Calédonie ne s’en sort malgré tout pas trop mal. Elle n’est jamais entrée en récession. Elle est faiblement endettée et le niveau de prélèvements publics reste raisonnable (29 % du PIB contre 44 % en Métropole). Elle pourrait retrouver un niveau de croissance proche de 3 % en 2013.
L’économie va donc plutôt bien et, surtout, mieux qu’ailleurs. Ce sont les finances publiques qui se portent mal. D’où la volonté affichée de serrer les boulons de ce côté-là.

Philippe Frédière

 

Les trois options

Pour sortir de la tourmente, Bernard Deladrière, chargé du budget au gouvernement, propose trois options.

  • L’option douce

Ce scénario suppose une augmentation moyenne de 6,2 % des recettes fiscales sur les trois ans à venir. Auquel cas on peut maintenir un niveau élevé de dépenses d’intervention et de commande publique. L’évolution des dépenses de fonctionnement est limitée à 2 % et celle des frais de personnel à 4 %, au lieu de 8 % les années précédentes (ce qui laisse une légère capacité d’embauche, notamment dans la perspective des transferts). Dans ce scénario, la capacité d’autofinancement de la Calédonie reviendrait à un niveau de 6 % en 2013 (l’idéal, c’est 15 %).

  • L’option médiane

Elle se base sur le même niveau d’évolution des recettes. L’évolution des dépenses d’interventions est limitée à 2 % et celle des dépenses de personnel passe de 4 à 2 %, ce qui signifie un gel des embauches. Dans ce cas, la capacité d’autofinancement monte à 9 % en 2013. Ce qui réduit les nécessités de recours à l’emprunt.

  • L’option dure

Pas d’évolution des dépenses d’intervention, celle des dépenses de personnel limitée à 2 %. Réduction des dépenses exceptionnelles d’aide aux autres collectivités. La Calédonie retrouverait alors une capacité d’autofinancement de 15 % en 2013.

 

 

La clé de répartition va-t-elle bouger ?

C’est l’autre élément fort de la séance du Congrès d’hier. Au nom de Calédonie ensemble, Philippe Michel a fait une proposition visant à modifier la clé de répartition des dotations financières entre les trois provinces. Et, pour la première fois, la mouvance indépendantiste, ou tout au moins une partie d’entre elle, a paru disposée à débattre.
Rappel : la clé de répartition des dotations financières aux trois provinces a été établie il y a vingt-deux ans. 50 % pour le Sud qui comprenait alors 68 % de la population; 32 % pour le Nord qui avait 21,1 % des habitants; et 18 % pour les îles qui comptaient 10,9 % des Calédoniens. Cette discrimination était délibérée, pour faciliter le rééquilibrage. Aujourd’hui, la province Sud compte 74,5 % de la population et les 50 % qui lui sont alloués ne suffisent plus. Philippe Michel propose donc de reprendre grosso modo les bases de calcul utilisées en 1989, et de les appliquer aux nouvelles données démographiques. Mais de façon progressive, sur quatre ans.
Les provinces Nord et Iles seraient toujours avantagées par tête d’habitant, mais celle du Sud retrouverait un peu d’oxygène. Sa dotation passerait en quatre ans de 50 à 56,5 %. Les élus Palika du Nord ont fait savoir qu’ils s’opposeraient à une telle modification qui suppose un vote à la majorité des trois cinquièmes du Congrès. Mais les élus indépendantistes du groupe FLNKS (dont plusieurs sont du Sud), ainsi que le loyaltien Jacques Lalié, ont entrouvert la porte à une éventuelle négociation.

 

 

Réactions

Didier Leroux, ex-Avenir ensemble
« On s’est mis dans le pétrin »

« On sait depuis un siècle que le nickel est une activité cyclique. Malgré tout, on s’est laissé piéger une fois de plus alors que ce qui se produit était prévisible. Quand une manne importante vous tombe du ciel, comment résister à la tentation de se rendre populaire en prenant des mesures généreuses. Mais on a financé des dépenses structurelles avec des dépenses conjoncturelles et l’on s’est mis dans le pétrin (...). Nous devons apprendre à équilibrer les comptes publics en nous passant des recettes du nickel. Il faut le faire en créant une TVA qui n’est pas un impôt antiéconomique. »

Rock Wamytan, groupe FLNKS
« Il faut se tourner vers la fiscalité »

« L’économie de la Nouvelle-Calédonie se porte bien. Et pas seulement grâce aux transferts de la Métropole. Si les salaires de la fonction publique n’étaient plus indexés et si nos prélèvements fiscaux étaient équivalents à ceux de la Métropole ou des pays d’Europe du nord, les besoins de transferts depuis la métropole seraient éliminés. Par ailleurs, notre endettement est très faible. Nous disposons donc de nombreux leviers pour financer notre émancipation et les transferts que la France ne compensera pas éternellement. Le groupe FLNKS propose la mise en place d’une TVA sociale en même temps que la TVA. »

Pierre Bretegnier, Rassemblement
« Mettre de côté les recettes du nickel »

« J’espère que ce débat nous permettra de ne pas répéter les erreurs du passé. À chaque fois qu’il y a un boom du nickel, les élus calédoniens dépensent tout. Ensuite il faut créer des impôts nouveaux pour faire face aux engagements pris, on crée de l’inflation et on accentue la crise au lieu de l’amortir. C’est à croire que les pouvoirs publics sont atteints de la maladie d’Alzheimer. Lorsque les trois usines seront en service, les contrastes entre les booms et les récessions des cycles du nickel seront encore plus extrêmes. Il faut donc nous obliger, par une loi, à mettre de côté les recettes du nickel, à les placer, les sécuriser dans un fonds pour les générations futures. »

Pascal Vittori, Avenir ensemble
« Créons un conseil d’analyse économique »

« Ce qui est primordial pour la santé de notre économie, c’est la confiance des différents acteurs, la capacité des ménages à consommer et la volonté des entrepreneurs d’investir. Ce débat d’orientation budgétaire est un nouveau pas vers plus de démocratie. Mais comment prendre une décision, comment arbitrer entre les trois scénarios proposés, si nous n’en connaissons pas toutes les conséquences. C’est pourquoi nous proposons la création d’un conseil d’analyse économique qui aurait pour mission d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement. »


26/09/2010
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