Une nouvelle polémique sur l'enseignement de l'Histoire en classe de 5e
Article paru sur Lemonde.fr en date du 12 septembre 2010
Une nouvelle polémique sur l'enseignement de l'Histoire en classe de 5e
La énième polémique au sujet de l’enseignement de
l’histoire en France et notamment des nouveaux programmes d’histoire de la
classe de 5e enfle en France.
Elle a été relayée par de nombreux éditoriaux de journaux nationaux français et
hier soir sur Tempo par l’émission « C dans l’air ». Vu d’ici cela
pourrait paraître anecdotique et lointain et pourtant cela nous concerne à plus
d’un titre.
Tout d’abord parce que les programmes sont nationaux et qu’ils sont appliqués
dans les collèges martiniquais.
Ensuite parce qu’il s’agit de l’introduction d’éléments de l’histoire africaine
et que cela est assez important pour que cela soit souligné par nous.
Enfin, parce que cette polémique révèle encore une fois comment certains Français
ont encore beaucoup de mal à intégrer la réalité d’une France multiculturelle
que le vivre ensemble condamne à prendre à compte.
De quoi s’agit-il exactement ?
Les nouveaux programmes d’Histoire-Géographie de la classe de 5e introduisent
une partie III appelée « Regards sur l’Afrique ». Elle invite à
enseigner l’étude au choix d’une civilisation de l’Afrique subsaharienne (le
Ghana, l’empire du Mali, l’empire Songhaï, l’État du Monomotapa) et une
première étude des traites négrières avant le XVIe siècle.
Cette partie est contestée par un groupe (constitué en juillet) intitulé
« Notre Histoire forge notre Avenir » qui recueille aujourd’hui 6157
membres sur le site Facebook (au 8 septembre) et dont le slogan est
« Louis XIV, Napoléon, c’est notre Histoire, pas Songhaï ou Monomotapa ».
Leur objectif affiché est de promouvoir et de défendre l’Histoire de France et
son enseignement dans l’Instruction Publique. Pour ce faire, ils font circuler
une e-pétition et demandent au Ministre de l’Éducation Nationale de revenir sur
cette refonte du programme d’Histoire en collège.
Selon eux, il s’agit « d’assurer un socle élémentaire pour tous les
collégiens de France et de permettre à chacun d’eux d’avoir les bases pour
comprendre et vivre la France que nos ancêtres nous ont transmise ».
En fait, c’est à chaque fois la même chose.
Les concepteurs des programmes d’enseignement (universitaires, inspecteurs et
professeurs) par cette nouveauté tentent de corriger les clichés (on se
souvient du discours du Président de la République à Dakar) qui circulent sur
l’absence d’histoire africaine avant l’arrivée des colonisateurs, sur le vide
civilisationnel de l’Afrique.
Les mêmes réactions nauséabondes de la part de groupes réactionnaires fond à
nouveau surface, la bête immonde du racisme sort du trou, à peine tapie.
À les entendre, seule l’histoire de France (et non de la France !) est
digne d’être enseignée, seule l’histoire de l’hexagone existe en France.
Systématiquement, il est opposé l’argument de la « transmission
culpabilisatrice de notre passé commun ».
Comme si l’Afrique n’avait pas d’histoire.
Comme si tous les Français étaient des Caucasiens et que la citoyenneté
française était réservée à une catégorie d’habitants, blancs, catholiques et
originaires du seul hexagone.
Comme si l’enseignement de l’existence de brillantes et originales
civilisations africaines pouvait remettre en cause l’identité nationale, la
cohésion nationale, la culture et le socle commun, etc., etc.
C’est dire si le combat pour l’affirmation des identités au sein de la République est un combat d’actualité et que nous ne devons pas faillir à l’instar de ceux qui nous ont appris à redresser la tête et à ne jamais courber l’échine.
O mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! nous apprenait Frantz Fanon dans « Peau noire, masques blancs ».
L’enseignement de l’histoire a
vocation à développer la connaissance et l’esprit critique. Il vise à
construire des citoyens libres et vigilants. La seule fonction identitaire et
mémorielle attribuée à cet enseignement que d’aucuns réclament conduit
inévitablement au développement des discriminations, de la xénophobie et du
racisme et aux crimes de sinistre mémoire.
Depuis quelques années, l’histoire enseignée est instrumentalisée par les
tenants du culte de la mémoire et d’une conception close et repliée de
l’identité nationale. Nous ne pouvons rester indifférents à cette polémique,
car elle illustre la difficulté de certains Français, souvent au plus haut
niveau de responsabilité, à comprendre que la France n’est plus à l’époque de
l’épopée coloniale.
Elle illustre la difficulté que nous avons, Français des DOM à travers nos
parlementaires, à obtenir que nos faits d’armes que nos héros fassent
partie de l’histoire de la France. Souvenons-nous du retrait des œuvres d’Aimé
Césaire au programme des terminales littéraires sous la pression de lobbies de
parents d’élèves qui jugeaient le « Discours sur le colonialisme »
violent et incitateur à la haine raciale.
Nous devons exiger par la voie de
nos parlementaires que cette introduction d’éléments de l’histoire des
civilisations africaines soit maintenue dans les programmes de 5e.
Nous devons faire entendre notre voix et notre exigence que soit prise en
compte l’histoire des civilisations amérindiennes, africaines, l’histoire des
traites négrières et des sociétés coloniales antillaises dans les programmes
français.
C’est cette posture qui fondera le lien social d’une France réelle et
multiculturelle, d’une France républicaine fidèle à ses idéaux de partage,
d’égalité et d’universalité.
Aller dans le sens du repli frileux et de l’exclusion du roman national
donnerait raison aux communautarismes et aux intégrismes de tout bord.
La culture commune à fonder est celle qui rassemble les citoyens français
d’aujourd’hui dans toute leur diversité d’origine et leur richesse culturelle.
Elisabeth Landi, Conseillère régionale Martinique
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