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Vol de photos : quand on se fait passer pour vous sur Internet

 

Fin de soirée dans un bar branché du centre de Montpellier. Cocktails sifflés, Amélie et ses amies s'apprêtent à quitter la soirée. Devant la porte de sortie, la jeune femme se fait alpaguer par une inconnue qui l'observe depuis un moment :

« Tu sais que tu as un sosie ? »

La femme sort son téléphone portable et fait défiler des photos. Amélie y pose, souriant sur une plage bretonne, grimaçant avec sa sœur dans le salon familial, ou s'appliquant à skier sur une piste enneigée. Amélie les reconnaît, ce sont toutes les siennes. Même le petit portrait, tiré du portefeuille de l'inconnue, qui ajoute :

« Toutes ces photos, c'est toi qui me les a envoyées. »

« Pendant des années, quelqu'un a utilisé mes photos »

Elle est Parisienne, en vacances à Montpellier pour quelques jours. Après une heure d'explications, Amélie comprend que quelqu'un s'est approprié ses photos et se fait passer pour elle. Depuis plus de deux ans. C'est par un un hasard totalement improbable, presque cinématographique, que les deux jeunes femmes découvrent l'usurpation :

« Elle les a fait circuler auprès de plusieurs personnes en France. Elle s'est inventée une vie à partir de mes images. »

Ensemble, au bout d'un mois d'enquête, elles obtiennent les aveux du « voleur » de photos. Amélie se sent alors rassurée de pouvoir mettre une identité sur son « double » :

« C'était une femme, de Bordeaux, un peu paumée. Elle utilisait mes photos sur des sites de rencontres ou des réseaux sociaux parce qu'elle est seule. Je ne sais toujours pas vraiment comment elle a récupéré mes photos, et pourquoi moi. »

Le vol d'identité, délit ou non ?

Amélie a voulu porter plainte. Au commissariat, les policiers n'ont pas pu répondre à ses questions. Elle a dû patienter, pour finalement s'entendre dire :

« Votre situation n'est pas considérée comme une usurpation d'identité. A la rigueur, vous pouvez toujours déposer une main courante. »

Mais les réponses diffèrent selon les commissariats contactés par Rue89. Certains sont formels : il est possible de porter plainte car la situation constitue une usurpation d'identité. Pour d'autres, en revanche, le vol d'identité est un délit différent :

« Il faut qu'il y ait une prise délibérée du nom d'une personne, qui débouche sur une fraude. Seuls les effets de cette fraude sont sanctionnés, pour escroquerie, vol ou autre. »

Preuve de la confusion, la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) elle-même admet que le sujet est complexe, et demande réflexion.

Loppsi 2 : l'identité numérique reconnue

Depuis l'adoption de la Loppsi 2, le 8 février 2011, le vol d'identité numérique est pourtant reconnu comme délit. Puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, il condamne :

« […] le fait d'utiliser, de manière réitérée, sur un réseau de communication électronique l'identité d'un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d'autrui. […]

Est puni de la même peine le fait d'utiliser, sur un réseau de communication électronique, l'identité d'un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération. »

Mais certains internautes trouvent la législation encore inadaptée. Le délit d'usurpation est sanctionné uniquement s'il est constaté « à plusieurs reprises ». A partir de combien de fois, à quelle fréquence (une fois par jour, par mois, par an ? )

« Qui sait ce que deviennent nos photos ? »

Antoine, professeur en collège, a vécu la même mésaventure qu'Amélie. Comme elle, c'est « par pur hasard » qu'il a découvert le délit. Connecté sur un forum de discussion, il a remarqué que la photo de profil d'un des utilisateurs lui était familière. Un cliché datant de quelques années, de lui avec sa compagne de l'époque.

L'usurpateur avait dupliqué la plupart de ses photos personnelles et s'était répandu sur de nombreux forums, sous le même pseudonyme. Une faille qui a permis à Antoine de remonter la piste, mais jamais d'identifier la personne.

Sur un site de rencontre, le voleur vantait ses qualités viriles et sa soif de conquêtes. Antoine craint qu'un jour, ses élèves ou ses collègues tombent sur ce faux profil, qu'il n'a pas les moyens de faire disparaître.



22/02/2011
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