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1932, l’exploit du Paris-Nouméa

Les Nouvelles Calédoniennes. Publié le jeudi 05 avril 2012 à 03H00

Il y a 80 ans, les Calédoniens assistaient à l’arrivée du Biarritz, un quadriplace parti du Bourget un mois plus tôt pour réaliser la première liaison aérienne Paris-Nouméa avec à son bord trois hommes : Charles de Verneilh, Max Devé et Émile Munch.

C’est à bord du Couzinet 33, que Charles de Verneilh, Emile Munch et Max Devé réaliseront la première liaison aérienne Paris-Nouméa.

 

A 17 heures, le 5 avril 1932, des centaines de Calédoniens amassés sur la plaine de La Tontouta voyaient poindre le nez du Biarritz. C’est le premier avion français à faire la liaison Paris-Nouméa. A son bord trois hommes qui seront accueillis en héros sur le Caillou : Charles de Verneilh, le pilote, Max Devé, copilote et navigateur, Emile Munch, mécanicien.Bertrand Devé, qui pourtant n’était pas né à l’époque de l’exploit de son père mais a été toute son enfance bercé par les récits de cette aventure hors du commun, aime à se replonger dans cette histoire vieille de 80 ans mais dont chaque souvenir reste intact : « Mon père en parlait souvent. Ça a été le point d’orgue de sa vie d’aviateur. Il a été recruté par son ami Charles de Verneilh qu’il avait connu sur le front Russe pendant la guerre de 14. » Charles de Verneilh, qui est à l’initiative de ce raid, « était en mal d’exploit. C’étaient les années trente et il y avait déjà de très grands raids. Il fallait trouver un exploit hors du commun. » L’exploit, le pilote le trouve en regardant une carte : « La Nouvelle-Calédonie, c’était la possession française la plus éloignée de la Métropole. On ne pouvait pas aller plus loin. »
Ne restait au baron aventurier qu’à trouver un avion pour cette aventure. Il le trouve au Salon de l’aviation. Son concepteur est un jeune ingénieur : René Couzinet. « L’avion était un prototype. Quand il décolle de Paris pour Nouméa, il n’a que 28 heures de vol. »

Mousson. Référence en matière de navigation aérienne, Max Devé est tout de suite contacté par de Verneilh. « Il n’avait pas 39 ans, était célibataire et avait le goût du voyage… » Après une préparation extrêmement minutieuse, les trois hommes s’envolent le 6 mars du Bourget pour un périple d’un mois. Les conditions climatiques ne seront pas de la partie : neige au départ, mistral, chaleur extrême, mousson… « Ils ont dû contourner les gros cumulonimbus, s’adapter aux terrains d’aviation détrempés… Ça a été extrêmement éprouvant ». Mais malgré ces aléas climatiques, le voyage se passe bien avec seulement quelques petits problèmes techniques : « L’avion ayant été conçu dans le Nord, il n’avait pas été pensé pour de grosses chaleurs. Le mécanicien a dû découper le carénage des moteurs pour l’aérer et changer les durites plusieurs fois, entre autres. » A Brisbane, l’avion est entièrement révisé avant d’entamer son dernier trajet. Mais une fois de plus, la météo n’est pas du côté des aventuriers. « Ils ont volé pendant plus de quatre heures sous la pluie. » Les heures passent sans que les aviateurs, de plus en plus angoissés, ne voient se dessiner les côtes de la Calédonie.

Atterrissage. Et c’est avec près de deux heures de retard que les Calédoniens qui se sont déplacés par centaines à La Tontouta, voient pointer le Biarritz. En liesse, la foule ne réalise pas qu’il faut laisser un peu de place à l’avion pour atterrir. Et c’est la catastrophe. « Charles de Verneilh s’est écarté le plus possible de la foule. Et là, ils n’ont pas eu de chance. L’extrémité de l’aile heurte un cocotier. » Le Biarritz est en piteux état. Et Bertrand Devé en souriant de plaisanter : « Mon père aimait à raconter que leur atterrissage avait manqué de dignité… »
Cet atterrissage, un petit garçon dans la foule s’en souvient parfaitement. Louis Eschembrenner, directeur d’Aircal durant des années et passionné d’aviation depuis son plus jeune âge, n’aurait raté pour rien au monde l’arrivée du Biarritz : « J’avais 5 ans. Je me souviens de l’atterrissage comme si c’était hier, de l’avion qui heurte l’arbre. A la maison, comme beaucoup de familles d’ailleurs, on a gardé un morceau de l’avion ! » Le malheur des uns fait le bonheur des autres… Les aventuriers de l’air ont vite fait d’oublier leur déception devant l’accueil enthousiaste des Calédoniens. Leur exploit est comparé à celui de Lindbergh, premier homme à avoir rallié Paris à New York sans escale quelques années plus tôt. Et la mission est accomplie : la liaison Paris-Nouméa est ouverte.

 

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C’est en km/heure, la vitesse de croisière du Biarritz, avec des pointes à 240 km/heure.

 

Repères

Commémoration
Ce soir à 17 heures à l’initiative de l’Appac (Association pour la préservation du patrimoine aéronautique calédonien) a lieu l’inauguration de la plaque commémorative du 80e anniversaire de la première liaison aérienne France-Nouvelle-Calédonie, au monument de La Tontouta.

D’où vient le nom Le Biarritz ?
Pour financer la construction de ses avions, René Couzinet avait besoin d’argent et la ville de Biarritz fera largement partie des généreux donateurs. C’est pourquoi l’appareil qui servira à relier Paris à Nouméa, sera baptisé du même nom.

 

Soixante-cinq ans d’aviation


19 octobre 1946 : Création de la Trapas (Transports Aériens du Pacifique Sud) par Henri Dewez. Son siège se trouve à Nouméa.
27 septembre 1948 : 1er vol d’étude Air France Paris-Nouméa (DC 4) ; A partir du 1er décembre 1948, Air France ouvre la ligne Saïgon-Nouméa. Un service bimensuel est mis en place. Il sera interrompu en octobre 1950.
Fin février 1951 : Reprise de la ligne à une fréquence mensuelle en Lockheed « Constellation ».
25 juin 1952 : 242e et dernier vol de la Trapas.
1er janvier 1956 : Air France cède la place à la TAI (Transports Aériens Continentaux) qui met en place un service régulier via Saïgon et Port Darwin (bimensuel, il devient hebdomadaire après six mois d’exploitation). La ligne sera prolongée jusqu’à Auckland (4 février 57), devenant ainsi « la ligne des Antipodes » (22 000 km), la plus longue du monde. Les vols s’effectuent à bord de DC6 et DC7 C en une cinquantaine d’heures.
Décembre 1957 : Apparition des premières séances de cinéma pendant les vols ; elles mêlent actualités, documentaires, films touristiques et dessins animés. Début des années soixante : Révolution dans les transports aériens avec l’arrivée des premiers jets 707 et DC8 ; le temps de vol diminue et le nombre de passagers augmente…
23 février 1963 : La TAI fusionne avec UAT pour devenir UTA, Union des Transports aériens.
Novembre 1965 : La ligne Nouméa-Paris est assurée deux fois par semaine.
1968 : On passe à trois rotations.
1970 : Le rythme des liaisons atteint quatre rotations par semaine.
1980 : Le DC10 succède au DC8. Si trois ou quatre escales sont toujours nécessaires, la durée du voyage n’est plus que d’une trentaine d’heures.
Septembre 1983 : Création de Air Calédonie International (Aircalin).
2 décembre 1983 : en partenariat avec Qantas, premier vol Air Calédonie International Melbourne/Nouméa/Melbourne (B 747).
1990 : Retour d’Air France.
1991 : La desserte de la Nouvelle-Calédonie s’effectue désormais en Boeing 747-400, elle ne comporte plus qu’une escale à Tokyo et la durée de vol est ramenée à 23 heures.
31 mars 2003 : Dernière liaison Air France entre Tokyo-Narita et Nouméa. Dotée de deux nouveaux Airbus, Aircalin prend le relais dès le 1er avril.

Source : Aviation civile

 

Témoignage. Louis Eschembrenner, cofondateur d'Air Calédonie/h3>

« Les vols sur Paris prenaient jusqu'à trois jours »


« Ma vie a côtoyé l'histoire de l'aviation en Calédonie », attaque Louis Eschembrenner, directeur général d'Aircal pendant près de trente ans « A quatre ans à La Foa, je me souviens des passages de Roffey avec son avion argenté. » L'année suivante, c'est le Biarritz qui fascine le petit garçon et sept ans plus tard, l'adolescent assiste au premier vol de la PanAm. « Il venait d'Amérique et allait sur la Nouvelle-Zélande. C'était un hydravion et il s'est posé dans la rade du nickel. » La guerre passe par là et si les liaisons civiles sont interrompues, Louis voit les avions militaires survoler la Capitale. Puis la PanAm cherche un personnel pour l'agence de Nouméa et Louis est recruté. Véritable mémoire des diverses compagnies aériennes qui ont touché Nouméa, le monsieur énumère la Qantas, la Transocéanic, la Trapas… « Elle faisait Port-Vila-Fidji-Papeete. » Les liaisons Nouméa-Paris deviennent ensuite d'actualité avec Air France : Darwin, Saïgon, Calcutta, Karashi… Les escales s'enchaînaient. « Et après est arrivée la TAI. Ils venaient de Paris et allaient jusqu'à Tahiti. Au départ, les vols prenaient jusqu'à trois jours car il y avait des escales où on passait la nuit. » Et si vous voulez rêver un peu, il suffit d'écouter ce pionnier de l'aviation calédonienne se rappeler les premiers DC4 de la PanAm : « Il n'y avait qu'une quarantaine de passagers mais c'était le grand luxe. Il y avait déjà des sleeperettes, des sièges qui permettaient de dormir. » Et les passagers étaient conduits à l'avion dans des voitures privées… Sans parler du service à bord de ces premiers avions : « il y avait une salle à manger. On ne mangeait pas à son siège ». « Et quand on prenait la ligne de Paris par l'Amérique, on passait par Los Angeles, New York, Terre-Neuve, l'Irlande… C'était très long. »
Dans les années cinquante, Louis Eschembrenner apprend à piloter et fréquente l'aéro-club où il rencontre deux acolytes : Herbert Coursin et Henri Martinet. Ils fonderont la Transpac qui deviendra Air Calédonie en 1968. « Nous faisons des plus anciennes compagnies aériennes françaises », rappelle-t-il non sans fierté. Le 28 septembre 1955, le vol inaugural a lieu : Nouméa-Maré-Lifou-Nouméa. Le vol est effectué avec un De Havilland DH89 "Dragon Rapide", acheminé du Royaume-Uni par un ancien pilote de guerre.


Patricia Calonne



05/04/2012
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