Assez !
C’est la première manifestation « choc » du genre organisée sur le Caillou. Hier, soixante-quatre personnes se sont allongées sur la chaussée, place des Cocotiers, pour symboliser le nombre de morts sur les routes l’année dernière. Une manière d’en appeler à la responsabilité de chaque usager de la route. C’est en tout cas ce qu’espère Caroline Kawka, présidente de l’association Antinéa.
Ce
matin, lorsque les automobilistes passeront sur l’un des côtés de la
place des Cocotiers, ils n’auront pas le temps de compter, mais ils
remarqueront des dizaines de silhouettes, peintes sur le bitume. Il y en
a soixante-quatre. Le nombre de morts sur les routes calédoniennes,
l’an passé.
Elles ont été tracées hier soir, à l’initiative de
l’association Antinéa, et avec la participation du forum des motards de
Nouvelle-Calédonie (fmnc.forumpro.fr/).
Un an plus tôt, jour pour jour, cette collégienne de 15 ans avait
inscrit son nom à la sombre liste des morts de la route. Au guidon de
son scooter, elle avait été renversée par un chauffeur sous le coup
d’une suspension de permis.
Depuis le drame, sa mère, Caroline Kawka,
monitrice d’auto-école, a constitué une association pour rassembler les
familles de victime. Un lieu pour parler et échanger. « Car la souffrance que nous endurons est inimaginable. » Un lieu aussi pour informer - « on intervient au collège de Normandie pour sensibiliser les élèves » - et faire bouger les choses, comme hier soir.
« Nous
voulions marquer ce triste anniversaire par une manifestation
symbolique, pour sensibiliser les automobilistes. Il faut que tout le
monde comprenne qu’il y a des choses à ne pas faire sur la route. » La liste est relativement courte, mais elle est éprouvée chaque week-end.
Nous voulions marquer ce triste anniversaire par une manifestation symbolique.
Les
autorités font du reste le même désespérant constat : malgré le temps
de présence de plus en plus important des gendarmes sur le bord des
routes, les comportements n’évoluent pas ou si peu.
A quoi voit-on
cela ? Simple. Sur les 29 morts de la route depuis le début de l’année
en zone gendarmerie, 21 d’entre eux étaient des conducteurs qui
n’avaient pas bouclé leur ceinture. Et sur six motards décédés, la
moitié avait mal attaché la lanière de leur casque, selon les chiffres
fournis par le haussariat. Sans forcément leur sauver automatiquement la
vie, ces petits gestes auraient peut-être permis d’éviter le pire.
« Nous ne comptons pas baisser les bras et relâcher la vigilance des forces de l’ordre, indique-t-on ainsi du côté du représentant de l’Etat.
A titre d’exemple, l’activité de la gendarmerie en matière de contrôles
routiers est largement supérieure à ce qui se fait en Métropole ».
Du
côté du gouvernement, une campagne de communication est également dans
les cartons. Une campagne au ton « choc », à l’image de ce qui se fait
dans les pays anglo-saxons. Reste à savoir si cela sera suffisant pour
faire évoluer les comportements. Hier soir, en tout cas, ils étaient
plus de 150 - 135 motos dénombrées - à en manifester le souhait.
Pierrick Chatel
Comment faire baisser le nombre de morts sur les routes ?
Bernard, chef de cuisine
« Améliorer la formation »
« D’abord,
il faut améliorer la formation au permis de conduire sur l’ensemble du
pays. Car conduire en Brousse et en agglomération, ce n’est pas la même
chose. Ensuite, peut-être augmenter la durée de période d’apprentissage,
pour ne pas lâcher sur les routes des jeunes sans grande expérience. Et
puis aussi prévoir des aides financières pour le passage du permis, que
beaucoup ne peuvent pas se payer faute d’argent. Les tarifs des
assurances, pour les jeunes conducteurs, sont aussi extrêmement
élevés. »
Mary, gérante de société
« Enlever ses œillères »
« Il
faut que tout le monde se prenne en charge, que ce soit les motards ou
les automobilistes. Chacun doit enlever ses œillères, pour ne plus
seulement penser à soi, mais aussi aux autres. La responsabilité de tout
le monde, c’est de prendre conscience que chacun d’entre nous constitue
un danger sur la route, pour soi et pour les autres. Quand tout le
monde aura compris ça… La répression est peut-être utile, mais on ne
peut pas dicter aux gens ce qu’ils ont à faire. C’est vraiment une
affaire de prise de conscience. »
Rémi, graphiste
« Moins de laxisme »
« Les
usagers de la route doivent mieux se comporter, mais les autorités
publiques aussi. Il faut que la justice cesse d’être laxiste à
l’encontre des délinquants de la route. Car des peines de prison avec
sursis ne sont pas acceptables pour les familles des victimes. » Rémi
Bouju a perdu son fils Julien en janvier dernier. En compagnie de deux
copains, il rentrait d’une soirée à la Baie-des-Citrons. Après une perte
de contrôle, la voiture, conduite par l’un de ses copains, avait
effectué une violente sortie de route sur la Savexpress.
Caroline, monitrice d’auto-école
« Un problème de comportement »
Pour
la présidente de l’association qui porte le nom de sa fille, Antinéa,
disparue il y a un an, « c’est avant tout un problème général de
comportement. La répression ne peut pas suffire. L’amélioration de la
formation des jeunes conducteurs est nécessaire, même si elle portera
ses fruits dans une dizaine d’années. Et les images choc, si elles
peuvent servir à montrer l’horreur de la réalité et peuvent être
nécessaires sur le coup, ne sont pas suffisantes. »
Repères
Quatre radars supplémentaires fin octobreMême si les autorités répètent que la prévention passe « par un ensemble de mesures », l’arrivée prochaine de quatre radars supplémentaires est LA mesure phare destinée à accentuer un peu plus la « peur du gendarme ». Car la vitesse est un élément déterminant dans bien des accidents. Ces « Mesta 1000 » sont des radars embarqués et automatiques : le contrevenant recevra l’amende directement dans sa boîte aux lettres. Les appareils doivent être opérationnels fin octobre. Deux ont été financés exceptionnellement par l’Etat, deux par le gouvernement calédonien.
Les contrôles techniques : un texte renforcé
La mesure est obligatoire uniquement en cas de revente du véhicule, sans obligation de réparation et de contre-visite. Un texte rendant plus contraignant le contrôle technique n’en finit pas de traîner depuis 2008. Il faut bien dire que la mesure, susceptible de toucher le porte-monnaie des classes moyennes et des plus défavorisés, ne sera pas franchement populaire. Le texte devrait être examiné devant le Congrès avant la fin de l’année.
Un code de la route toiletté
Le détail fait hurler les militants de la prévention routière. Aujourd’hui, un conducteur inscrit dans une auto-école mais non titulaire du permis peut conduire une voiture sans être poursuivi par la justice. La révision du texte a été transmise au Congrès, qui devrait étudier la question en octobre. Le dépoussiérage du code de la route calédonien prévoira aussi la création d’un délit de grande vitesse. A plus de 50 km/h au-dessus de la limite autorisée, l’infraction sera punissable d’une amende maximale de 178 000 francs, contre 15 000 francs aujourd’hui. Même si pour un primo délinquant, le plafond, rarement prononcé en cas de première condamnation, ne risque pas de changer grand-chose.
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