Air Austral quitte le Caillou
Les Nouvelles Calédoniennes, Publié le jeudi 15 décembre 2011 à 03H00
Carburant.
La faute à qui ? Principalement au kérosène, selon Gérard Ethève, son directeur général. Quand le chiffre d’affaires augmente de 3,5 milliards de francs, les charges augmentent de 5,37 milliards, dont 2,86 milliards rien que pour la facture de carburant. A tel point qu’Air Austral table sur un exercice 2010-2011 déficitaire de 3,22 milliards. « Avec un cours du dollar-euro pas favorable, des dépenses comptabilisées en dollars et des recettes en euros, la compagnie accuse de grosses pertes. La ligne a été créée il y a deux ans. La compagnie suivait sa progression et son plan de charge et devait atteindre un certain équilibre en 2012, explique Henri-Frédérick Pujol, président du syndicat des agents de voyage. Air France est également touché et a même décidé de geler ses salaires pour 2012. »
Pour réduire la voilure et laisser passer l’orage, Air Austral avait décidé dernièrement de passer à un seul vol par semaine vers la Nouvelle-Calédonie - les clients qui avaient réservé des billets pour début 2012 avaient été avertis de cette modification il y a quinze jours -, mais c’est finalement la suspension des vols qui était choisie mardi en réunion extraordinaire. « Il y avait effectivement des vols de mars à juin 2012 qui avaient été supprimés du programme de base, mais nous avons décidé d’arrêter, ou plutôt de suspendre notre ligne Réunion-Sydney-Nouméa, explique David Rougeau, le directeur délégué d’Air Austral, en comité extraordinaire depuis la Réunion. Cela veut clairement dire qu’au-delà du 20 mars, Air Austral ne se posera plus à Sydney et à Nouméa ». Cette décision, si elle peut paraître un peu précipitée, est un choix d’anticipation pour que les clients puissent s’organiser (lire ci-dessous).
Suspension.
Du côté du concurrent Aircalin on ne se réjouit pas, mais on voyait arriver cette fermeture. « Cela souligne bien que le transport aérien vit une période très difficile, à cause du prix du pétrole et du ralentissement de certains marchés, commente Jean-Michel Masson, le directeur général. Cela montre également la difficulté plus spécifique des lignes touchant la Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pas la première fois que des compagnies françaises ou étrangères viennent ici et repartent rapidement car ce n’est pas simple. Aircalin est toujours là, comme dans le passé, quand il y a eu des coups de tapage, et nous ferons le nécessaire pour adapter les capacités ». Air Austral ne fêtera pas ses trois ans sur le Caillou alors qu’elle affichait tout de même de belles ambitions avec la commande de deux A380, qu’elle comptait faire voler en low-cost vers les Antilles.
« Nous parlons bien de suspension, cela veut dire que la porte n’est pas fermée pour réexploiter cette ligne un jour », espère David Rougeau, tout en indiquant que plus de précisions seraient données demain, à son retour à Nouméa.
Les agences de voyage font grise mine
« Oh la vache ! », réagit spontanément Alain Parisot, patron de l’agence Tropic Travel, à l’annonce de la nouvelle, par notre biais, au téléphone. L’agence de voyage fait partie de celles qui commercialisent les vols de la compagnie réunionnaise. Même s’il était au courant des difficultés rencontrées par Air Austral, l’agence de voyages encaisse la nouvelle avec stupeur. « On se demandait comment ils faisaient pour remplir les 600 places (2 vols par semaine avec des appareils de 300 places). Mais c’était un gros marché pour nous, une solution différente pour la Métropole qui plaisait énormément aux Calédoniens. Pas mal de gens en profitaient pour aller à la Réunion et ailleurs. » Tropic Travel a d’ailleurs bon nombre de réservations en cours. « Il faut dire qu’avec leurs nouveaux avions, le voyage était très confortable. » « C’est une très mauvaise nouvelle pour la Calédonie », encaisse à son tour Henri-Frédérick Pujol, président du syndicat des agents de voyage qui, lui, attendait confirmation de l’information. « Cela signifie un retour au monopole Air France - Aircalin et une augmentation des tarifs avec, à la clé, des conditions de vente encore plus sévères. Par exemple, Air France demande à ses clients, depuis quinze jours, de régler le billet d’avion dans la semaine et dans sa totalité, quand la réservation intervient à moins de 100 jours du départ. »
Pour le président du syndicat, l’arrêt de la ligne d’Air Austral « est aussi le reflet d’une crise internationale sans précédent dans le transport, dont on a du mal à mesurer les conséquences localement et dont la Calédonie était protégée jusque-là. D’ailleurs l’année 2012, s’annonce extrêmement difficile. »
Côté pratique, le syndicat des agents de voyage tente de rassurer les voyageurs et leur demande de ne pas paniquer : « D’après nos informations, tous les vols seront assurés jusqu’au 20 mars. Tous les billets émis (et donc intégralement payés) pour un départ au-delà de cette date seront remboursés. Ceux dont le départ intervient avant le 20 mars et le retour au-delà de cette date, devraient être reroutés. »
Ludovic Lafon et Catherine Léh
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