Ouvéa veut rassembler
Sous une pluie fine et tenace, des fleurs ont été déposées par dizaines au pied du monument des dix-neuf. La population était une fois de plus au rendez-vous de cette commémoration et de cet appel pour l’avenir. « Un long chemin de réconciliation a été accompli, il nous faut le poursuivre avec les familles, avec les gendarmes, a lancé Mathias Waneux, élu provincial des Îles, devant la chefferie de Wadrilla. C’est un appel à toutes les formations politiques, du FLNKS à la droite, pour réussir ici, il nous faut être ensemble, alors pourquoi ne pas se retrouver le 5 mai 2012 tous ensemble, ici à Ouvéa, d’où tout est parti. »
«Le travail accompli est à saluer, mais il nous faut continuer.»
Le chemin coutumier a ouvert cette commémoration. La foule s’est rassemblée autour des chefs de Wadrilla. Rappel des faits, gestes, paroles... Chaque pas a été accompli dans le respect de la coutume. Puis, moment fort en émotion, une ronde s’est formée au moment du dépôt de gerbes au pied du palmier symbolisant le lieu où les leaders, Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, furent assassinés, le 4 mai 1989. Après une minute de silence en leur mémoire, la foule est descendue vers le monument pour y déposer les fleurs, les familles des dix-neuf portant les gerbes en tête.
Histoire. Face à l’imposante stèle recouverte de plaque de marbre, de nouvelles prises de parole... « Plus on avance et plus les gens font attention à Ouvéa. Le transfert des compétences est la suite de ces enfants kanak tombés. Le travail accompli est à saluer, mais il nous faut continuer », lance le maire, Maurice Tillewa.
Avenir. Sous le drapeau kanak qui domine le monument, Jacqueline Deteix, viceprésidente de la province, affirme : « Parler du drapeau, c’est parler de nos signes identitaires. Il nous faut un drapeau qui flotte sur toutes les mairies ». Poursuivant, elle s’adresse aux jeunes : « Osez et travaillez pour ici, pour dans l’avenir diriger et construire ».
Ce 5 mai 2011 a été particulier parce qu’il n’y avait pas de personnalités politiques invitées. La raison ? Le trouble ressenti par la population et ses leaders suite aux démissions successives du gouvernement et les désaccords autour de la question des drapeaux. La prise d’otages d’Ouvéa et la succession d’événements violents survenus sur l’île aux mois d’avril et mai 1988 ont durablement marqué le pays, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le rendezvous est donné pour construire un avenir commun. Un destin commun.
Questions à... Georges Omnïwack, porte-parole de la chefferie de Gossanah
«La pensée change»
- Les Nouvelles calédoniennes : Quel est votre sentiment, vingt-trois ans après ces événements ?
Georges Omnïwack : Je n’ai pas oublié ces moments. Je vois encore les militaires envahissant la tribu. Mais avec la réconciliation, doucement, la pensée change. Je ne me sens pas encore capable de rencontrer un gendarme otage comme l’a fait Benoît Tangopi, l’un des gardiens de la grotte. Mais je vois que cette date est un appel pour discuter ensemble, faire ensemble. Au lendemain des Evénements, nous étions isolés. On ne voyait même pas les gens des autres tribus de l’île. Maintenant, des gens de l’extérieur viennent et ils changent notre regard envers ce qui s’est passé. Ils nous montrent que l’on peut vivre ensemble. Nous voulons être ouverts au monde, nous voulons qu’ils sachent ce qui s’est vraiment passé, qu’ils nous voient tel que nous sommes. Nous avons des rencontres fortes, par exemple, nous recevons en ce moment un couple rencontré lors du tournage du film de Mathieu Kassovitz. Je suis heureux qu’ils viennent à nous. Ils sont nos amis.
- Quel message souhaiteriez-vous transmettre pour l’avenir ?
N’oubliez pas 1988. Les jeunes générations doivent regarder avant et après. Depuis, beaucoup de choses ont été faites, notamment des infrastructures. Cela a été fait parce qu’ils sont tombés. Il faut continuer pour mieux vivre chaque jour. Il y a encore des choses à faire. Ici, pour le travail de mémoire, nous souhaitons que le chemin qui mène de la grande route à la grotte soit balisé. La construction d’un centre culturel serait également nécessaire. Il faut rénover le bâtiment commun de la chefferie, engagement pris par les politiques après les Evénements. Je souhaite que les jeunes gardent cette histoire pour comprendre et transmettre ce qui s’est passé, ce qui nous a été fait. Souvenons-nous que le 5 mai est un appel pour se retrouver, pour faire chemin ensemble.
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