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«Aux Etats-Unis, les deux tiers des étudiants diplômés sont endettés»

Liberation.fr, le 4 novembre 2012 à 17:17. Par LAURENCE DEFRANOUX
Manifestation contre l'augmentation de la dette étudiante, à New York, le 25 avril 2012.
Manifestation contre l'augmentation de la dette étudiante, à New York,
le 25 avril 2012. (Photo Andrew Burton.Reuters)

En 2008, le vote des jeunes avait été déterminant, 66% des 18-29 ans ayant voté pour Barack Obama. Aujourd'hui, les étudiants sont touchés de plein fouet par l'accroissement du montant de leurs emprunts, qu'ils peinent à rembourser et qui pèsent sur leur avenir. Ce fardeau pourrait jouer sur le taux d'abstention des jeunes. A quelques jours du scrutin, Stéphan Vincent-Lancrin, chercheur à l’OCDE, analyse les causes du deuxième poste d'endettement des Américains.  

Quelle est l'ampleur de l'endettement des étudiants aux Etats-Unis?

Les deux tiers des étudiants américains diplômés sont endettés, pour un montant moyen de 26 600 dollars, qui peut atteindre le double dans certains Etats. Les montants les plus élevés se retrouvent en général chez les étudiants issus des établissements privés à but lucratif, aux frais d'inscription élevés, aux programmes plus variés, et qui acceptent plus d'étudiants en difficulté. En 2009, le défaut de remboursement s'y montait d'ailleurs à 15% en moyenne, contre 4% dans les établissements privés à but non lucratif et 6% dans le public. Mais il faut relativiser : le nombre d'inscrits dans ces établissements n'est pas considérable. Il y a aussi une grande différence entre le prix affiché des études et le prix réellement payé, qui peut être très raisonnable au bout du compte dans une université publique. Le coût du logement, lui, reste incompressible.

Les tarifs pratiqués par les universités sont-ils excessifs?

La hausse du coût de l'enseignement supérieur a largement dépassé l'inflation. Dans les années 70, pour les filières de  quatre ans, les plus suivies par les classes moyennes, le coût des études représentait 4% du salaire médian américain. Ce chiffre se monte désormais à 11% en moyenne, voire beaucoup plus dans les universités privées à but non lucratif prestigieuses comme Harvard, où les frais de scolarité ont bondi de 7% à 36% du salaire médian en quarante ans. Le financement public, très réactif à la conjoncture outre-Atlantique, n’a pas suivi.

Est-ce la seule cause du recours massif au crédit?

Le taux d'abandon est important dans les universités américaines, il peut atteindre 80% dans les Community Colleges, en deux ans. Or, s'il est facile d'obtenir un prêt, il n'y a aucun moyen de s'en libérer. Le chômage des jeunes étant important, le retour sur investissement peut être décevant et le crédit presque impossible à rembourser. Cela dit, les bons diplômes continuent à avoir un rendement très intéressant par rapport à l'investissement. Il faut voir aussi que les prêts étudiants sont une source facile d'accès au crédit, que les étudiants peuvent utiliser pour toute autre chose, comme des frais de santé pour leur famille.

L'endettement étudiant représentant 7% de la dette de la population américaine, y a-t-il un risque d'explosion? 

Les prêts étudiants sont garantis à 88% par l'Etat, ce qui exclut une crise comme celle des subprimes, puisqu'il n'y a pas de risque de faillite des banques. En cas de défaut massif de paiement, les contribuables paieront...

Quelles sont les dispositions prévues par les candidats pour éviter que l'enseignement supérieur ne redevienne réservé à une élite?

Les républicains sont pour la limitation des aides, et considèrent que l’Etat est trop impliqué dans le financement et la garantie des prêts étudiants. Les démocrates veulent continuer à faciliter l'accès à l'enseignement supérieur et donc aux conditions de crédit, par exemple en augmentant les bourses. Les populations noire et hispanique représentent une marge importante d'accès à l'enseignement supérieur. Or, restreindre l'accès au crédit les touchera en premier. La solution passerait d'abord dans une meilleure information. Le montant des frais d'inscription a un impact négatif sur les classes les plus modestes, qui renoncent à y inscrire leurs enfants car elles ne connaissent pas le montant des aides. De même, les étudiants devraient être mieux informés du rendement des diplômes. L'Etat souhaite également impliquer les universités dans le contrôle des finances des étudiants, ce qu'elles rechignent à faire. Il y a des pressions pour que les dettes étudiantes puissent s'effacer. Pour l'instant, il n'y a pas de pardon.



05/11/2012
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