Deux drapeaux, deux manifestations
Après le Parti travailliste, l’Union calédonienne lance elle aussi un appel à « manifester » samedi en faveur du drapeau kanak. Face aux partisans d’un drapeau commun. Et pratiquement au même endroit. Calédonie ensemble dénonce une stratégie d’intimidation.
La matinée promet d’être chaude et électrique, samedi à Nouméa. A moins que l’Etat ne choisisse purement et simplement d’interdire toutes les manifestations.
Pour le moment, ce sont bel et bien deux manifestations qui sont annoncées, à quelques dizaines de mètres l’une de l’autre. D’un côté, celle du collectif pour un drapeau commun, largement soutenue par Calédonie ensemble, qui appelle la population à se rassembler à 9 heures Baie-de-la-Moselle, près du Monument américain.
De l’autre, celle du Parti travailliste, de l’UC et d’un « collectif de soutien à l’accord de Nouméa » qui appellent leurs troupes à se réunir à 8 heures place du Mwa Ka, c’est-à-dire à quelques dizaines de mètres de là.
Dangereux. Hier, après Louis Kotra Uregeï, c’est Charles Pidjot, président de l’Union calédonienne, qui a lancé publiquement un appel à manifester pour la défense du drapeau kanak et « le soutien à l’accord de Nouméa ». Dans un communiqué, à l’en-tête duquel figurent les deux drapeaux français et kanak, une première, le parti indépendantiste associe étroitement la reconnaissance du drapeau FLNKS à la possibilité de poursuivre la mise en œuvre de l’accord de Nouméa et d’entamer les discussions de sortie.
« J’avais lancé cette idée vendredi dernier en tant que président du groupe FLNKS au Congrès », rappelle Rock Wamytan. « Le Parti travailliste a relayé ma proposition le premier, l’UC l’a fait un jour plus tard. La reconnaissance du drapeau kanak est un élément essentiel dans la perspective de l’ouverture des discussions sur l’avenir institutionnel de la Calédonie. En s’y opposant depuis le début, Philippe Gomès se met clairement en travers de l’accord de Nouméa et il joue à un jeu très dangereux. Il doit respecter notre drapeau. »
L’Etat garantit le droit de manifester, mais aussi le maintien de l’ordre public.
L’Etat garantit le droit de manifester, mais aussi le maintien de l’ordre public.
Discorde. De son côté, Calédonie ensemble crie à l’intimidation, voire à une manœuvre visant à pousser l’Etat à interdire les deux manifestations. « Nous sommes attachés à la liberté d’expression. Le droit de manifester en démocratie est un élément fondamental de cette liberté d’expression. Or l’initiative de Louis Kotra Uregeï et Charles Pidjot vise clairement à dissuader ceux qui ont envie de venir exprimer pacifiquement leur soutien au projet de drapeau identitaire commun », fait valoir Hélène Iekawé. « S’ils voulaient simplement manifester pour exprimer publiquement leur propre opinion, ils pouvaient tout simplement choisir un autre moment. En agissant de la sorte, ils franchissent une nouvelle étape de la mise en œuvre de la pensée unique sur la question du drapeau. »
En définitive, Calédonie ensemble voit dans cette montée de tension la preuve que « le geste de Pierre Frogier (initiateur du lever du drapeau FLNKS au côté du drapeau français, NDLR) nourrit chaque jour un peu plus le vent de la discorde et du racisme. »
Inutile de dire que l’Etat suit avec attention l’évolution des choses. « Pour le moment, nous ne sommes officiellement informés que d’une seule manifestation », rappelle Christian Chassaing, directeur de cabinet du haussariat. « Tout ce que je puis vous dire, c’est que l’Etat est là pour garantir le droit de manifester. Mais ce droit doit être encadré. L’Etat est aussi là pour garantir l’ordre public. Et tout sera mis en œuvre pour qu’il n’y ait aucun trouble à l’ordre public. »
A partir de là, on peut imaginer qu’en alternative à une interdiction pure et simple des deux manifestations, le rassemblement annoncé par les défenseurs du drapeau kanak pourrait n’être autorisé que sous forme de meeting statique, sans possibilité de défiler dans les rues.
Philippe Frédière et Catherine Léhé
« Les Calédoniens pourront faire entendre leur voix »
Pour les membres de la Fondation républicaine calédonienne (FRC), issus « de différentes mouvances loyalistes dont de très nombreux déçus du Rump, le camp du double drapeau est aujourd’hui dans l’impasse, analyse Philippe Blaise, membre démissionnaire du Rump et président de la FRC. L’UC veut aller au-delà en faisant adopter le drapeau FLNKS comme drapeau du pays alors que la majorité des Calédoniens contre l’indépendance ne s’y reconnaissent pas. C’est la preuve qu’il y a bien un dialogue de sourds entre le Rassemblement et l’UC. »
Une lourde responsabilité
Pour sortir de cette crise, la FRC souhaite « dépolitiser » la question du drapeau. « Nous demandons, avec le collectif, que le Congrès relance les travaux sur le drapeau commun et qu’un vrai débat soit engagé comme l’ont promis récemment les deux députés Pierre Frogier et Gaël Yanno. »
Pour la Fondation, la manifestation du 2 avril est « le seul moment où les Calédoniens pourront faire entendre leur voix et dénoncer la supercherie que constitue le double drapeau ». « Louis Kotra Uregei prend une très lourde responsabilité dans [l’organisation d’une contre-manifestation], juge Philippe Blaise, car le seul but est de semer le trouble. Ne vous laissez pas entraîner sur un chemin qui déshonorera le drapeau du FLNKS. »
L’amicale vietnamienne se retire
L’amicale vietnamienne a annoncé, hier, dans un communiqué « le retrait de son soutien à la manifestation de samedi aux côtés du collectif pour un drapeau commun ». « Cette manifestation devait permettre aux citoyens calédoniens de s’impliquer sur un futur drapeau commun où toutes les communautés pourraient se retrouver afin de définir notre envie de construire ensemble notre avenir. Aujourd’hui nous percevons que l’objectif initial n’a pas été respecté », puisque cette journée est aussi celle du soutien à un « parti politique »
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