En Finlande, les chercheurs respectent la parité
Les indicateurs sont formels. Quand il s'agit d'innovation, la Finlande
fait presque toujours partie des premiers de la classe. Le pourcentage d'élèves
ayant des scores exceptionnels en sciences aux tests internationaux y est, et
de loin, plus élevé qu'ailleurs. Le pays est aussi celui qui compte le plus
grand nombre de chercheurs par millier d'habitants. Et parmi ceux-ci, les
femmes sont nombreuses à des postes de responsabilité.
Le phénomène serait relativement récent. "J'étais
la première femme dans ce département", raconte la professeur Tuija Pulkkinen,
chef d'unité à l'Institut météorologique finlandais. "J'ai dû apprendre
à mes collègues que ce n'était pas toujours mon tour de faire le café."
Aujourd'hui, elle constate que beaucoup de jeunes étudiantes en physique
demandent à venir travailler avec elle. "Le simple fait que je sois
femme et chef de division les attire", estime-t-elle.
Asta Kärkkäinen, directrice de l'unité nanosystèmes chez Nokia, le géant
des télécommunications, avoue n'avoir jamais pensé en termes de sexe. "Avec
mes collègues, nous parlions le même langage, la physique, c'était ce qui
comptait." Mais elle admet que les jeunes chercheuses sont
différentes. "Des étudiantes me demandent régulièrement de venir raconter
mon expérience. En parlant avec elles, je constate qu'elles sont bien plus
ambitieuses. Elles sont bonnes dans leur branche et elles veulent devenir
professeur. Le titre était moins important à mon époque."
La politique finlandaise en faveur de l'égalité
des sexes explique en grande partie cette évolution. Depuis les années 1990,
tout comité public se doit d'avoir au moins 40% de femmes. Conséquence : à l'Académie de
Finlande, qui gère la recherche fondamentale, finance des projets et
nomme des professeurs, l'égalité est atteinte dans les quatre conseils
scientifiques. Or ces conseils jouent un rôle prépondérant dans la nomination
des professeurs, même si les évaluateurs scientifiques ont aussi leur mot à
dire, explique Pirjo Hiidenmaa,
directrice de l'unité de recherche culture et société à l'Académie de Finlande.
Certes, les hommes sont nettement majoritaires (33
sur 38) parmi les professeurs d'académie. Mais cela tiendrait à leur âge. Car
parmi les nominations les plus récentes, hommes et femmes sont à peu près à
égalité. Sur les cinq professeurs nommés cette année, deux sont des femmes,
soit 40%, mais celles-ci ne représentaient que 18,3% des candidates à ces
postes. "A compétence égale, c'est une femme qui sera nommée",
explique Riitta Mustonen,
vice-présidente de l'Académie.
ETUDES D'INFIRMIER
La politique volontariste en faveur de l'éducation en général et des
sciences en particulier est un autre ingrédient de la recette finlandaise. Le
programme Luma vise à augmenter l'intérêt des tout jeunes élèves pour les
matières scientifiques. Enfin, la volonté d'accroître la diversité dans tous
les domaines est aussi primordiale. "Des programmes, comme celui de l'Institut
Deaconess d'Helsinki pousse les garçons à choisir des études
d'infirmier. Tandis que le projet européen Equal Mirror
incite les filles à se tourner vers des métiers scientifiques",
explique Lauri Kurvonen,
de l'Agence finlandaise de l'éducation.
Toutes ces mesures ont pu rapidement produire leurs effets parce que la
société finlandaise y était préparée depuis longtemps : "Cela fait déjà
plus d'un demi-siècle que nous avions atteint la proportion de femmes que vous
avez aujourd'hui au Parlement en France", lance sous forme de pique la
professeur Marja Makarow,
présidente de la Fondation européenne de la science, basée à Strasbourg, et
docteur en biologie moléculaire de l'université d'Helsinki.
Olivier Truc
LE MONDE | 06.03.09 |
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