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Etudiants au Québec

Libération.fr, 17 mai 2012 à 09:12, Par SYLVAIN MOUILLARD

Québec : le printemps érable sans fin

Manifestation à Victoriaville le 4 mai 2012
Manifestation à Victoriaville le 4 mai 2012 (Photo Christinne Muschi. Reuters)

 

La mobilisation est sans précédent dans l’histoire du Québec. Depuis plus de trois mois, entre 150 000 et 200 000 étudiants de la province canadienne - près de 50% des effectifs - sont en grève. Comme si, en France, un million de jeunes refusaient de rejoindre les bancs de la fac... Les manifestations sont quotidiennes et le blocage avec le gouvernement semble total. En témoigne la démission de la ministre de l’Education, il y a deux jours.

Le conflit est parti de la décision du gouvernement libéral de Jean Charest d’augmenter les droits de scolarité de 75%, pour atteindre 4 000 dollars par an, plus près de la moyenne nord-américaine. L’objectif, selon le gouvernement, est de réduire les déficits des universités et de renforcer leur compétitivité. Un argument qui ne convainc pas les étudiants, qui demandent un moratoire sur la mesure, et l'organistaion d'états généraux de l'université à l'automne. Derrière trois influentes coalitions - la Classe, la Fecq, et la Feuq - ils ont donné naissance à un nouveau terme, «le printemps érable».

Car leurs slogans vont désormais au-delà des simples droits de scolarité. «Le débat s’est élargi aux missions de l’université et au financement des services publics, analyse Pierre Hamel, professeur de sociologie à l’université de Montréal. On peut même dire que ça va jusqu'à la question des inégalités sociales.»

Pour lui, le mouvement se rapproche de celui des Occupy ou des Indignés, tant dans ses revendications que de ses modes d’action. «Les étudiants utilisent les réseaux sociaux de manière très dynamique et sont extrêmement créatifs avec des regroupements spontanés, des manifestations utilisant la musique, le théâtre...»

A lire aussi : l'interview de Monique Dagnaud sur le premier anniversaire du mouvement des Indignés.

«On est une petite société, on ne sera jamais Yale ou Harvard»

Le coeur du message, lui, reste très politique. «C’est la conception que l’on se fait de l’université qui est interrogée, analyse Jacques Hamel, lui aussi professeur de sociologie à Montréal. Veut-on un modèle américain, où les universités sont conçues comme des entreprises, dans lesquelles on met davantage l’accent sur la recherche que l’enseignement ?»

Pour lui, la réponse est non. A l’entendre, ce modèle serait responsable de la mauvaise santé des facs québécoises. «Les professeurs sont détachés de leur enseignement pour faire de la recherche. A leur place, on engage des chargés de cours, plus précaires. Cela creuse les déficits des établissements.» Autre souci, «la course immobilière» que se livrent les universités de la Belle Province. «Elles redoublent de programmes de construction de campus délocalisés pour attirer de nouveaux clients, explique-t-il. Mais est-ce vraiment nécessaire ? On est une petite société, on ne sera jamais Yale ou Harvard.»

Le mouvement prospère aussi sur un fond de défiance vis-à-vis des politiques. Plusieurs affaires de corruption viennent d'éclater, mettant notamment à jour les liens entre partis et promoteurs immobiliers. Sans oublier le débat autour du «Plan Nord» du gouvernement, qui devrait permettre aux entreprises d’exploiter les ressources naturelles des territoires québécois situés au-delà du 49e parallèle.

«L’austérité, on commence à en parler»

«La crise financière a eu ici des soubresauts moins graves qu’en Europe ou aux Etats-Unis, pointe Jacques Hamel. Mais l’austérité, on commence à en parler.» La contestation du modèle libéral reste toutefois modeste. Ainsi, plusieurs sondages montrent qu’entre 50 et 60% de la population québécoise est opposée aux revendications étudiantes. «Certaines personnes considèrent les étudiants comme de futurs privilégiés, qui auront de bons revenus. Ils estiment que ce n’est pas à l’ensemble de la population de payer pour l’université», éclaire Pierre Hamel.

Le sociologue constate néanmoins «une polarisation de plus en plus forte de la société québécoise, entre une vision libérale traditionnellement majoritaire en Amérique du Nord, et une vision plus sociale.» Problème, juge-t-il, «le clivage droite/gauche est tamisé par la question nationale. En clair, il n’existe pas de débouché politique qui serait fédéraliste, et de gauche.»



18/05/2012
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