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Facebook saoule la préfectorale

LE MONDE | 29.04.10 | 15h11  •  Mis à jour le 29.04.10 | 16h39
Clermont-Ferrand Correspondant

ntre Patrick Stefanini, 56 ans, préfet du Puy-de-Dôme, et Toto, 19 ans, lycéen à Clermont-Ferrand, la partie apparemment n'est pas égale. Le plus fort n'est pourtant pas forcément celui qu'on pense. Les tentatives du premier pour empêcher la tenue de l'"apéro géant" que le second a pris l'initiative de fixer au jeudi 29 avril semblent vouées à l'échec.

Toto dispose d'une arme redoutable : la puissance de feu de Facebook, le réseau social sur Internet qui compterait 15 millions de membres en France. Sur sa page, 9 466 internautes ont confirmé leur intention de venir prendre l'apéritif sur la place principale de Clermont-Ferrand et 10 462 autres ont annoncé qu'ils y "participeront peut-être".

La capitale auvergnate pourrait décrocher le record de participation jusqu'ici détenu par Brest, qui vu un rassemblement de 7 000 personnes le 9 avril. Ce sera un nouvel épisode d'une série qui fait fureur chez les membres de Facebook. Nantes a donné le coup d'envoi le 10 novembre 2009, avec 3 000 participants. Après la trêve hivernale, Rennes a relancé le mouvement le 25 mars, avec 5 000 personnes, suivie de Caen le 7 avril.

"Cette volonté de faire du lien social n'est pas nouvelle, on le constate avec les repas de quartiers ou les fête de voisins, note la sociologue Nina Testut . Ce qui est en revanche nouveau, c'est le changement d'échelle que permet l'outil Facebook. Il y a là une masse qui échappe au contrôle de l'Etat."

Et de fait, les "apéros géants" mettent les préfets devant un problème inédit. "Nous sommes face à un événement pour lequel il n'y a pas d'organisateurs, et dont nous ne pouvons pas prévoir l'ampleur", résume Patrick Stefanini. Pour l'administration, l'incertitude est d'autant plus embarrassante que le risque est jugé élevé. Les comas éthyliques de Nantes ont suscité beaucoup d'inquiétudes. "L'épisode nantais a montré qu'on est à la limite, commente Luc Ankri, le directeur du cabinet du préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a géré le rassemblement de Rennes. Ce qui fait peur, c'est évidemment l'incident tragique."

D'où la tentation de certains représentants de l'Etat d'interdire les rassemblements. C'est l'option choisie par Christian Leyrit, à Caen. "Avoir un rassemblement de 5 000 personnes, comme le laissaient entrevoir les inscriptions sur Facebook, présentait des risques importants en matière de sécurité", explique le préfet du Calvados, qui a pris un arrêté d'interdiction de consommation d'alcool sur la voie publique. Résultat, ils n'étaient "que" 1 800 devant le château de la cité normande.

A Foix, c'est aussi l'interdiction qu'a choisie le préfet de l'Ariège. Ce qui s'est traduit par un régime sec : 10 participants le 17 avril au lieu des 364 qui s'étaient annoncés. Le préfet de l'Hérault a également interdit l'événement prévu le 12 mai à Montpellier. "Un arrêté d'interdiction ? C'est difficile parce qu'il faut se donner les moyens de le faire respecter, note Luc Ankri. A Rennes, compte tenu du nombre de personnes annoncées, la moindre intervention des forces de l'ordre aurait pu entraîner des affrontements."

L'embarras de l'Etat face aux apéros est particulièrement sensible en Auvergne, où Toto est longtemps resté insaisissable. "C'est en voyant aux infos l'apéro de Rennes que j'ai décidé avec mon frère de faire la même chose à Clermont-Ferrand", explique-t-il au Monde.

C'est finalement au bout de quinze jours que les deux frères ont pris contact avec Patrick Stefanini. Lequel leur a signifié que leur responsabilité pénale pourrait être mise en cause, et qu'ils pourraient avoir à payer 30 000 euros pour la prestation des services de sécurité et de secours. De quoi refroidir les deux frères, qui ont alors fait machine arrière. "Nous appelons tout le monde à ne pas venir le 29 avril", ont-ils indiqué sur Facebook.

Le message a fait ricaner les internautes. "Il pourront rien faire si on y va tous, iora trop de monde, fodré vraiment pas avoir de chance pour se faire pécho", affirme l'un deux. "L'impact de ce retrait sur la dimension de l'événement reste imprévisible", pour Patrick Stefanini.

Le préfet du Puy-de-Dôme a, quoi qu'il en soit, prévu un très important dispositif de sécurité. Il n'a pas voulu prendre d'arrêté d'interdiction, et en appelle "au bon sens et à la raison des parents" pour boucler les ados à la maison. Ce qui ne l'empêche pas de maintenir sa menace de poursuivre pénalement les membres de Facebook qui appelleraient à rejoindre le rassemblement.

"Personne ne peut arrêter Facebook", estime Etienne Vuillaume, le webmaster du quotidien clermontois La Montagne, qui se passionne pour les nouvelles formes de sociabilité. C'est sans doute ce que l'on pourra vérifier le 23 mai à Paris : un groupe Facebook vient de se créer et appelle à nouvel "apéro géant". Lieu de rendez-vous ? La tour Eiffel.


Manuel Armand
Article paru dans l'édition du 30.04.10


30/04/2010
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