Fidji privé de soutien
Depuis 2007, l’UE et le Commonwealth gardent un œil sur Fidji et appliquent des mesures restrictives censées faire fléchir le Commodore Voreqe Bainimarama. Face à un gouvernement militaire qui continue d’imposer des « évolutions régressives », les deux organisations ont décidé de supprimer les aides au développement à l’archipel.
Le conseil de l’Union européenne a annoncé, lundi, une nouvelle
prorogation pour une période de six mois des mesures (1) en place depuis
2007 à l’égard de la République des Îles Fidji, dans le but de « contribuer au retour de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de l’État de droit dans le pays », précise le Conseil de l’UE dans un communiqué. «
Cette décision fait suite à l’absence persistante de progrès dans la
mise en œuvre des engagements clés que les îles Fidji avaient convenus
avec l’UE en 2007 » et à ce que l’UE qualifie d’« évolutions régressives », notamment l’abrogation de la Constitution mi-avril 2009.
Ces
engagements concernent principalement le respect des principes
démocratiques, l’État de droit, les droits de l’homme et les libertés
fondamentales. Or, depuis, la situation aux îles Fidji a connu
l’abrogation de la Constitution (mi-avril 2009), ainsi que des
violations des droits de l’homme et le report de la tenue des élections
législatives.
Il s’agit de la troisième prorogation de ces mesures, qui s’appliqueront désormais jusqu’au 31 mars 2011. « Ces mesures visent à réaliser une transition vers la démocratie et l’État de droit dans la République des Îles Fidji », précise l’UE, qui nuance en annonçant son maintien des « opérations humanitaires, ainsi que le soutien direct à la société civile et à la consolidation de la démocratie ».
L’UE examine la possibilité d’apporter un soutien direct aux populations vulnérables, sans passer par le gouvernement.
L’UE examine la possibilité d’apporter un soutien direct aux populations vulnérables, sans passer par le gouvernement.
Néanmoins, les subventions au sucre en faveur des Îles Fidji ont été annulées pour les années 2007 à 2010.
En
outre, tant que les engagements relatifs aux droits de l’homme et à
l’État de droit ne seront pas respectés, aucun nouveau financement ne
pourra être alloué dans le cadre du 10e Fonds européen de développement.
Un gel des enveloppes financières du FED approchant les 18 milliards de
francs.
Par ailleurs, « compte tenu de la détérioration de la
situation économique et sociale, et en particulier de l’accroissement
sensible de la pauvreté, l’UE examine actuellement des possibilités
d’apporter un soutien direct aux populations vulnérables, sans passer
par le gouvernement fidjien. »
De son côté, le contre-amiral
Franck Voreqe Bainimarama, qui dirige depuis janvier 2007 un
gouvernement issu de son putsch datant du 5 décembre 2006, maintient,
depuis juillet 2009, que des élections ne pourront avoir lieu avant
septembre 2014 et qu’elles devront avoir été précédées de profondes
réformes institutionnelles et constitutionnelles, qu’il annonce avoir
lieu courant 2012-2013.
La semaine dernière, lors d’une réunion en
marge du sommet des Nations unies à New York, le groupe d’action
ministériel du Commonwealth a aussi une nouvelle fois statué sur le cas
des îles Fidji en maintenant la suspension de cet archipel de son statut
de membre plein, tout en réaffirmant sa volonté de maintenir un
engagement avec les autorités locales pour lui porter assistance « dans son chemin de retour à une démocratie constitutionnelle, en accord avec les valeurs et les principes du Commonwealth ».
Ce
groupe ministériel du Commonwealth était composé notamment des
ministres des affaires étrangères de l’Australie (Kevin Rudd), de la
Nouvelle-Zélande (Murray McCully) et de Vanuatu (Joe Natuman).
«
Le groupe a réitéré sa grave préoccupation concernant le manque de
progrès effectués en vue de rétablir une démocratie constitutionnelle
civile à Fidji. Il a convenu, avec regret, que la suspension de Fidji du
Commonwealth demeurait nécessaire afin de protéger les valeurs
fondamentales du Commonwealth », précise un communiqué final qui « réaffirme sa solidarité avec le peuple de Fidji ».
(1).
Les mesures de l’UE avaient été prises pour la première fois le 1er
octobre 2007 à la suite du coup d’État militaire du 5 décembre 2006,
qualifié par l’UE de violation de la démocratie et de l’État de droit.
L’aide humanitaire conservée
En mars 2010, illustrant la sanctuarisation de l’aide strictement
humanitaire, la délégation de l’Union européenne pour le Pacifique a
signé avec le gouvernement fidjien et son ministère de l’Education un
protocole concernant une aide d’urgence de 93 millions de francs
destinée à venir en aide aux opérations de remise en état des nombreuses
infrastructures scolaires endommagées par le récent passage des
cyclones Tomas, le 15 mars 2010, et Mick, en décembre 2009. De plus,
début juin 2010, le gouvernement de Suva a annoncé son intention de
signer la version amendée de l’accord de Cotonou, qui régit, depuis juin
2000, les relations humanitaires entre l’Union européenne et les pays
du groupe ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique). Cette signature est prévue
pour avoir lieu lors de la prochaine session du Conseil conjoint des
ministres ACP-UE, en 2011 à Bruxelles.
« Je ferai de l’autocensure »
« Il n’est pas possible de parler librement dans ces circonstances ». Voilà le triste constat établi, la semaine dernière, par Dallas Swinstead, le nouveau rédacteur en chef du Fiji Times. « Je ferai de l’autocensure. Je n’ai pas envie de faire fermer le journal. Je comprends ce que signifie la liberté d’expression mieux que beaucoup d’autres. Je comprends sa valeur, mais, malheureusement, il n’est pas possible de parler librement dans ces circonstances », a déclaré le journaliste australien qui vient de prendre les rênes du plus puissant quotidien fidjien, récemment vendu par l’entreprise australienne News Limited au groupe fidjien Motibhai. « Je sais que je suis un bon médiateur et négociateur, donc j’essaierai de convaincre les gens du gouvernement, de leur faire comprendre l’importance d’une presse libre et ouverte. L’important, c’est de ne pas rompre le dialogue. Mais je ne fais aucune promesse, et si on nous demande de nous taire ou si on menace de fermer le journal, je n’aurai pas d’autre choix que de faire avec », ajoute, pragmatique, celui qui a déjà été rédacteur en chef du Fiji Times entre 1976 et 1980.Selon un récent décret instauré par le gouvernement militaire, les médias fidjiens doivent être détenus à 90 % par des groupes locaux sous peine de fermeture. Le Fiji Times a été vendu à la dernière minute, son propriétaire espérant lutter contre l’ultimatum imposer par Voreqe Bainimarama. En vain.
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