Gommer les différences
Mer 02 Jui
2010 |15:00, Les Nouvelles Calédoniennes
Depuis dix ans, l’Australie fête, du 27 mai au 3 juin, la Semaine de la
réconciliation. Un rendez-vous incontournable qui met en avant la richesse de
la culture aborigène et qui permet à tous les Australiens de « compléter »
concrètement le rapprochement entre les deux peuples.
Le
28 mai 2000, contre toute attente, plus d’un million de personnes prennent part
à des marches de réconciliation à travers toute l’Australie. Une participation
record qui redonne un coup de fouet à l’idée d’une réconciliation entre les
peuples aborigènes et les autres Australiens.
A
Sydney, près de 300 000 personnes traversent à pied, cette année-là, le
fameux Sydney Harbour Bridge, drapeaux australiens et aborigènes battant
ensemble dans le vent.
Dix
ans plus tard, l’Australie continue de fêter chaque année sa Semaine nationale
de la réconciliation, du 27 mai au 3 juin. Une semaine de célébrations et de
reconnaissance de la richesse de la culture aborigène et de réflexions sur les
succès des autochtones australiens. Pour Robert Beattie, porte-parole de
l’association Reconciliation Australia, cette semaine nationale de
réconciliation est « l’opportunité parfaite pour tous les Australiens,
blancs et noirs, de faire une pause et réfléchir sur le passé, et de penser à
ce qu’ils peuvent faire pour transformer de bonnes intentions en actions et
ainsi compléter le processus de réconciliation ».
Au
programme, peu de grands discours officiels, mais plutôt des centaines
d’activités différentes menées sur le terrain et organisées par les écoles, les
grandes entreprises, les mairies, les associations et les bénévoles de
quartiers.
Rétablir
l’égalité entre les autochtones et les autres Australiens.
Que
ce soient des expositions de photos ou des compétitions dans les écoles, toutes
rejoignent un même objectif : continuer à se mobiliser ensemble pour
combattre l’injustice et rétablir l’égalité entre autochtones et
non-autochtones, que ce soit dans la santé, l’emploi ou l’éducation.
Car
les disparités sont visibles partout. Ainsi, alors que seulement 2,5 % de
la population australienne est autochtone, dans les prisons, ces derniers
représentent 24 % des détenus.
Sur
la nouvelle page de Facebook de l’association Reconciliation Australia, Narelle
Stewart écrit « […] comme toutes les victimes de traumatisme, il
faudra encore beaucoup de temps avant de voir de la lumière au bout du tunnel.
Mais que ce soit en traversant le pont ou en le construisant, la confiance
mutuelle doit être le support principal car sans cela le pont s’écroulera
».
Lisa
Farah avoue elle que ce n’est qu’au travers des études universitaires de ses
enfants qu’elle a découvert « ce qui s’est vraiment passé à cette époque ».
« Ils ne nous apprennent pas cela à l’école », écrit-elle.
« Alors que je crois que si l’histoire aborigène était enseignée dans les
écoles, davantage de gens comprendraient et s’impliqueraient davantage dans la
réconciliation. »
Nicole Gooch, à Sydney
En Nouvelle-Calédonie...
Pour
la seconde année consécutive, la Semaine des Aborigènes et des Insulaires du détroit
de Torres (Naidoc Week) sera célébrée en Nouvelle-Calédonie le 11 août, en
présence du réalisateur aborigène Warwick Thornton qui viendra présenter Samson
et Delilah, caméra d’or au Festival de Cannes en 2009. L’accès à l’ensemble des
événements organisés dans le cadre du Naidoc sera libre et gratuit.
« Des
générations de désavantages »
Malgré
toutes les promesses du gouvernement, les statistiques ne mentent pas. Alors
que les autochtones ne représentent que 2,5 % de la population totale,
l’espérance de vie des Aborigènes est de onze ans inférieure à celle des non
aborigènes, et le taux de mortalité des enfants aborigènes âgés de moins de
cinq ans est deux fois plus élevé que chez les autres Australiens.
Face à ce triste constat, le gouvernement australien a lancé en 2008 un
programme de dix ans baptisé « Close the Gap Campaign », visant à
effacer en une génération la différence dans l’espérance de vie entre
autochtones et non-autochtones. « C’est en effet une obscénité
que dans ce pays riche, les hommes autochtones meurent en moyenne à l’âge de 59
ans, soit 18 ans plus tôt que les hommes non autochtones. Et les femmes
autochtones ne vivent que jusqu’à l’âge de 65 ans en moyenne, comparé à 82 pour
les femmes non autochtones… », avait déclaré à l’époque
le Premier ministre australien Kevin Rudd.
Pour la réussite scolaire
Depuis,
l’écart dans l’espérance de vie a été recalculé avec de nouveaux résultats,
mais sur le terrain, les progrès restent lents. « Des générations de
désavantages ne peuvent pas être effacées en une nuit », a expliqué Rudd
en février 2010, lors du deuxième compte rendu annuel sur le programme. « Mais
il n’y a pas de défi social plus important en Australie que celui d’effacer cet
écart. » En attendant, les taux de mortalité autochtones diminuent, mais
les taux d’obésité augmentent encore, et avec eux, les problèmes cardiaques et
diabétiques.
Si entre 2002 et 2008, le taux d’autochtones actifs a augmenté de 48 à 53,8 %,
il apparaît encore bien au-dessous des taux d’emplois observés dans la
population des Australiens blancs.
Récemment, les autorités australiennes ont également annoncé leur intention
d’œuvrer pour la réussite scolaire des élèves autochtones d’ici 2020.
Actuellement, seuls 47,4 % d’entre eux obtiennent leur bac, ou un diplôme
équivalent.
Repères
1967 : Un référendum est
voté a plus de 90 % pour changer la constitution australienne.
Le
gouvernement peut légiférer sur des questions relatives aux droits des
autochtones.
1992 : L’autochtone
Eddie Mabo gagne un procès historique contre le gouvernement du Queensland, qui
annule la déclaration de Terra Nulius, ou « terre n’appartenant à personne »
qui datait de la colonisation britannique de 1788.
2002 : L’Etat du
Queensland, suivi par le NSW, lance un programme de remboursement des
aborigènes dont les salaires avaient été volés par le gouver-nement, entre 1900
et 1969.
2008 : Le Premier
ministre Kevin Rudd demande officiellement pardon aux « générations volées »,
au nom du Parlement australien et du peuple australien. Jusqu’à 1969, des
générations d’enfants aborigènes avaient été enlevées de force à leur famille pour
être placés en institutions.
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