L'appel de Sarkozy aux Kanaks
La visite en Nouvelle-Calédonie du chef de l'État s'est effectuée dans un climat apaisé.
Revêtu d'un collier de coquillages, Nicolas Sarkozy s'est frayé un chemin au milieu des danseurs pendant la cérémonie traditionnelle de bienvenue. Puis il a écouté le président du Sénat coutumier, Pascal Sihazé : «N'ayez pas peur des Kanaks !» lui a lancé celui-ci en conclusion de son propos. Le chef de l'État lui a aussitôt répondu : «N'ayez pas peur de la République française !» Cet échange résume le ton du premier jour de déplacement du chef de l'État dans cette collectivité autonome du Pacifique : amical et sous le signe du compromis. De fait, l'hypothèse d'une indépendance totale de la Nouvelle-Calédonie n'était pas dans les esprits vendredi. Même si les tensions restent vives, notamment sur le thème de la vie chère.
«Aujourd'hui, deux tiers des Calédoniens sont prêts à rester associés à la France pourvu qu'ils jouissent d'un gouvernement autonome. Ils se satisfont d'une France qui assume les fonctions régaliennes», explique un haut fonctionnaire local. «On va vers un régime d'association original, où la Nouvelle-Calédonie n'accédera pas à l'indépendance pleine et entière, par exemple en réclamant un siège aux Nations unies», résume en aparté l'ancien facilitateur des accords de Matignon, Christian Blanc, qui revenait en Calédonie pour la première fois depuis l'enterrement de Jean-Marie Tjibaou, le leader kanak assassiné en 1988.
De fait, les indépendantistes ont fait bon accueil au chef de l'État. «C'est la première fois qu'ils acceptent de se joindre aux autorités de l'île pour accueillir un président de la République», note Jean-Claude Briault, actuel membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et auteur d'un livre récent sur l'identité calédonienne. Contrairement à Jacques Chirac, venu en 2003, qui était tenu pour responsable du massacre de la grotte d'Ouvéa en 1988, Nicolas Sarkozy n'a pas de contentieux avec la Nouvelle-Calédonie. Vendredi, il a donc multiplié les marques d'ouverture : «Il va bien falloir trouver un compromis», a-t-il longuement expliqué aux élus de l'île, alors qu'en 2014 s'ouvrira une période de quatre ans au cours de laquelle les Calédoniens voteront sur l'avenir de leur île.
Renforcement des effectifs de police
Selon plusieurs élus, c'est l'acceptation par l'Élysée - en accord avec certains élus UMP de l'île, dont le député Pierre Frogier - d'afficher le drapeau kanak à côté du drapeau tricolore dans tous les lieux publics qui a sérieusement décrispé le climat politique local. Une décision que Sarkozy a assumée tout en précisant qu'elle n'avait pas été «facile» et en soulignant qu'il ne «permettrait jamais à personne de dire que ces gestes d'apaisement sont la marque d'un moindre attachement à la Nouvelle-Calédonie française». Le premier geste de Nicolas Sarkozy dès son arrivée a d'ailleurs été de se rendre devant le monument aux morts de Nouméa, où il a salué le ralliement précoce, six jours après l'Appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle, de la Nouvelle-Calédonie à la France libre. Mais le chef de l'État est aussi revenu sur le drame du 6 août, quand un conflit sur le prix des billets d'avion a dégénéré sur l'île de Maré, à 200 km de Nouméa, en un affrontement qui s'est soldé par la mort de quatre jeunes Kanaks, tandis que trente autres étaient blessés : «En Calédonie, moins qu'ailleurs, on ne peut tolérer la première violence, parce que la mèche peut être toute petite qui fait le grand incendie.»
Interpellé, lors d'une table ronde, sur la montée de la délinquance, Sarkozy a annoncé un renforcement des effectifs, avec l'arrivée de soixante-dix nouveaux policiers dans l'archipel, d'un doublement des voitures de police ainsi que la création d'un Groupement d'intervention régional (GIR) pour lutter contre «les ravages spectaculaires de l'alcool» et le trafic de drogue. L'après-midi, dans un quartier mixte de Nouméa où se côtoient villas luxueuses et immeubles d'habitat social flambant neufs et dans une ambiance très détendue, au milieu des drapeaux tricolores, il a réaffirmé que l'État serait un «partenaire loyal» dans l'application des accords de Nouméa, et qu'il était prêt à «aller très loin dans la spécificité de la Nouvelle-Calédonie». «On est mieux ici que tout près de La Rochelle», a ironisé un proche du président, allusion aux universités d'été du PS.
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