Pierre Frogier en appelle à la solidarité entre provinces
A l’issue du débat d’orientation budgétaire de la province Sud, en difficulté financière, son président Pierre Frogier a lancé la proposition d’un fonds interprovincial destiné à de grands projets, mais aussi à l’entraide en cas de difficultés.
L’exposé a été sombre et les débats qui ont suivi plutôt polémiques. Les finances de la province Sud vont mal. Il manque officiellement 5 milliards pour boucler sereinement le budget prévisionnel 2011. Hier, en fin de séance à l’assemblée de province, pour sortir de l’ornière par le consensus, son président, Pierre Frogier, a fait une annonce et une proposition.
L’annonce, c’est celle du retrait par le groupe Rassemblement de la proposition de loi du pays visant à réaffecter au profit de la province Sud certaines recettes fiscales. « Je le fais pour calmer les choses et par volonté d’apaisement, puisque ce sujet a été monté en épingle et fait l’objet de polémiques », a-t-il expliqué.
La proposition, c’est un appel du pied à Paul Néaoutyine et Neko Hnepéoune, pour que les trois provinces s’entendent sur la création d’une structure et d’un fond interprovincial. « Une telle structure existait avant 1998 sous l’autorité du haut-commissaire. Et il est urgent de la réactiver. Nous devons rétablir une harmonie entre nos trois collectivités. »
Volontariat. Quant au fonds qui l’accompagnerait, il « serait basé sur le concours volontaire de chaque collectivité et serait avant tout destiné à financer des opérations structurantes en matière de transport, de logements sociaux, ou d’aide sociales. Son second objectif serait de servir de réserve financière aux provinces. Un réceptacle budgétaire dans lequel les provinces auraient un droit de tirage. Si nous parvenons à mettre en place rapidement ce fonds, et que les deux autres collectivités acceptent de mettre une partie de leurs excédents à notre disposition pour une période déterminée, ce sera une véritable bouffée d’oxygène pour les finances de la province Sud. »
Pierre Frogier a tendu la main aux autres provinces, mais a vertement taclé l’Etat et Philippe Gomès.
Quant au débat sur la révision de la clé de répartition, Pierre Frogier estime qu’il trouvera sa place, au cours des prochaines années, dans les discussions sur l’avenir institutionnel calédonien.
Gouvernement. Cette proposition vise aussi à redonner aux provinces la prééminence institutionnelle sur un gouvernement qui accroît son pouvoir et qui avait entrepris une conciliation auprès des provinces sur les inégalités financières. Ce dont Pierre Frogier n’a pas voulu. « Nos assemblées sont élues au suffrage universel direct. Elles sont dirigées par un exécutif clairement identifié. Elles sont au cœur du dispositif institutionnel calédonien et elles doivent le rester. » Après cette affirmation, Pierre Frogier a prié Philippe Michel d’aller faire passer le message à son ami Philippe Gomès.
Il s’en est aussi pris à l’Etat, « qui est parfaitement informé des difficultés structurelles de la province, puisque la personne qui contrôle nos comptes le fait sous la tutelle de l’Etat. Et pourtant, l’Etat nous demande, pour les prochains contrats de développement, une participation qu’il nous est impossible d’honorer. » Et ce, en dépit des cris d’alarmes lancés par le député lors du comité des signataires et plus récemment à l’Assemblée nationale.
Ph. F.
Le budget se présente mal
Qui est responsable de l’impasse budgétaire de la province sud ? Tous les doigts pointent le parti de Philippe Gomès, qui se défend et contre-attaque.
La Province sud a besoin de 5 à 6 milliards pour boucler son budget 2011. Et malgré un endettement relativement faible, elle ne peut pas tout emprunter puisque la loi lui fait obligation d’avoir une capacité d’autofinancement pour obtenir des crédits. Voilà le constat qui a été posé à l’assemblée de la province Sud. Un constat partagé par tous les groupes politiques, à l’exception de Calédonie ensemble, le parti de Philippe Gomès, qui était président de l’institution entre 2004 et 2009.
Mise en accusation du précédent exécutif
La discussion budgétaire véritable aura lieu fin décembre. Mais les grandes lignes sont tracées.
Rigueur, gel des embauches, et coupes dans les dépenses culturelles et probablement d’aide au logement. Ce débat a été l’occasion pour tous les groupes politiques de mettre en accusation la gestion du précédent exécutif. Et de ressortir une étude demandée en 2004 par Philippe Gomès, qui prédisait un passage au rouge des finances provinciales à compter de 2009.
Réactions dans l’hémicycle
- Philippe Michel, Calédonie ensemble : « Nous avons bien géré entre 2004 et 2009 »
« Nous avons bien géré entre 2004 et 2009. Si la province Sud est aujourd’hui en difficulté, c’est bien sûr à cause d’une baisse des recettes.
Mais c’est aussi parce qu’en 2009 et 2010, de mauvais choix ont été faits. Comme par exemple celui de financer sur ses fonds propres 5,2 milliards d’opérations qui avaient été prévues sous forme d’emprunt.
Sur les sept dernières années, les dépenses de fonctionnement ont été supérieures aux recettes de fonctionnement. C’est vrai, mais pas sur la période 2004-2008 [A noter que la seule année 2008 a permis de très gros excédents budgétaires et suffit à rendre la période positive, NDLR]. Ce n’est qu’en 2009 que les choses se sont dégradées. Quant à la masse salariale, son poids a augmenté de 35 % entre 2004 et 2008. C’est à peu près la même chose que sous la mandature Jacques Lafleur.
Et l’essentiel de cette augmentation résulte de contraintes incontournables (recrutement de nouveaux enseignants, augmentation des cotisations, etc.). Quand nous avons pris la province, son taux d’endettement était de 18 %. Quand nous l’avons rendue en 2009, il était de 17 %. Je ne vois pas dans ces chiffres la marque de la folie dépensière dont on nous accuse. »
- Syvain Pabouty, FLNKS : « Un déficit annoncé dès 2004 »
« Le déficit révélé est le résultat d’une gestion irresponsable et de l’absence de vision politique accompagnant le processus de décolonisation dans lequel nous nous inscrivons.
Le déficit que nous connaissons avait été annoncé dès 2004, mais aucune mesure structurelle pour y parer n’a été prise. Le FLNKS propose d’affecter à la Province sud les 5,5 milliards attendus du redressement budgétaire de la SLN. »
- Didier Leroux, ex-Avenir ensemble : « Les gestionnaires et les démagogues »
« Si de tels débats avaient eu lieu plus tôt, on aurait fait la différence entre les gestionnaires prévoyants, rigoureux et sérieux, et les démagogues insouciants, laxistes et irresponsables […]. Aujourd’hui, nous sommes face à un document d’orientation qui montre clairement où conduit l’action politique lorsque l’on a pour seul point de mire le souci de sa popularité. Un souci de plaire pour être réélu, et qui amène à satisfaire des revendications immédiates au mépris de l’intérêt général du pays à moyen terme. »
- Gil Brial, Rassemblement : « Faire preuve de créativité »
« Tout ou presque a été dit sur les causes d’un déficit structurel, aggravé par une mauvaise gestion. Personne, à condition d’être de bonne foi, ne peut contester la réalité des chiffres.
Puisqu’ils sont repris d’un rapport produit par le Trésor public. Nos concitoyens ne sont pas dupes de la manipulation de certains. Le réalisme et les contraintes budgétaires nous obligent maintenant à faire preuve de créativité pour réaliser nos actions. »
- Corinne David, Avenir ensemble : « La cagnotte a fondu »
« Lorsqu’on voit un taux d’épargne brute passer de 24,3 % en 2008 à 0,4 % en 2009, on se demande comment la cagnotte a pu fondre à une vitesse aussi fulgurante, et ce juste durant la période des élections provinciales. »
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