Après Blog Service

Après Blog Service

L'UFC-Que Choisir tacle les mutuelles étudiantes

LE MONDE |12.09.2012 à 17h31 • Mis à jour le13.09.2012 à 11h11

Par Nathalie Brafman

Le constat est accablant. Dans un rapport rendu public mercredi 12 septembre, l'UFC-Que Choisir critique le fonctionnement des mutuelles étudiantes. Opacité, pratiques commerciales douteuses, qualité de services dégradée : pour la première association de consommateurs, ce système est "aussi défavorable aux étudiants qu'onéreux pour la collectivité".

Alertée depuis plusieurs mois par des étudiants, l'UFC-Que Choisir a lancé un sondage et une enquête de satisfaction en ligne. Près de 850 étudiants y ont répondu. "Puis nous avons analysé dans le détail le fonctionnement de la protection sociale étudiante ainsi que le contenu des contrats de complémentaire santé étudiante", explique le président de l'UFC-Que Choisir, Alain Bazot.

Alors que l'état de santé des étudiants se dégrade en France, qu'un étudiant sur trois a renoncé à se faire soigner au cours des douze derniers mois même pour des soins courants, les conclusions d'UFC-Que Choisir sont inquiétantes. Les étudiants sont perdus ! Seuls 39 % d'entre eux ont compris que la mutuelle étudiante remplace la Sécurité sociale de leurs parents et à peine davantage (42,9 %) que les remboursements sont les mêmes quel que soit l'organisme choisi (deux dans chaque région).

 

"Il y a un brouillard total dans l'esprit des étudiants, entretenu par les établissements eux-mêmes, critique Alain Bazot, entre leurs missions de sécurité sociale d'intérêt général et leurs activités privées." Les mutuelles étudiantes peuvent en effet vendre des complémentaires santé, de l'assurance habitation ou automobile... Une confusion sémantique due à l'appellation même de "mutuelle" étudiante, que les établissements se gardent bien d'éclaircir.

Les pratiques commerciales sont également dans le collimateur de l'UFC-Que Choisir. Comme leur financement dépend du nombre d'étudiants affiliés auprès d'elles, les mutuelles se livrent à une course à l'inscription. "C'est comme si on introduisait pour les salariés une concurrence entre la caisse primaire d'assurance-maladie et un autre établissement !", ajoute M. Bazot.

 

Dès qu'il arrive à l'université pour s'inscrire, l'étudiant est ainsi "harponné" par d'autres étudiants formés à la va-vite. Tout cela avec la "complicité bienveillante" des universités, qui mettent à la disposition des mutuelles des espaces de vente. Parfois même, la souscription de produits commerciaux est incluse dans les formulaires administratifs d'inscription. La technique de vente est bien rodée : jouer sur la confusion entre sécurité sociale et mutuelle, entre ce qui est obligatoire et ce qui ne l'est pas. Selon UFC-Que Choisir, seulement 23,7 % des étudiants savent que la complémentaire santé n'est pas obligatoire, 26,6 % qu'ils peuvent en souscrire une ailleurs.

 

Tout cela n'arriverait pas si le client n'était pas aussi captif. La concurrence pourrait en effet jouer sur la partie complémentaire santé. D'autant que, selon l'étude de marché d'UFC-Que Choisir, les produits des mutuelles étudiantes ne sont pas toujours les plus avantageux. Pour un même contrat, un étudiant devra débourser 46 euros par mois à la Smerep et 49,75 euros à la LMDE, contre 34,57 euros chez Axa ou encore 22,88 euros chez Amaguiz, un assureur en ligne.

La qualité du service est elle aussi épinglée : difficultés à joindre les plates-formes téléphoniques, courriers et mails restés sans réponse, attente interminable en agence qui finit le plus souvent par décourager l'étudiant, délais de plusieurs mois pour obtenir sa carte Vitale. Selon l'enquête, un tiers des nouveaux étudiants l'attendent plus de trois mois, ce qui les empêche de bénéficier du tiers payant et les contraint souvent à renoncer à se faire soigner car ils ne peuvent pas avancer les frais.

 

Enfin, l'UFC-Que Choisir souligne le coût de ce régime spécifique de sécurité sociale. Son taux de gestion est trois fois supérieur à celui de l'assurance-maladie. En 2011, les mutuelles étudiantes ont dépensé 93 millions d'euros en frais de gestion. Sur la même période, elles ont distribué aux étudiants 681 millions d'euros de prestations, soit un taux de frais de gestion de 13,7 %.

Pour l'association de consommateurs, c'est le système dans son ensemble qu'il faut supprimer. "Il faut y mettre un terme et remettre le régime général des étudiants dans le giron des caisses primaires d'assurance-maladie", estime tout simplement M. Bazot. Pour lui, rien ne peut plus légitimer l'existence d'un tel système. En attendant, le Sénat, inquiet de la santé et de la protection sociale des étudiants, a lancé une mission. Son rapport est attendu prochainement.

Nathalie Brafman

 

Une spécificité française

Un régime dérogatoire La loi de 1948 prévoit que la gestion et le versement des prestations sont délégués à des sections mutualistes d'étudiants. Les boursiers et les étudiants de moins de 20 ans sont exonérés de cotisation.

 

Organisation Depuis 1971, il existe deux grandes mutuelles étudiantes, la LMDE (ex-MNEF, 920 000 étudiants) et un réseau de dix mutuelles régionales (SMER). Les étudiants doivent choisir l'une d'entre elles au titre de leur sécurité sociale.

 

Coût Pour la rentrée universitaire 2012-2013, la cotisation s'élève à 207 euros.

 

Nombre de bénéficiaires Sur les 2,32 millions d'étudiants de l'enseignement supérieur, 1,75 million sont couverts, au titre de leur sécurité sociale, par une mutuelle étudiante. 570 000 étudiants passent par une mutuelle étudiante pour leur complémentaire santé.



13/09/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 209 autres membres