L'urbanisme au service du Grand Nouméa
Lun 14 Jui 2010 |11:42, Les Nouvelles Calédoniennes
Connaissez-vous
« Grand Nouméa » ? Ce membre du réseau social Facebook diffuse sur
Internet des articles liés à l’urbanisme, en particulier au développement de
l’agglomération nouméenne. Entretien avec l’auteur, alias François Serve, « un
passionné de la ville, des systèmes qui composent la ville et des
problématiques humaines et sociales qui s’y logent »,
soucieux de « faire vivre un débat public sur les questions
urbaines ».
- Les
Nouvelles calédoniennes : Que vous inspire la façon dont l’agglomération
nouméenne se développe ?
François Serve : L’excitation
et l’inquiétude des grands défis. Ces défis se situent tout d’abord dans la
maîtrise d’un étalement urbain qui est grand consommateur d’énergie et de
déplacements toujours plus longs, et qui abîme grandement les paysages et la
biodiversité, tout en étant délicat à gérer financièrement pour les
municipalités. Le modèle économique de l’étalement urbain qui est celui de la
ville de la deuxième moitié du XXe siècle s’essouffle et il convient d’en
anticiper la fin, qui correspond à la fin de l’énergie à coût réduit. Ces défis
se situent ainsi beaucoup dans la gestion des mobilités urbaines. Mais la ville
étant un système de sous-systèmes, ce défi de la mobilité urbaine se voit lié à
celui du logement, en particulier du logement abordable, et finalement à la
question foncière.
- Qu’entendez-vous
par « question foncière » ?
La maîtrise du foncier, et de son
coût, apparaît une question déterminante. Non seulement pour lutter contre
l’étalement urbain, mais aussi contre les disparités sociales et ethniques du
Grand Nouméa. Voilà bien un autre défi de taille, celui de créer une ville à
l’image du pays. Un autre défi immense, c’est celui de la gouvernance dans une
agglomération politiquement fragmentée.
- Vous
défendez une vision alternative de la ville. De quel Grand Nouméa
rêvez-vous?
D’un Grand Nouméa qui se
construise dans la discussion et les débats entre tous. L’important pour moi,
ce n’est pas tant l’objet final que le processus qui a mené à cet objet. Mais
ce Grand Nouméa construit pour et par le plus grand nombre, il doit l’être avec
un regard aigu sur les problématiques actuelles et futures. Dans ce cadre-là,
avec les défis dont je viens de parler, la notion de ville compacte et de
développement calqué sur les transports publics me semblent être des schémas à
introduire dans les débats publics, de même que la création d’une agence
foncière sur le modèle des pays de l’Europe du Nord. Mais l’important, c’est
qu’il existe un débat, des contre-pouvoirs, des discussions, que les habitants
saisissent les problématiques et les enjeux et puissent participer à la
construction de solutions partagées.
- Tours,
autoponts, parkings... Vous mettez en balance des choix calédoniens avec
d’autres solutions expérimentées ailleurs. L’extension du Grand Nouméa
suit-elle des schémas obsolètes ?
Comme toutes solutions, elles sont
discutables. Il est vrai que les modèles urbains qui se développent tant en
Europe que dans certaines villes nord-américaines, avec le démantèlement
d’autoroutes urbaines et d’autoponts, et la limitation de l’utilisation de
l’automobile en solo, notamment en limitant le stationnement en ville,
proposent d’autres solutions peut-être plus anticipatrices des contraintes
économiques, principalement, de demain. Quant aux tours, il importe de savoir
pourquoi on les construit et comment on les insère au paysage, aux mobilités,
aux modes de vie. Mais elles sont généralement plus porteuses de modernité que
d’obsolessence. Dans toutes ces questions, au-delà des modèles des autres
villes, il importe de ne pas importer brutalement des solutions toutes faites
et de les contextualiser. Ce qui nécessite une compréhension fine du Grand
Nouméa et souvent le concours des universitaires.
- Pensez-vous
que Païta est un contre-exemple de développement urbain?
Il ne s’agit pas d’attaquer Païta
mais d’illustrer la problématique de l’étalement urbain et de l’habitat diffus.
Païta symbolise la consolidation d’un phénomène dans le Grand Nouméa, celui de
périurbanisation : une urbanisation dispersée rendue possible par les voies de
circulations à grande vitesse, et nécessaire par la flambée foncière de
l’agglomération. Il ne s’agit pas de pointer du doigt Païta, mais les
ingrédients qui conduisent à cet étalement et d’appeler à une maîtrise de
l’urbanisation, par exemple avec les transports publics. Aux Pays-Bas, il n’est
pas rare que la construction du tramway précède la construction d’un quartier.
Cela a pour effet de guider vers une forme urbaine en doigts de gant, qui se
concentre autour des stations de tramway, plutôt que pousser à la diffusion
permise par l’automobile. Peut-être est-ce, avec un autre mode de transport
public, un modèle à suivre pour l’urbanisation de Païta car demain, les
kilomètres qui sépareront Païta de Nouméa coûteront très chers. Non seulement
en temps, avec la congestion qui apparaît déjà, mais aussi et surtout en
argent, sans parler de la sécurité routière.
Propos
recueillis par Françoise Tromeur
Destin commun, «
destin urbain »
Outre le profil « Grand
Nouméa » sur Facebook, François Serve alimente un blog sur l’urbanisation
du Grand Nouméa (http://villes.blog.lemonde.fr/) et réagit aux textes qui
concernent le sujet. « Le destin commun en Nouvelle-Calédonie est aussi un
destin urbain et il me semble important que le plus grand nombre soit
sensibilisé aux enjeux de l’urbanisation, développe-t-il pour expliquer ce
besoin d’information. Je me situe aussi dans une dynamique où l’urbaniste
ne se place plus seulement en expert technocrate qui construit la ville. Il me
semble, au contraire, que la position d’urbaniste est celle d’un maïeuticien,
d’un pédagogue, qui met les décideurs et les populations face aux
problématiques, aux enjeux et aux moyens d’y répondre. »
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